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samedi 23 mars 2024

DEUX GRANDES EXPÉRIENCES D’ÉCRITURE CRÉATIVE !

Petit montage photos évoquant les deux éditions du concours des 10 mots que nous avons remportées

C’était en 2008. Mes élèves du lycée Branly remportaient pour la seconde année consécutive[1] le Prix des 10 mots de la langue française, consacré cette année là aux Mots de la rencontre. Après avoir été accueillis à l’Académie Française pour les Mots du voyage, nous fûmes reçus au Ministère par Monsieur Xavier Darcos et suivis pour l’occasion par une équipe de FR3 venue de Boulogne-sur-Mer en notre compagnie. Je viens de retrouver le petit discours qu’on m’avait demandé de prononcer au cours de cette cérémonie dont j’imagine qu’elle reste toujours bien présente à l’esprit des élèves qui m’y auront accompagné et dont le travail extraordinaire aura rendu possible ce succès.

 

Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les personnalités, Chers collègues, chers élèves,

 

je suis évidemment particulièrement heureux de voir aujourd’hui l’établissement que je représente  honoré pour la seconde année consécutive par ce beau prix initié par la DGLF.

C’est vrai que comme l’ont rappelé mes camarades de l’Académie de Lille qui se sont également illustrées dans la catégorie Collèges, les gens du Nord souffrent parfois un peu, comme les paysans de Molière, de se voir caricaturer à travers leur accent, leur prétendu naturel fait de rudesse apparente et de générosité bruyante, alors la belle récompense qui nous est octroyée aujourd’hui (au collège Vauban de Maubeuge, au collège A. Camus de Lille, au lycée E. Branly de Boulogne-sur-mer) témoigne que nous sommes apparemment tout aussi capables, malgré, c’est vrai, les conditions dans l’ensemble plus difficiles dans lesquelles vit une bonne partie de notre population, d’atteindre l’excellence dans tous les domaines du savoir et particulièrement dans celui de la maîtrise de la langue française.

 

C’est la raison pour laquelle je ne profiterai pas de l’occasion pour réclamer à Monsieur le Ministre, malgré cet environnement médiatique très porteur que tout le monde a certainement en tête, la création d’une agrégation de Ch’ti pour la fin de la semaine prochaine ou de picard pour la fin de la décennie en cours.

 

En fait j’aimerais plus sérieusement dire ici que le succès de Laurence, de Virginie et celui de mes propres élèves est à la fois le succès d’une équipe puisque nous appartenons à la même petite commission culturelle qui s’est fixé pour but de promouvoir la littérature vivante de création et les écritures inventives dans l’Académie de Lille et la preuve aussi par les faits du bien-fondé de notre conception de l’apprentissage de la maîtrise de la langue.

Je suis en effet profondément persuadé que mon travail de professeur (la mission qui m’est donnée toujours par cette école de la République que j’ai choisi de servir il y aura bientôt une cinquantaine d’années comme élève d’une école normale d’instituteurs) ne consiste pas à tenter d’asservir mes élèves à la langue mais à m’efforcer dans toute la mesure de mes compétences et de mon expérience de les aider à devenir un jour DES SUJETS AUTHENTIQUES PLUS RESPONSABLES, DANS LEUR LANGUE. Une Langue partagée que nous devons essayer d’habiter, d’entretenir et de valoriser ensemble.

 

Pour cela je ne suis pas sûr qu’il faille accabler nos enfants de règles. Pas plus qu’il ne faut les abandonner aux mirages, aux illusions de la libre expression. Ou se contenter de s’adonner aux petits jeux auxquels on a souvent recours quand on se sent obligé de stimuler leur créativité

 

Il n’y a pas certainement de recette miracle. Rien qui marche à coup sûr et sans risque. Si ce n’est de savoir éveiller ou plutôt réveiller chez l’enfant, chez l’adolescent surtout, LE DESIR DE LANGUE. En l’amenant à saisir au plus près la richesse unique qu’elle constitue pour la pensée. Et bien au-delà de la pensée POUR LA CONSTRUCTION véritable de soi.

 

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé cette année à 10 de mes amis ou de mes connaissances écrivains d’apporter à mes élèves leur expérience des mots, leur expérience de l’écriture et de les accompagner dans le travail follement ambitieux que j’ai imaginé de leur faire réaliser rien moins qu’un ouvrage à caractère littéraire, un ouvrage d’écrivain faisant l’éloge, un éloge critique et non conventionnel de la rencontre.

 

Pour encadrer régulièrement ce type de rencontres au sein de l’Académie de Lille, dans lesquelles des écrivains interviennent dans des classes je sais à quel point leur apport peut-être essentiel dans la façon dont ils renouvellent l’image que les élèves et parfois les professeurs se font de la langue. Comment ils sont capables de faire comprendre par leur témoignage,  la force, l’énergie que leur donne en profondeur le travail régulier et créatif qu’ils opèrent sur les mots. Quelle jouissance aussi ils en retirent. Quelle liberté de pensée, de parole.

C’est un peu de cette énergie. Un peu de cette liberté conquise. Et conquise dans l’effort. Que j’ai tenté de faire un peu passer. Et de communiquer à mes élèves.

Pour que leur vie en devienne plus riche. Leur avancée plus lumineuse.

C’est en tout cas ce que j’espère. 

En tant que professeur.

 

CLIQUER POUR VOIR LES MOTS DE LA RENCONTRE 

ET SON LIVRET D'ACCOMPAGNEMENT



[1] À noter que suite à ce succès, la DGLF organisatrice du Prix aura modifié son règlement de manière à empêcher qu’un même établissement puisse être couronné deux années de suite avec le même professeur. Je n’ai donc pu concourir à la troisième édition de ce Prix.

vendredi 4 septembre 2020

LIRE ENCORE SHARON OLDS. ODE À MON COU DE VIEILLE.


Comme l’écrit Tristan Hordé dans un article de la revue en ligne Sitaudis [1], les odes de Sharon Olds, du moins une bonne partie d’entre elles, semblent à première vue reprendre la tradition bien connue du blason : Ode au clitoris, Ode au vagin, tels sont en effet les titres des 2 premiers poèmes de ce recueil excellemment traduit de l’anglais (américain) par Guillaume Condello. Toutefois, précise bien Hordé, ces blasons, « écrits par des hommes, presque toujours sur des parties du corps féminin, ce sont avant tout des jeux littéraires, chacun rivalisant d’esprit dans la description. Les odes de Sharon Olds, à propos de l’anatomie des hommes et, plus souvent, des femmes [n’ont] pas seulement [pour objectif] de célébrer le corps, et souvent de manière à choquer le lecteur qui attendrait de l’ode quelque chose de lyrique (définition minimale aujourd’hui du genre), mais de placer les descriptions dans la société contemporaine […] d’écrire à propos de l’expérience humaine. »

L’exemple que nous donnons ici touche d’ailleurs davantage à la tradition inversée du Contre-blason et de façon plus large encore à cette pratique illustrée aussi bien par les Regrets de la Belle Heaulmière de François Villon que par la Vénus Anadyomène de Rimbaud, qui, à l’espace ouvert par le culte idéalisé de la beauté physique oppose avec des intentions diverses, l’exposition le plus souvent poussée jusqu’à la caricature, des laideurs d’un corps soumis aux affres de l’âge ou de la maladie.

Chez Olds, toutefois, le profond matérialisme qui l’anime (voir l’allusion finale aux muses) va de pair avec une perception réellement élargie de son être au monde, qu’elle situe non seulement dans le temps long de la perpétuation de l’espèce (vers 18-19) mais dans celui beaucoup plus vaste encore, cosmique, de la formation de la terre ( voir les métaphores géologiques : synclinaux, anticlinaux, croute terrestre, qu’on aurait tort de simplement lire comme des exagérations comiques).

On regrettera que la pudibonderie toujours à l’œuvre, voire de plus en plus, au sein de l’institution scolaire, empêche que pour les initier à la poésie, un tel recueil soit soumis à la curiosité de nos adolescents qui sûrement y trouveraient bien plus de matière à former avec intelligence leur vision des choses de la vie que dans un certain nombre de textes qui leur sont proposés.



[1] https://www.sitaudis.fr/Parutions/odes-de-sharon-olds-1593754618.php

 



[1] https://www.sitaudis.fr/Parutions/odes-de-sharon-olds-1593754618.php

  

mardi 30 juin 2020

ÉLARGIR NOTRE MERVEILLEUSE CAPACITÉ DE PAROLE. DOSSIER FINAL D'EXTRAITS POUR LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21.

CLIQUER POUR OUVRIR PDF
Oui, comme nous l’écrivions l’an dernier, nous avons besoin de parole. C’est la vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui entretiennent une relation dynamique au langage que de témoigner de cette nécessité profonde. Cela n’est-il pas merveilleux de réaliser que nous  sommes dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.

Mais cette capacité de paroles n’est en fait que l’une des manifestations de notre besoin plus large non seulement de nous représenter  les choses ou de nous exprimer mais par l’intermédiaire de nos facultés créatrices de libérer, augmenter, intensifier, exalter, comme l’écrit le philosophe Paul Audi, notre sentiment d’exister. Sur tous les plans où se joue en nous et dans le monde nos communes et singulières destinées.

C’est pourquoi on trouvera ici en lien toujours avec les extraits des ouvrages que nous avons sélectionnés toute une série d’oeuvres à découvrir et de questions à explorer. Rien n’est plus mortel pour l’intelligence que de s’enfermer dans des catégories. Ou des définitions. Catégories, définitions ne sont utiles que pour aider l’esprit à s’orienter. Une fois que l’on a regardé son plan, il importe de regarder la ville . Se perdre dans ses quartiers. S’imprégner de leurs différentes atmosphères. Ne jamais se contenter des visites guidées des principaux monuments.

On le voit. Le Prix des Découvreurs n’est pas un prix de poésie comme les autres. Son ambition est grande. Elle vise à aider ceux qui ne se contentent pas des formules toutes faites, à se construire et à inventer toutes sortes de parcours qui leur donneront non seulement de la poésie mais de l’art et de la culture une conception plus large, accueillante et vivante. Qui les amène à se constituer, dans l’écoute, l’échange, le partage des interrogations et des curiosités, en Sujet, non seulement rationnel mais aussi créatif et sensible, de leur propre parole, de leur propre existence.

Merci par conséquent à ceux qui rendent cette aventure possible : la Ville de Boulogne-sur-Mer qui nous soutient depuis toujours de diverses manières,  le Rectorat de Lille qui fait de notre action l’un des éléments de sa politique d’action culturelle et éducative, nos amis professeurs de lettres et documentalistes ainsi que les chefs d’établissement qui nous ouvrent leurs classes et bien entendu à nos amis poètes, écrivains, éditeurs et artistes qui s’impliquent avec générosité dans ce défi lancé à l’étroitesse présumée des temps.



dimanche 21 juin 2020

QUE CARCASSE ET CORDAGES. POÉSIE DE CARTON-PÂTE, VRAIMENT ?

Difficile de faire comprendre parfois que mon attachement au contemporain n'est en rien exclusif d'une profonde admiration que je voue aux grands écrivains du passé. Aussi pensé-je utile de publier à nouveau la réaction qu'un texte peut-être un peu rapide d' Antoine Emaz, paru il y a quelques années sur POEZIBAO a suscitée chez moi. Cela ne remet évidemment pas en cause la considération que j'ai toujours eue pour ce poète dont je connais par ailleurs si bien, l'ouverture et la profonde sensibilité à la chose poétique.


QUE CARCASSE ET CORDAGES

Reconnaissons le. L’expression ne manque pas d’allure. Antoine Emaz a du style. Mais quand il parle ici – sous la forme d’ailleurs d’un bel hexamètre baroque - de textes tels que ceux de Du Bellay et de Ronsard, d’autres tels que Desportes ou Jean-Baptiste Chassignet, son propos ne manque pas d’affliger. D’inquiéter. Pour lui. A moins de se dire qu’il s’est laissé emporter. Piéger. Par le souci d’un bon mot. D’une posture. D’une phrase qui dès son départ ne demandait qu’à devenir injuste. Voici le fait. Dans un passage de son journal de bord, sur POEZIBAO, où se mêlent attention aux livres écrits, reçus, aux petites misères et merveilles formant le lot d’une vie fonctionnarisée qui s’envisage à ras, sans désir apparent de soulèvement héroïque, Antoine Emaz qui est aussi professeur écrit : Bossé sur L’isolement de Lamartine, pour une lecture critique : mettre à nu la rhétorique romantique du sentiment comme du paysage. Vu sous cet angle, le poème devient creux comme un décor de carton-pâte, à moins que l’élan lyrique ne soulève et n’emporte. Ce sont des poèmes sur lesquels il vaut mieux ne pas s’appesantir si l’on veut continuer d’admirer un peu. Même effet avec Ronsard et du Bellay, ou bien la poésie baroque ; si l’on prend le parti de suspecter le texte, on ne voit plus que carcasse et cordages.

Certes, dès que l’esprit se met à suspecter quelqu’un, il le transforme assez vite en coupable. Les innocents passés entre les mains des polices de tous bords en savent malheureusement quelque chose. Et à ce titre je ne connais pas un seul poème qui pourrait trouver grâce. Chez l’un on suspectera le je, accusé d’être un autre, chez l’autre, on fera reproche à l’auteur de se cacher sous l’universel, accusé de n’être plus personne. Sans compter tout le reste. Toute l’histoire des 30 dernières années de la poésie du XXème n’a résonné que de tels procès. Multiples. Contradictoires. Qui ont bien failli finir, d’ailleurs, par lui coûter la vie.

Il ne s’agit pas bien entendu d’oublier de se montrer critique. Et d’accueillir béatement tout ce qui se présente. Il existe et existera toujours une poésie exécrable que l’amateur de poésie (j’emploie de terme d’amateur au beau sens du XVIIIème) n’aura aucune difficulté à reconnaître comme telle. Mais pour ce qui concerne la poésie véritable, celle qui relève avant tout d’une relation singulière au langage – singulière et éprouvée ; singulière parce qu’éprouvée – la suspecter, est le contraire même de ce qu’il faut commencer par faire. Pierre Drogi me paraît plus inspiré quand dans un entretien avec Serge Martin dont rend aussi compte Florence Trocmé dans son flotoir, il rappelle que si le poème est un point d’arrivée, il est aussi pour son lecteur, cette fois, point de départ, réclamant à ce dernier qu’il le fasse à son tour sien. L’accueille. Sur le modèle dit-il de la musique. Comme le musicien annote la partition qu’il lui faut interpréter.

Tout cela Antoine Emaz le sait. Comme il sait que la poésie française du moins jusqu’à Baudelaire relève en partie du discours. Qu’elle argumente. Et peut-être résumée. Et que l’analyse qu’en fait le professeur manifestant le savoir-faire rhétorique du poète ne peut prétendre dire le dernier mot de ces textes qui agissent par mille et une autres touches pour certaines infiniment discrètes dont la somme nous échappera toujours. Variations plus ou moins subtiles des rythmes, mystère des combinaisons de sonorités, dans leurs couleurs, leur hauteur, leurs nuances profondes. Résonances de leurs images. Accord particulier de ces dernières avec le paysage musical auxquelles elles sont subtilement nouées… Ce qui agit toujours dans l’Isolement de Lamartine et plus encore sûrement dans certains admirables poèmes de Du Bellay n’est pas l’idée sur laquelle ils sont bâtis. Mais leur musique. Leur corps insécable d’art et d’imaginaire. Ce qu’on peut bien continuer d’appeler leur charme (carmen). Lequel est le fruit, chez leurs auteurs, de cette expérience profonde d’êtres sensibles, immergés dans les mots. Pris dans les formes de leur temps qui les programment, certes – carcasses - mais auxquelles ils donnent un surcroît d’intensité, une puissance vitale toute particulière, y répondant par l’invention d’un geste personnel, une formule intime, qu’on ne trouvera pas ailleurs.

Faire comprendre à chacun que dans le Quand vous serez bien vieille de Ronsard ce n’est pas, d’un point de vue poétique, le fameux carpe diem qui importe mais l’invention de l’image pour la première fois rassemblée de la jeune maîtresse et de la vieille solitaire qu’elle sera, soutenue - autour notamment du puissant imaginaire, à l’époque, de la mort - par tout un réseau de résonances domestiques, d’extraordinaires jeux de contrepoints phoniques que l’oreille plus que l’esprit me semble-t-il doit s’exercer à sentir, éprouver, en en ruminant, remâchant la lecture, voila ce qui devrait être de nature à rendre un peu mieux justice à cette poésie qui certes n’est plus d’aujourd’hui, mais vers laquelle, fort d’ailleurs des leçons du dernier Barthes ( celui de la Préparation du roman) qui dénonçait la néomanie moderne, rien ne devrait nous interdire de continuer de regarder. Assidûment. Filialement. Librement.

NOTE :

Pour être juste, l' expression d'Antoine Emaz se trouve prise dans une tournure hypothétique qui la dégage de ce qu’elle pourrait avoir d’insupportable. N’empêche que son propos fournit des armes à l’imbécile prétention de certains neomaniaques qui ne valent pas mieux pour moi que toutes ces vieilles oreilles conservatrices incapables de curiosité envers tout ce qui compte aujourd’hui. Ou plutôt devrait compter aujourd’hui. Chose que fait fort pertinemment comprendre Walter Benjamin dans son Livre des passages quand il remarque que plus l’importance sociale d’un art décline, plus on assiste dans le public à une dissociation entre l’esprit critique et la disposition à la jouissance, comme on peut aisément l’observer en ce qui concerne la peinture. L’on apprécie fortement, sans le critiquer, ce qui est conventionnel, tandis que l’on juge avec répugnance ce qui est véritablement nouveau.

samedi 30 mai 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. ALVÉOLES OUEST DE FLORENCE JOU.

CLIQUER POUR DÉCOUVRIR LE CAHIER

Véritable petit objet interactif* notre troisième Cahier d’accompagnement du Prix des Découvreurs 2020-21, consacré au livre de Florence Jou, entraînera certes ses lecteurs dans l’important travail de lien et de résidence qu’elle a accompli au Centre d’Art Contemporain, le Grand Café de Saint-Nazaire en proposant d’écouter soit l’intégrale de la performance qu’elle y a réalisée à partir de son texte, soit simplement le teaser, comme on dit, qu’en propose aussi Vimeo. Mais il ouvrira d’autres portes à la curiosité. Une œuvre se doit bien sûr toujours d’être intéressante en elle-même. Cela ne signifie jamais qu’elle doive se replier sur elle. Bien au contraire. L’œuvre est un nœud, un carrefour de sensibilité, de connaissance et de réflexion. Elle a pour source la vie, toute la vie et pour finalité toujours aussi la vie, mais la vie avivée, augmentée, fortifiée, redoublée… nourrie.

Ainsi le lecteur qui ouvrira notre cahier découvrira ce qu’est un Centre d’Art Contemporain, y verra le type d’œuvres qu’on y collectionne ou qu’on y expose et pourra s’interroger sur les différences qui fondent aujourd’hui les 3 paradigmes principaux de l’art que sont le classique, le moderne et le contemporain que trop souvent notre ignorance amène à opposer non pour les mieux comprendre mais pour se conforter dans ses malheureux préjugés.

La démarche de Florence Jou ayant une portée indiscutablement sociale et politique, et ne cachant en rien sa dimension d’engagement, nous avons aussi cru bon de renvoyer à l’esprit dit de Mai 68 à travers le rappel en illustration de certaines affiches mais surtout en proposant un lien vers un important travail sur l’esprit de révolution qu’on trouvera sur le site Gallica.

Et puis comme nous aimons les images élaborées par les artistes et la visite des musées auxquels nous consacrons finalement aussi bien du temps, nous avons attiré l’attention sur la grande figure, moderne, de Fernand Léger et le sympathique petit musée qui lui est consacré à Biot dans les Alpes maritimes, en proposant une découverte plus précise de son grand tableau intitulé Les Constructeurs. Pourquoi d’ailleurs ne pas profiter alors de l’occasion pour établir un parallèle avec les fresques réalisées aux usines Ford de Détroit, par le grand peintre mexicain Diego Rivera que nous avons évoqué dans notre cahier précédent consacré aux Autobiographies de la faim de Sylvie Durbec.

L’espace nous a manqué pour renvoyer au bien intéressant livre qu’Antoine Volodine a publié sous le patronyme de Maria Soudaïeva, Slogans, qu’on peut facilement utiliser pour motiver et orienter des ateliers d’écriture. Les curieux que nous n’aurons pas encore épuisés iront voir.

Note : dans ce Cahier, comme dans tous les autres, passer la souris sur le texte ou l'image pour voir apparaître les liens.

mardi 12 mai 2020

REMONTER AUX SOURCES DU VIVANT. SÉLECTION 2020 DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

Cela aurait pu être pour nous une très belle semaine. Avec d’abord aujourd’hui la remise officielle à Boulogne du Prix des Découvreurs 2020 et la découverte toujours très attendue des travaux effectués autour du Prix par diverses classes de collège et de lycée de la ville, en présence de nos amis de la Municipalité qui depuis près d’un quart de siècle s’est indéfectiblement tenue à nos côtés, des représentants du Rectorat de Lille qui lui aussi ne nous a jamais fait défaut et la présence exceptionnelle cette année de Philippe Le Guillou, Inspecteur Général de lettres mais aussi écrivain venu pour parler de la vie littéraire et du roman, car il n’y a pas bien sûr que la poésie, au monde. Puis nous nous serions rendus jeudi à Calais pour animer en collaboration cette fois avec nos amis du Marché de la Poésie de Paris, Yves Boudier et Vincent Gimeno, notre traditionnelle journée de découvertes où sur la Scène nationale du Channel, notre lauréat 2020 ainsi que la poète et traductrice Séverine Daucourt-Fridriksson, auraient mêlé leur voix experte à celles de dizaines et de dizaines de jeunes gens venus à côté de leurs professeurs, célébrer eux aussi leur intérêt voire leur amour, pour la poésie.

Comme on sait l’épidémie que nous traversons nous a obligés, non sans tristesse, à renoncer à ces moments privilégiés. Que nous espérons bien voir revenir bientôt. Comme nous le répétons sans relâche, la poésie n’est pas ce petit supplément d’âme ou cette joliesse d’expression qui vous décore à l’occasion un petit pan de l’existence. C’est une relation fondamentale, originelle, qui depuis toujours, noue et renoue la vie à la parole et la parole à la vie. C’est pourquoi nous pensons qu’en ces moments où la vie sous la pression des urgences qui ne sont pas que sanitaires mais écologiques, économiques, sociales, politiques, va devoir se réinventer il est plus que jamais important de remonter aux sources du vivant informant, instruisant, la parole dans ce qu’elle a de plus sensible et de plus rayonnant.

Dans notre nouvelle sélection nous avons donc tenté de rassembler des ouvrages dans lesquels ce lien profond entre la parole et la vie, la vie bien sûr sous ses diverses formes, dans ses divers niveaux d’appréhension, nous a paru évident. Tout en restant autant que possible accessibles à ces jeunes dont on sait bien qu’ils sont désormais, dans nos sociétés marchandisées à l’extrême, nourris, si l’on peut dire, d’attentes et de représentations, le plus souvent grossières. Des ouvrages que nous avons aimés et qui auraient aussi très bien pu figurer dans notre sélection n’ont pas été retenus et nous le regrettons. Mais chacun sait bien que l’exercice est difficile et comprendra qu’il était aussi nécessaire pour nous de proposer une certaine variété de formes, d’écritures, de thèmes, pour rendre aussi un peu compte de l’extrême ouverture du paysage poétique contemporain. D’autres critères sont intervenus comme la disponibilité des auteurs par rapport aux propositions d’interventions qui j’espère continueront de nous être faites. Trop d’auteurs cette année se sont dit indisponibles. Raison pour laquelle nous avons proposé à Jérôme Leroy de revenir dans la sélection et d’être ici le huitième homme. Nous avions avec lui un programme de rencontres auquel il s’est sans problème plié mais que le Covid a brutalement interrompu un vendredi de mars alors que nous étions du côté de la Villa Yourcenar. Il était aussi parmi les deux ou trois auteurs dont les élèves semblaient le plus apprécier l’œuvre. Redonner à son livre une nouvelle chance ne nous a pas paru injuste.

Le Prix des Découvreurs 2020-2021 est donc aujourd’hui lancé. Puisse-t-il contribuer comme il le voudrait tant à redonner à la poésie autre chose qu’un éclat de surface. Une image débarrassée de tout caractère passéiste, élitaire et bourgeois. Lui apporter, comme elle en a tant besoin, de jeunes et nouveaux lecteurs qu’elle accompagnera dans leur parole. Tout au long de leur temps.

Télécharger la sélection.

mardi 14 avril 2020

NOUVELLES DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

Notre dernière sortie : avec les lycéens de Calais, découverte, rue Férou, à Paris, du Bateau ivre de Rimbaud.

Difficile, au moment où, du fait de la fermeture des établissements scolaires, nous voici contraints de renoncer à attribuer le Prix des Découvreurs 2020, de nous remettre à préparer l’édition à venir. Un quart de siècle déjà que nous nous sommes lancés, parmi les touts premiers, dans cette aventure de faire lire la poésie qui s’écrit de leur temps, aux jeunes des écoles, avec la perspective de leur faire découvrir la nécessité profonde, pour les humains que nous sommes, de relancer toujours, par toutes les ressources de notre savoir, de notre sensibilité et de notre imagination, la relation fondamentale que nous entretenons, par la parole, avec la vie.

La façon dont nous voyons aujourd’hui que notre action est un peu partout reprise nous inciterait presque à mettre désormais un terme à l'entreprise, n’était le désir de ne pas laisser ainsi le dernier mot aux puissances mortifères que nous avons toujours tenté, dans notre domaine propre, avec les moyens qui nous ont été donnés et les ressources personnelles que nous avons pu mobiliser, de repousser. Notre objectif, ne nous le cachons pas est profondément politique et non pas culturel. Ne visant à rien moins qu’à faire habiter le plus tôt et le plus largement possible, par chacun, notre maison commune de parole. Mais de parole vraie. Ouverte. Et si possible réflexive.

Nous donnons donc rendez-vous dans les semaines qui vont suivre à nos amis enseignants dont nous avons la certitude qu’ils auront, plus encore qu’hier, à s’interroger sur les contenus, le sens et les modalités de ce qu’il leur appartient de transmettre aux jeunes qu’ils ont pour mission de construire et d’éveiller. Il y aura de plus en plus pour eux à inventer. Á trouver. Dans de nombreux domaines, bien entendu. Mais surtout, croyons-nous, dans celui essentiel, de la parole. Dont nous savons à quel point elle oriente toujours l’action, bonne ou mauvaise, des hommes.

Nous espérons qu’ils trouveront alors, dans nos propositions comme dans la riche documentation que nous continuerons à leur fournir, dans notre blog, toujours plus de richesse et de bonne énergie à puiser.

mercredi 1 avril 2020

EMPÊCHER L'ESPRIT DE TOUJOURS PLUS S'INFIRMISER AVEC ARMAND LE POÊTE.


Ferons-nous grincer quelques dents en proposant aux élèves des collèges et des lycées d'entrer dans la poésie contemporaine à partir d'un ouvrage dont l'auteur annonce lui-même sur la page d'accueil de son site qu'il est dangereux pour les enfants et déconseillé par l'Education Nationale, a (sic) cause de l'orthographe ?
Composé de courts poèmes d'amour maladroitement calligraphiés, accompagnés de dessins tout aussi maladroits et naïfs, d'annotations désabusées, sans compter de nombreuses ratures, Amours toujours, le livre d'Armand Le Poête (avec un circonflexe) possède en apparence tout d'un brouillon de collégien loin d'être le premier de sa classe et risque de passer aux yeux de ceux qui se contenteront de le feuilleter, pour une provocation, une façon de tourner en ridicule les Poêtes eux-mêmes, du moins ceux qui en sont restés à ne voir dans la poésie que le moyen d'y exprimer les sentiments les plus convenus, voire un divertissement, une pochade un peu débile.
Il est de fait symptomatique que très peu de poètes qui publient régulièrement sur leurs confrères dans les revues de poésie qui leur sont pourtant assez généreusement ouvertes se sont attachés à rendre compte de façon un peu poussée des ouvrages d'Armand dont on dévoilera quand même pour ceux qui ne le connaissent pas qu'il est en fait la créature d'un autre poète très différent de lui et lui aussi sélectionné pour le Prix des Découvreurs 2015, le lyonnais Patrick Dubost.
Passionné de scène, amateur de performance, esprit remarquablement créatif, par ailleurs prof de math, Patrick Dubost est parfaitement à l'aise avec les techniques de communication et d'expression les plus actuelles. Il faut donc prendre les livres d'Armand qu'il publie avec constance depuis une vingtaine d'années avec, sinon tout le sérieux, du moins toute l'attention qu'ils méritent.
Il n'est pas nouveau que les poètes qui sont avant tout des artistes c'est-à-dire des inventeurs de formes, des expérimentateurs d'être, s'inventent des hétéronymes leur permettant, à travers la conception d'écritures et de dispositifs pour eux inédits, de donner corps à des aspirations différentes de leur personnalité. Tout le monde aujourd'hui reconnaît l'importance à côté du nom de Pessoa de ceux d'Alvaro de Campos, de Ricardo Reis ou d'Alberto Caiero pour ne citer que trois des quelques 70 hétéronymes jusqu'ici recensés du grand poète portugais. Sans passer par de tels pseudos - on dirait peut-être aujourd'hui avatars - il faut aussi bien admettre que l'éclatement puis la libération au cours du XX siècle de la figure et des potentialités de l'homme, préparés par la célèbre formule de Rimbaud: " Je est un autre", rendent de moins en moins acceptable pour un auteur conscient des multiples dispositions de son être et des non moins multiples propositions que lui adresse la vie, de s'enfermer dans un style. De se réduire comme disait Michaux parlant de son adolescence à sa boule hermétique et suffisanteMoi n’est jamais que provisoire. On n’est peut-être pas fait pour un seul moi. On a tort de s’y tenir. Préjugé de l’unité écrit ainsi l'auteur de Plume dans une postface de 1938. Avant de s'intimer, dans Poteaux d'angle, avec toute l'énergie dont il était capable et en réponse aux préceptes d'Epictète qui recommandait à l'homme qu'il se fixe une fois pour toute en société un style et un modèle, de tâcher au contraire de sortir de son style. Et d'aller suffisamment loin en lui pour que ce dernier ne puisse plus suivre.
Il faut donc bien admettre au cœur de l'inventive personnalité du très sérieux et très contemporain Patrick Dubost, le droit à l'existence d'un petit personnage né bien avant lui - ce serait en 1911 - qui, parce qu'il se livre follement, sans tabous, seulement soucieux du plaisir de dire et de la découverte, n'a pas tout perdu de son enfance, du temps où les bêtes allaient encore de compagnie avec les cœurs, où l'amour pouvait encore physiquement venir éclairer, transfigurer le monde, un monde à la rencontre duquel on ne craignait pas, calme orphelin d'aller, riche de ses seuls yeux tranquilles quitte à ce qu'il ne vous trouve pas malin.
Bien entendu Patrick Dubost n'a rien de l'absolue naïveté du Gaspard Hauser de Verlaine et dans le monde très intellectualisé de la poésie française actuelle, l'ingénuité retorse qu'il prête à l'œuvre d'Armand le Poête ne trompe et ne cherche à tromper personne. Jouant subtilement et plaisamment sur les attentes, les codes, il fait que la délicate et même parfois fraîche émotion dont ses livres sont assurément porteurs reste largement recouverte - il suffit d' entendre les réactions réjouies de son public - par une bonne couche d'humour drôle ou blagueur. Évacuant peut-être un peu vite la belle question de l'innocence et celles plus dures de l'absence, du ratage, de la fêlure et surtout de la mort. Formes par excellence du manque qui marquent en creux bien des propos de son personnage.
N'empêche, qu'en ces moments où l'on voudrait nous ramener à ces fondamentaux que sont, pour les disciplines littéraires, la maîtrise de la langue et de la pensée claire, et pour l'économie, pour ne parler que d'elle, la rigueur et la discipline, il est salubre de voir combien des poètes comme Patrick Dubost se rient de nos asséchantes gravités, nous démontrant comment, avec les moyens les plus simples mais aussi les plus fous, on peut par l'esprit d'invention, la manipulation décomplexée des mots, des images et des identités, interpeller les imaginaires qui leur sont reliés, pour empêcher l'esprit de toujours plus s'uniformiser, s'infirmiser. Jusqu'à manifester, au passage, ce que montrent bien ici les ratures, combien toute pensée d'abord bredouille, se cherche, s'élabore dans le manque et trouve, dans l'appel, l'ouverture, sa véritable respiration. Qui est par nature d'enfance.
Sans oublier de souligner que si la vie est une équation avec plein d'inconnues, il est bien normal de s'inventer plusieurs vies pour pouvoir les aimées toutes (sic). En toute liberté.