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mardi 19 mars 2024

PAYSAGES DE PAUL BRIL.


 

 Né à Anvers au tout milieu du XVIème siècle, mort à Rome en 1626, ce peintre qui aura su, au point d’être le premier peintre non italien à y être nommé à la tête de l’Académie de Saint-Luc, s’établir dans une Rome finalement pas trop accueillante aux artistes étrangers, aura, en matière de peinture de paysage, préparé la voie à Nicolas Poussin ainsi qu’à Claude Lorrain. Si les paysages qu’il traite au début de sa carrière ne sont pas sans rapport avec ceux de Patinir, volontiers fantastiques, leur arrière-plan se perdant dans des bleus caractéristiques et des formes rocheuses artificieusement découpées, ils évoluent peu à peu au cours de son séjour romain devenu pour lui l’occasion de les moderniser, d’en unifier la composition en les faisant baigner dans une lumière s’adoucissant en fonction de l’étagement des plans et des jeux de profondeurs subtils qu’il parvient à orchestrer grâce en particulier aux figures – hommes, animaux - qui les animent et s’y déplacent. J’aime assez son autoportrait qu’il réalise devant une toile qu’il vient d’achever et qu’il représente encore clouée sur son cadre. Comme si le peintre ici nous invitait à entrer dans son œuvre en nous rappelant qu’elle est bien le fruit d’une âme artiste, qui n’aurait utilisé ses pinceaux – qu’on voit aussi pointer vers lui, en trompe-l’œil -  que pour mieux nous faire entendre quelque chose, peut-être, de sa mélodie intime. 


 

vendredi 22 septembre 2023

À PROPOS DE LIGURIES, ENSEMBLE DE TEXTES D’ITALO CALVINO, PUBLIÉS EN VERSION BILINGUE PAR LES ÉDITIONS NOUS, TRADUITS ET PRÉFACÉS PAR MARTIN RUEFF.

« Si on veut décrire un lieu, le décrire complètement, non pas comme une apparence momentanée mais comme une portion d’espace qui a une forme, un sens et un pourquoi[1], il faut représenter tout ce qui se meut dans cet espace, ce qui obéit à un mouvement ultra-rapide comme ce qui se meut avec une lenteur inexorable : tous les éléments que cet espace contient ou a contenus dans ses relations passées, présentes et futures. C’est dire que la véritable description d’un paysage doit finir par contenir l’histoire de ce paysage, de l’ensemble des faits qui ont lentement contribué à déterminer la forme avec laquelle il se présente aujourd’hui à nos yeux, l’équilibre qui se manifeste à chacun de ses moments entre les forces qui le tiennent ensemble et les forces qui tendent à le désagréger. »[2]

Cette déclaration d’Italo Calvino, en tête d’un des cinq textes en prose qui composent le recueil d’articles qu’entre 1945 et 1975, il a consacrés à sa terre natale[3], si elle témoigne bien de l’ambition et de la largeur de vue avec laquelle leur auteur entreprend de rendre compte de son sujet, n’en montre-t-elle pas aussi toute l’impossibilité ? Comment en effet rendre, avec les seules ressources d’un nombre fini de mots arrêtés à jamais sur la page, l’infinie diversité des éléments qui travaillent sans discontinuer un paysage ? Ne se place-t-on pas ici dans la position de ce fameux personnage du Chef-d’œuvre inconnu, de Balzac, que son désir effréné d’enfermer son modèle dans une forme vivante conduit à ne plus faire apparaître aux yeux de ceux qui la regardent qu’un obscur gribouillage ?  

samedi 11 septembre 2021

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. TERRILS TOUT PARTOUT DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.

C’est pour la collection « La vie rêvée des choses » que la poète et romancière Fanny Chiarello a conçu Terrils tout partout, petit ouvrage d’un peu moins d’une centaine de pages, comprenant un cahier de ses propres photographies mais qui va bien plus loin qu’une simple et pittoresque évocation de ces amas de pierres, de terres et de résidus liés à l’exploitation des mines, devenus avec le temps l’un des emblèmes, l’une des figures marquantes de ce bassin minier du Nord-Pas-de-Calais dont elle est originaire. Et c’est dans le temps long d’une Humanité qui à partir de la découverte qu’elle fait du feu, il y a quelque 450000 années, s’est engagée dans un corps à corps destructeur avec la nature, qu’elle situe ce qui nous est présenté comme un roman, mais tient plutôt du récit autobiographique, sinon de l’enquête sociologique, historique, linguistique… voire du factum écologiste.

mercredi 4 novembre 2020

PETITS MAÎTRES NON DÉPOURVUS D’IMPORTANCE. PIERRE-HENRI VALENCIENNES PEINTRE DE PAYSAGE.

P.H. Valenciennes, Paysage classique avec figures et sculpture, 1788, Paul Getty Museum, Los Angeles

 

 

Sans doute ne suis-je plus assez moderne ou contemporain pour me montrer indifférent au beau travail ainsi qu’à la belle carrière de ce Pierre-Henri Valenciennes qui fut au tournant du XIXème siècle le peintre par lequel, semble-t-il, la peinture de paysage à laquelle nous sommes devenus si sensibles, commença d’acquérir pour elle-même ses lettres de noblesse. Pour le dire à grands traits, Valenciennes fut le lien qui par son exemple et son enseignement conduisit de Poussin à l’impressionnisme, ayant formé dans son atelier puis dans ses cours à Polytechnique comme à l’Ecole des Beaux Arts bien des peintres de talent qui apprirent grâce à lui à regarder vraiment les jardins et les paysages. En fonction des saisons comme des heures de la journée.

Grand voyageur au cours de sa jeunesse qui lui fit en particulier découvrir l’Italie, Valenciennes multipliait devant les mouvantes, émouvantes, architectures du monde les études selon nature, consignant formes, rapports de masses ou rendus de matière, s’intéressant tout particulièrement aux jeux de lumière, aux variations de couleurs issus tant de l’éclat contrasté d’un ciel d’orage que de l’étourdissant flamboiement d’un soleil couchant.

Etude de paysage, Rome

 

La bibliothèque en ligne Gallica offre aux curieux la possibilité de feuilleter virtuellement l’un de ses carnets ramenés de Rome qui lui fournirent par la suite matière à réaliser ces importants tableaux qui bien qu’animés toujours de figures mythologiques s’imposent d’abord à nos yeux comme paysages, paysages composés, où une nature initialement perçue comme vivante, ne joue jamais le rôle d’un décor insignifiant et inanimé mais possède comme il l’écrit « une expression déterminée », parle à l’âme, exerce sur le spectateur « une action sentimentale ».

 

 

P.H. Valenciennes Etude de nuages, 1782, National Gallery, Londres

Romantique donc et classique à la fois, la peinture de Pierre-Henri Valenciennes est portée par « l’ardente ambition de représenter avec justesse et vérité »  - ces derniers mots bien entendu devant être compris de la façon dont ils étaient entendus à l’époque – « le spectacle de la nature ». Un spectacle qui comme tout spectacle est perçu avant tout dans ses effets : imposants et terribles comme lorsqu’il peint la mort de Pline et l’éruption du Vésuve ou simplement inspirant des sensations douces et mélancoliques comme dans ce tableau du Getty Museum où tant de choses se lisent pour moi de la fugacité et du mouvement mystérieux de nos existences sous un ciel qui distribue ses ombres autant que ses clartés.

 

Professeur impliqué, solide et exigeant, Valenciennes soutenait que le simple talent qu’il nommait mécanique du peintre ne pouvait à lui seul suffire à faire de lui un artiste. Il pensait qu’il fallait avoir beaucoup regardé, beaucoup apprécié et pour cela avoir aussi beaucoup voyagé avant de pouvoir peindre un paysage. Il recommandait à ses élèves de lire, de méditer. Afin de développer le plus possible en eux ces parties qu’il appelait « sentimentale et philosophique ». Ce n’était pas encore l’époque où l’art se vit essentiellement dans les esprits en termes, comme diraient les économistes, de « destruction créatrice ». Il se vivait encore, du moins chez lui, sans impatience et par là sans angoisse. Raison pour laquelle comme le suggère Kafka dans ses Préparatifs de noce à la campagne (1), mélancoliquement, il pouvait figurer parfois sur la toile, quelque chose de l’ordre d’un retour au Paradis.

 Note : 

1. "Peut-être n'y -a-t-il qu'un péché capital : l'impatience. Les hommes ont été chassés du paradis à cause de leur impatience, à cause de l'impatience, ils ne rentrent pas". Kafka