dimanche 27 décembre 2015

HOMMAGE. DEUX BEAUX COMPATRIOTES DE L’AILLEURS : ERNEST HAMY ET AUGUSTE PINART.

BALTHUS
BALTHUS
J’ai vécu mes premières années dans une rue de Boulogne-sur-Mer dont le nom, seulement maintenant, plus d’un demi-siècle plus tard, évoque autre chose que ces associations qui forment le fond ensommeillé, parfois plein de poésie, des esprits encore mal contrôlés que sont les esprits d’enfance.  
Ernest Hamy, cet élément de signalétique que je recopiais avec ma date de naissance sur les étiquettes de mes cahiers d’écolier, n’était pour moi qu’une séquence graphique intellectuellement vide  qui, même plus tard, lorsque je fus devenu moins ignorant et alors même que les hasards de l’existence m’eurent conduit à m’installer à deux pas du beau manoir  du Waast qui fut la résidence d’été de mon lointain compatriote, me laissa sans curiosité. Stupidement, ma pensée le rangeait parmi les vieilles notabilités, sans histoire et sans gloire. Pourtant Hamy fut dans la seconde moitié du XIX ème siècle, un de ces enfants de Boulogne que son époque et son tempérament généreux portèrent, pour reprendre les mots merveilleux de Montaigne à embrasser l’univers comme sa ville, à jeter ses connaissances, sa société, ses affections à tout le genre humain, persuadé aussi qu’il était, comme nombre de ses contemporains éclairés, des indiscutables bienfaits de la science, des sciences devrais-je dire, et de la marche irrésistible, juste un peu ralentie parfois, du Progrès.

mercredi 16 décembre 2015

AGIR DANS L’INCERTITUDE. AUTOUR DE VOYAGE À TRAVERS LES CLIMATS DE LA TERRE DE GILLES RAMSTEIN.

La Création L.A. Demarne, 1729
Je viens de terminer la lecture – passionnante – d’un livre de Gilles Ramstein consacré à l’histoire des climats de la terre.  Un voyage d’un peu plus de onze milliards d’années qui conduit du premier pilonnage subi par le disque primitif, entraînant l’apparition des océans, jusqu’à leur disparition complète puis à l’absorption de notre planète par la géante rouge qu’à ce moment sera devenu le Soleil. Spécialiste de la modélisation du climat au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, Gilles Ramstein est un scientifique pédagogue qui malgré la complexité des phénomènes dont il essaie de rendre compte, nous permet d’un peu mieux comprendre les phénomènes dont sommes aujourd’hui les acteurs plus ou moins inconscients ainsi que les potentielles victimes. En même temps, il ne cache rien du caractère encore bien incertain de la plupart de nos connaissances et des controverses qui animent toujours les milieux scientifiques face à l’extraordinaire diversité des interactions chimiques, physiques, biologiques et mécaniques qui président à la définition des climats successifs de la terre. 

jeudi 10 décembre 2015

DU TEMPS OÙ LA CLASSE OUVRIÈRE ÉTAIT DIGNE. DOCHERTY DE McILVANNEY

Le poète et romancier écossais, William McIlvanney, vient de mourir le 5 décembre dernier. Pour avoir, grâce à mon ami Freddy Michalski, son traducteur, eu la chance de découvrir son superbe roman Docherty qui raconte l’histoire d’une famille de mineurs écossais peu avant le surgissement de la première guerre mondiale, je voudrais rappeler ici que McIlvanney ne fut pas que cet auteur de romans policiers qu’on a pris l’habitude de voir en lui, même si ces romans qui influencèrent, dit-on son cadet Peter May, ne manquent pas d’intérêt.

Docherty est un roman magnifique, tout en sensibilité, qui témoigne de l’extraordinaire capacité de son auteur à comprendre et à manifester dans toute leur subtilité les liens qui, en dépit des malentendus de surface et surtout des difficultés à traduire sentiments et pensées dans les formes d’une parole claire, rassemblent les membres d’une famille ouvrière, dans un contexte social où la pauvreté pour ne pas dire une certaine misère n’a pas encore, loin de là, comme on le voit de nos jours, défait le souci de la dignité et le sens des solidarités humaines les plus profondes. 

Nos lecteurs trouveront dans l’extrait que nous publions ci-dessous un très beau passage où les qualités de l’auteur, j’espère, lui apparaîtront dans leur évidence. Dans cet extrait, un jeune fils de mineur doué pour les études mais qui méprise son instituteur, tente d’expliquer à son père, qui ne sait pas lire, pourquoi il ne veut plus prolonger ses études et désire, comme lui, descendre à son tour à la mine.  

mardi 8 décembre 2015

« TIRER L’ÊTRE VERS LE VOLUME ». CHRISTIANE VESCHAMBRE : QUELQUE CHOSE APPROCHE.


Elie Lascaux, La Maison de l'homme-plumes
 « Y-a-t-il un concept d’un pas qui vient dans la nuit, d’un cri, de l’éboulement d’une pierre dans les broussailles ? De l’impression que fait une maison vide ? ». Et si c’était justement de la capacité qu’elle possède, hors concept, comme le suggère Yves Bonnefoy dans les Tombeaux de Ravenne, de nous amener à sentir, éprouver, tout ce qui du fond, habité, de notre conscience, déborde notre pouvoir de « représentation », de « définition » du monde, que la poésie, une certaine poésie – d’ailleurs pas la plus répandue de nos jours – restait et restera toujours indispensable pour une partie d’entre nous.

Non. Il n’est pas vrai que la poésie soit faite pour nous permettre de nous exprimer.



mardi 1 décembre 2015

ODETTE PERDUE ET RETROUVÉE ! L’INTERLOCUTRICE DE GENEVIÈVE PEIGNÉ.

Qu’attend-on d’un écrivain sinon qu’il mette des mots sur des espaces de notre vie qui avant lui échappaient encore à la parole, ou qu’il éclaire à son tour d’un jour nouveau, d’une intensité plus puissante ou sous des angles singuliers, ce que les habitudes de langage, les conditionnements culturels ont fini par dérober à la conscience sensible. L’écrivain, de son côté fait quant à lui chaque jour l'expérience que, si la langue qu’il travaille peut être l’instrument d’une libération de sa parole,  elle peut aussi rester celui de son enfermement dans ce qu’Yves Bonnefoy appelait si bien « la séduction des structures closes ».
Le beau livre, et courageux, de Geneviève Peigné, l’Interlocutrice, me semble, à cet égard, particulièrement digne de retenir l’attention. De nombreux comptes rendus ont déjà été donnés de cet ouvrage, et qui lui rendent pour la plupart justice. Poignant, bouleversant d’humanité, délicat. Un émouvant mémorial consacré à une mère disparue victime de la maladie d’Alzheimer, une plongée dans la maladie et les affres du mal être, un essai tragique sur la vie et la lecture qui, comme l’écrit l’un des premiers Eric Chevillard dans le Monde des livres, avoisine à travers les paroles retracées de la mère, les effets produits par une certaine poésie contemporaine... tout a été dit, je pense, sur ce livre à nul autre pareil.