Photographie réalisée par l'artiste américaine Sally Mann |
Percevoir et déguster les différences,
entretenir nos capacités de réaction vive et curieuse face à l’heureuse
diversité aujourd’hui menacée du monde, de Montaigne voyageur à Victor Segalen,
l’exote, les grandes figures ne
manquent pas qui m’encouragent à ne pas rester prisonnier, comme disait aussi
Francis Ponge, de ma rainure humaine.
Et rien ne me déplaît tant que de voir comme à l’intérieur du petit milieu
poétique qui de cette façon ne sera jamais grand, à quel point le triste esprit
de chapelle fait que beaucoup s’appliquent – dans les limites d’invention bien
sûr hors desquelles il n’y aurait point d’art – à dupliquer le même et s’entendent
à mépriser ce qui ne ressemble pas.
Il y a loin entre le livre d’Alexander Dickow que j’ai présenté il y a quelques jours et celui de Samantha Barendson dont je
compte parler aujourd’hui. Et ce qui me retient dans cette Machine arrière que Samantha Barendson vient de publier à la Passe
du vent, n’est pas du ressort de l’inventivité formelle ou de la profondeur de
champ. De cette espèce de conjuration élargie d’intelligence qu’on trouve à
l’oeuvre dans la Rhapsodie curieuse
du poète franco-américain. Non, le mérite de la suite de poèmes simples et
courts qui compose Machine arrière
tient justement à son immédiateté. Son évidence qui fait qu’on ne s’interroge
pas sur le fond, les arrière -fonds, la préparation, les complications, les
superpositions que seraient supposée présenter chacune des lignes de ces textes
mais qu’on peut étaler ces derniers devant soi, avec tout le plaisir et la
curiosité qu’on tire d’un jeu de photographies où se lirait l’histoire bien
séquencée et pas trop difficile à reconnaître, d’une vie.