mardi 20 mai 2025

JEAN-BAPTISTE PERRONNEAU. PEINDRE DES GENS QUI NE SONT RIEN !

 

Le Musée des Beaux Arts d’Orléans possède d’intéressants portraits de ce Jean-Baptiste Perronneau dont les critiques de l'époque, entraînés sans doute par la plus grande célébrité de Quentin de La Tour, eurent tendance à rabaisser le talent. C’est vrai qu’au moment où la bourgeoisie française commence à vouloir faire étalage de ses réussites, il n’hésitait pas à représenter des personnes de moins grande qualité que son rival. Il est intéressant de noter à ce propos, les réactions des milieux prétendûment éclairés du temps qui se désolaient de cette profusion de portraits consentis à des gens jugés sans importance. On ne disait pas à l’époque « qui ne sont rien ». Quel serait aujourd’hui leur effroi découvrant la course frénétique à l’image qui s’est emparée de chacun !

 

À titre de curiosité j’ai pensé que les lecteurs de ce blog auraient plaisir à découvrir, dans le texte, les considérations que, grâce à Gallica, j’ai pu retrouvées sur ce phénomène de démocratisation de l’art du portrait dont J.B. Perronneau fut dans la seconde moitié du XVIIIème siècle l’un des artisans.

dimanche 18 mai 2025

ENCORE UN OUVRAGE QUI NE MANQUE PAS D’INTÉRÊT. LES [NOTES FANTÔMES] DE SYLVAIN JAMET CHEZ LOUISE BOTTU.

  


Pris récemment plaisir à lire les [notes fantômes] de Sylvain Jamet que m’ont adressées les bonnes éditions louise bottu. J’aimerais en partager aujourd’hui quelques-unes, que ce que chacun sait de la nature singulièrement peu joviale des temps ne laissera pas sans résonance. Dans les notes d’accompagnement jointes par l’éditeur à l’ouvrage, Sylvain Jamet précise que les sortes de définitions qui composent son livre « méritent le nom de fantôme en ce qu’elles flottent hors de la personnalité de l’Auteur, tout en restant malgré tout reliées à elle, comme les fameux « membres fantômes » prolongent le corps des mutilés. Il n’y a rien à soi, ici, et pourtant il y a une douleur. Ou disons plutôt, dans le cas de ces notes, une nostalgie. » Il fournit aussi une autre indication fort parlante, évoquant les ghost notes qui en musique, intercalées entre les notes principales, dans les blancs du morceau, « sont marquées d’une croix sur la partition et sont produites par la technique de l’étouffement », ce qui les rend à peine audibles. Rapporté au texte cela signifierait qu’entre les mailles ou au revers de « tout ce que nous croyons devoir être dit […] quelque chose encore joue une toute autre musique. » Intéressant.

samedi 17 mai 2025

PAS ENCORE LASSE LA MAIN QUI ORDONNAIT LE MONDE. SUR LE NOUVEAU LIVRE DE GÉRARD CARTIER : LES BAINS-DOUCHES DE LA RUE PHILONARDE, CHEZ OBSIDIANE.

Bon. Les livres dont il me faudrait parler s’accumulent. Le temps dont je dispose pour le faire avec l’empathique patience qu’ils réclament, se réduit. Il me semble aussi qu’une certaine forme d’énergie, de cette joyeuse et optimiste créativité qui m’a longtemps porté, est en train de m’abandonner. Effet pas seulement de l’âge. De ce climat, je constate, de faux-semblant, d’effrontée publicité de soi-même qui, de concert avec le panurgisme culturel ambiant, me gâte chaque jour davantage ce beau commerce d’art et de pensée qui devrait pourtant permettre à chacun de se sentir moins écrasé par le cynique mercantilisme des temps. Oh ! Pouvoir d’un seul bond briser l’ombre. Courir comme autrefois en équilibre sur le tranchant de la lumière…

samedi 10 mai 2025

SUR LA FUREUR D’ÉCRIRE !


"Il est tout à fait vrai que nombreux sont ceux que tient la maladie incurable d’écrire et il n’y a point de fin à multiplier les livres, comme le disait déjà le vieux sage ; à notre époque écrivassière et tout particulièrement alors que le nombre de livres est innombrable, comme l’a dit un homme de valeur, et quand les presses sont oppressées, à une époque où il suffit que tout un chacun soit d’humeur à se gratter pour vouloir s’afficher et désirer célébrité et honneurs (nous écrivons tous, doctes et ignares), celui-là écrira quoi qu’il en soit et y parviendra, peu importent ses sources. Ensorcelés par le désir d’être célèbres, même au plus fort de la maladie, au risque de perdre la santé et d’être à peine capables de tenir une plume, ils doivent dire quelque chose, le sortir d’eux-mêmes, et se faire un nom, quitte à écraser et à ruiner beaucoup d’autres personnes. Ils veulent être comptés parmi les écrivains, être salués comme écrivains, être acceptés et tenus pour polymathes et polyhistors, se voir attribuer par la foule ignorante l’appellation vaine d’artiste, obtenir un royaume en papier ; sans espoir de gain mais désireux d’une grande célébrité, à notre époque d’érudition immature, de précipitation et d’ambition (voilà comment J. C. Scaliger la critique) et alors qu’ils ne sont encore que des disciples, voilà qu’ils veulent devenir des maîtres et des professeurs, avant même de savoir écouter correctement."

Robert Burton
in Anatomy of Mélancolie, 1621
 traduit par Gisèle Vernet, édition Folio, Gallimard

vendredi 9 mai 2025

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. DEUX POÈMES DE PAUL LE JÉLOUX TIRÉS DU JARDIN SOUS L’OMBRE, CHEZ OBSIDIANE.

 

CLIQUER POUR LIRE L'ENSEMBLE EN PDF

Il se pourrait finalement que ce blog propose désormais davantage d’extraits directement à découvrir que de notes de lectures plus ou moins approfondies. Après tout ce sont les textes qui sont intéressants. Qu’on a envie de partager. Pouvant se lire et se relire. Leur sens allant sans cesse, mouvant, s’élargissant. Aujourd’hui sensible à l’envoi que vient de me faire sa nièce, du dernier ouvrage de son vivant publié par Paul Le Jéloux, Le Jardin sous l’ombre, j’ai plaisir à proposer à la lecture ces deux beaux textes qui m’auront particulièrement touché. Par l’ampleur du regard ici porté sur notre condition sans que le caractère extensif de ce dernier se perde comme souvent c’est le cas, dans cette espèce de pensée vague encartonnée qu’affectionnent ceux qui n’ont rien à dire. Non le clair-obscur de notre être au monde s’y révèle bien dans des jeux d’images parlant en profondeur à notre imagination. Celle qui effectivement depuis les origines avance en nous à pas de loups, cherchant à la fois l’aliment et le signe.  

TEXTES : 

mercredi 7 mai 2025

PARUTION. LES CAVALES, 2, D’HERVÉ MICOLET À LA RUMEUR LIBRE.

 


Un an après la sortie de ses premières Cavales, le poète lyonnais Hervé Micolet lance, toujours à la Rumeur libre, Les Cavales, 2, ouvrage encore une fois remarquable de liberté d’expression, se proposant ni plus ni moins que de nous entraîner à la rencontre du monde, à la traversée de temps, d’œuvres, de moments, créateurs ou corrupteurs de vie et de beauté, dans un galop étourdissant, car toujours inventif et rechargé d’énergie, de strophes donnant l’impression de ne s’essouffler jamais.

mardi 22 avril 2025

POÈME : LE CHIEN DE MARCUS CAREIUS.


 

Chien de Marcus Careius

 

de Marcus Careius Asisa dont tu viens de voir

la stèle funéraire à Narbonne tu ne sauras rien

sinon qu’il fut au premier siècle de notre ère meunier

et boulanger et que l’amour qu’il avait pour sa fille

il préféra l’exprimer en mots très pauvres

il n’était pas poète semblait aimer les animaux

encore que de faire inlassablement tourner un âne

pour moudre à la meule le grain n’en soit pas le meilleur signe

dans sa boutique on devait entendre la clochette placide

de son chien remuer dans la croustillante et fidèle

odeur du pain - sa pierre ici est froide et seule

l’inquiétude du peu que nous saurons sauver

pour assurer notre bien relative éternité humaine

quand de partout tout sur elle se referme tout

              est mordante

 

Georges Guillain 22/04/2025

PARUTION : PÈRE LIBAN MÈRE SUISSE DE SYLVIE DURBEC AUX ÉDITIONS ROSA CANINA.


 

Le père. La mère. Des origines. Et puis des livres, des villes et des voyages. Plantes. Couleurs. Avec le temps qui passe, journées, peines et pertes s’additionnent. De quel pays peut-on se dire ? Et où se trouve la maison ? Je viens de recevoir Père Liban Mère Suisse, le dernier petit livre de Sylvie Durbec qui peut-être encore est mon amie. L’éditeur porte un nom de plante, Rosa canina. Qui est celui du rosier sauvage. Et sa profession de foi d’un bout à l’autre je la partage*. Merci Sylvie pour ton envoi. Que bien sûr je n’ai pas encore eu le temps de lire comme la poésie, celle qui compte, doit se lire vraiment. Dans une attentive patience. Mais déjà l’ayant feuilleté je retiens pour ce blog ce superbe poème d’apparence tout simple :

 

400 millions d’années

La fougère est vivante

Nous allons vivre un peu

ensemble

On me l’a donnée

en Suisse et je l’ai emportée

en France

 

J’ignore si elle va aimer

vivre de l’autre côté de la frontière

Entre nous

Entre deux villes

Entre deux forêts

Sur un escalier

 

"Les racines du Rosa canina avaient la réputation de guérir de la rage. Nous rêverions que certains de nos contemporains se soignent à la racine et guérissent de la haine, des croyances mortifères, de l’indifférence, de la cupidité – autres visages de la rage – pour enfin s’ouvrir à la complexité du monde, à une fraternité réelle. La crainte fugace que tous les Rosa canina sur Terre n’y suffiraient pas traverse en-dehors des épines notre conscience. Nous laisserons donc proliférer ces rosiers sauvages bannis des jardins bien entretenus."

lundi 21 avril 2025

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. CLAPOTILLE DE LAURENT PÉPIN CHEZ FABLES FERTILES.

 


 

De retour un peu précipité dans mes lumières du Nord, je profite d’un moment de tranquillité pour dire ici l’intérêt que j’ai pris à lire l’ouvrage de Laurent Pépin qui m’a heureusement surpris par la singularité de son écriture et de sa conception. Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de texte pris pour le dire vite entre le frénétique monstrueux hérité des romantiques et de Lautréamont et le merveilleux de certains pans du surréalisme. Le nom de Clapotille m’a furieusement fait penser au vers de Rimbaud dans le Bateau ivre au point de me faire imaginer que le nom attribué par l’auteur à son personnage de Rêveuse dans un premier temps dévouée à protéger son père des Monstres, venait de là. J’ai pensé aussi, je ne sais pourquoi aux terribles histoires de Borel. Pétrus. Bon je sais que cela ne conduit pas trop loin mais la vie surtout a voulu que je comprenne à quel point la fabrique de nos imaginaires relationnels dispose en nous d’une puissance bien supérieure à cette raison dont on voudrait qu’elle soit capable de régler tous les problèmes. Dans la relation ainsi qu’établit l’ouvrage entre ses personnages, comme aussi à l’intérieur d’eux-mêmes, je suis sensible à cette double dimension de puissance / impuissance qui me semble être dans une certaine mesure le fond de notre condition. Que cela soit porté par un texte hissé haut dans l’imaginaire, bien loin des plats réalismes peinant quand même à dilater la pensée, n’est pas une des moindres réussites de son approche. Lisez donc Clapotille ! Que j’aimerais avoir le temps de rapprocher avec un peu de précision du beau livre aussi de mon ami Alexandre Billon,  Le Tutoiement des morts dont j’ai un peu parlé sur ce blog. Lis Clapotille Alexandre ! Lisez le Tutoiement des morts, Laurent ! Bien que ne me sentant pas moi-même habité comme le semble être leur auteur de Voix dévoratrices ou destructrices ou même seulement handicapantes ces textes auront dans une bonne mesure résonné en moi. Et ouvert des clartés.