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mercredi 8 décembre 2021

NOUVELLES RENCONTRES AVEC EDDY HARRIS.


 C’est devenu un rituel. Comme chaque année le lycée Berthelot de Calais a accueilli pour une série de rencontres principalement destinées à ses classes d’anglais, l’écrivain américain Eddy L. Harris qui vient de sortir chez Liana Levi, après le succès de Mississippi Solo, chez le même éditeur, Le Mississippi dans la peau qui évoque, entreprise une trentaine d’années après la première, sa seconde descente du fleuve en solitaire à bord d’un simple canoé. Regards sur l’Amérique, ses mutations, sur l’aventure individuelle bien sûr et méditations sur la fuite du temps, nos relations à l’autre, à la famille et à l’éducation, sans oublier bien entendu inspiré par les riches paysages traversés, sur la beauté, celles de la nature, celles aussi de la culture voilà ce que la venue d’Eddy Harris a pu offrir à plusieurs centaines de jeunes gens auxquels il aura aussi permis de réfléchir à cette taraudante question de l’importance ou pas à accorder à la couleur de peau. 

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vendredi 12 novembre 2021

RECOUVRER LE MONDE D’HERVÉ MARTIN. DANS LE FRÉMISSEMENT DES PLUS VIVES MATIÈRES.

Hervé Martin fait partie depuis plus de trente ans maintenant de mes poètes amis. Et compte, je le sais bien, parmi les plus fidèles. J’ai reçu son dernier livre, Recouvrer le monde, début juillet dernier, et ce n’est que maintenant que j’en rends compte. Ce que j’aurais dû faire depuis longtemps. D’autant que bien des choses dans cet ensemble me parlent. M’émeuvent. Habitué que je suis, comme Hervé, aux longues promenades en forêts. À y laisser mon regard se perdre dans le spectacle toujours renouvelé des fûts, des branches et les miroitements de la lumière entre eux puis toute la mosaïque recomposée du ciel qu’aux saisons les moins froides le mouvement des feuilles balaie. Il y a chez Hervé Martin toujours ce frémissement de voir les vives matières de ce qu’on appelle la nature faire infiniment signes de ce qu’il nomme beauté et que je dirais moi, plus lourdement, d’interpellante existence, par ce qu’on y ressent d’intimité réciproque entêtée à s’entrepercer. Car les « matières » quelles qu’elles soient, minérales, végétales, silex ou écorce, relèvent pour Hervé Martin de ce grand mystère du monde avec lequel nous faisons sensuellement corps mais que notre esprit et nos mots restent malheureusement pour l’essentiel, impuissants à comprendre. D’où ce travail toujours recommencé de regard. Et par suite de voix. De poèmes. Qui tente non pas de recouvrir le monde mais de le recouvrer c’est-à-dire de le retrouver. D’en faire comme apparaître la direction perdue.

 

mardi 9 novembre 2021

REVUE CONTRE-ALLÉES N° 44. POUR UNE POÉSIE JEUNE ET ENRACINÉE.

 

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Il n’y a bien sûr pas que les anciens qui m’intéressent. Ainsi suis-je heureux de faire part de mon plaisir d’avoir découvert grâce au tout dernier numéro de la revue Contre-Allées placée cette fois sous la tutélaire figure de notre ami Nimrod, les textes jeunes d’Anne Barbusse et d’Élise Feltgen, cette dernière apparemment aussi libraire de village au cœur de la campagne bretonne !

samedi 11 septembre 2021

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. TERRILS TOUT PARTOUT DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS COURS TOUJOURS.

C’est pour la collection « La vie rêvée des choses » que la poète et romancière Fanny Chiarello a conçu Terrils tout partout, petit ouvrage d’un peu moins d’une centaine de pages, comprenant un cahier de ses propres photographies mais qui va bien plus loin qu’une simple et pittoresque évocation de ces amas de pierres, de terres et de résidus liés à l’exploitation des mines, devenus avec le temps l’un des emblèmes, l’une des figures marquantes de ce bassin minier du Nord-Pas-de-Calais dont elle est originaire. Et c’est dans le temps long d’une Humanité qui à partir de la découverte qu’elle fait du feu, il y a quelque 450000 années, s’est engagée dans un corps à corps destructeur avec la nature, qu’elle situe ce qui nous est présenté comme un roman, mais tient plutôt du récit autobiographique, sinon de l’enquête sociologique, historique, linguistique… voire du factum écologiste.

vendredi 30 avril 2021

UN ART POÉTIQUE EN FORME DE VÉLO DÉGLINGUÉ ? SUR LE DERNIER LIVRE DE FANNY CHIARELLO AUX ÉDITIONS DE L’ATTENTE.

Oui, comme une sorte d’épopée travestie, hésitant entre genres sérieux, burlesque et héroï-comique, cette Geste permanente de Gentil-cœur par laquelle Fanny Chiarello nous conte en lignes – difficile ici de parler de vers - de onze pieds de long, son désir un peu fou de recroiser le chemin d’une joggeuse de 17 ans aperçue dans un parc un rien chagrin de l’ancienne commune minière de Sallaumines, entre rocade d’autoroute et lotissement populaire.

Afin de retrouver la belle dont le souvenir l’obsède, l’autrice/narratrice décide à la suite d’un large et réjouissant examen de la situation, exposé en prologue, de tenir une Permanence de onze jours en ce lieu, pour quoi, résidant à quelque trente-cinq kilomètres, il lui faut courageusement enfourcher sa rossinante monture dénommée Mon Bolide, un vieux vélo aux roues voilées, aux freins insignifiants, dépourvu de vitesses, de suspension, aux pneus de plus quasi impossibles à regonfler !

jeudi 15 avril 2021

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. ANIMAL(S) DE SYLVIE DURBEC.

 

Un ouvrage qui a la liberté du chevalier errant à travers ses forêts. Qui est donc en partie une quête. Avec une première page (ci-dessous) qui donnera bien envie de lire le reste. Où se rencontreront à l'aventure, bien des voix autres. Comme celle de Denise Le Dantec dans sa Seconde augmentée parue chez Tarabuste il y a quelques années.

Extrait :

Dulle Griet,

                               l'essoufflée

mardi 9 mars 2021

TENIR AU MONDE. SUR UN BON LIVRE DE SÉBASTIEN MÉNARD PARU CHEZ PUBLIE.NET.

 

Beau titre que ce Quelque chose que je rends à la terre, que viennent de m’adresser les éditions Publie.net. Et l’idée d’imaginer le poème comme une sorte de contre-don, une chose par laquelle on s’acquitterait d’une dette qu’on aurait contractée avec le monde, avec la vie, avec la terre qui nous porte et nous nourrit, l’humus lui-même à qui nous devons notre nom d’homme, est toujours des plus séduisantes. Il y a maintenant bien longtemps, mon maître, Henri Meschonnic, professait, sans trop être entendu par les habiles de l’époque, que le poème était comme la transformation d’une forme de vie par une forme de langage et la transformation d’une forme de langage par une forme de vie. C’est à cette subtile compénétration des mots et de la vie que s’attache Sébastien Ménard chez qui la poésie finit par apparaître comme une présence inséparable du quotidien, non plus cette entité fuyante, cette surréalité chimérique que certains parent des voiles pompeux du sacré, mais comme principe actif de la vie la plus simple, jusqu’à se faire agent mécanicien réglant un dérailleur de bicyclette, attentif jardinier employé à planter des bâtons pour y faire grimper des pois.

Certes, je n’ai pas lu les autres recueils de Sébastien Ménard, qui montrent, je crois, une personnalité portée vers la rencontre, séduite par les marges et les empathiques couleurs des routes, du risque et du voyage, mais je ne crois pas que ce livre qui se déploie dans le cadre plus resserré d’une existence tournant autour d’une terre, d’un jardin, d’une petite famille aussi dont on devine qu’elle peine parfois à joindre les deux bouts, soit d’un caractère si différent. Le principe étant de s’y montrer ouvert au monde, à l’importance de chaque instant vécu qui nous traverse, en l’amenant le plus possible à l’expression.

jeudi 11 février 2021

POÉSIE/PARTAGES N° 4. POÈMES CHOISIS DE MARY OLIVER.

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C’est à l’initiative d’Hélène Le Fur dont je connais depuis longtemps le goût authentique qu’elle a de la poésie, principalement de langue anglaise, que l’idée m’est venue de lui proposer de partager dans le cadre de nos Cahiers ses traductions de la célèbre poète américaine Mary Oliver.

L’intérêt que nous  portons actuellement à une littérature préoccupée par les questions écologiques (voir mon récent article sur l’important livre de Pierre Schoentjes) me fait penser qu’une œuvre comme celle d’Oliver mérite effectivement d’être davantage connue. Et je remercie Hélène Le Fur d’avoir joint à ses traductions une éclairante présentation de cette dernière.

C’est la marque encore que je voudrais imprimer à ces Cahiers de nous permettre de découvrir ou de redécouvrir autour des textes que nous donnons à lire des œuvres d’artistes, connus ou moins connus, dont le travail est susceptible d’entrer en résonance avec l’univers propre de l’écrivain.

C’est encore le cas ici avec la présence d’œuvres de Christine Verdini et d’Éliane Pouhaer deux artistes de notre grande Région qu’Hélène Le Fur, encore elle, a contacté pour nous.

 

 FEUILLETER CE CAHIER AVEC CALAMEO


dimanche 7 février 2021

ENJEUX DES FICTIONS ROMANESQUES. LITTÉRATURE ET ÉCOLOGIE, LE MUR DES ABEILLES DE PIERRE SCHOENTJES AUX ÉDITIONS CORTI.

Ce livre n’est pas un roman. Mais il aide à les lire. Ce livre n’est pas un traité de politique mais il aide à en comprendre les enjeux. Et aussi les ressorts. Ce livre n’est pas un manifeste en faveur de l’écologie mais après l’avoir lu on fera sûrement corps davantage avec le monde. Avec l’envie d’en prendre soin.

 

Littérature et écologie. Le mur des abeilles, le gros ouvrage de Pierre Schoentjes, professeur à l’Université de Gand, spécialiste de l’ironie, des romans de la Grande Guerre et fondateur de Fixxion, revue scientifique sur la littérature francophone des années 1980 à nos jours, explore à partir d’un riche corpus, les rapports que la littérature romanesque d’expression française, s’est mise, au cours des dernières décennies, à entretenir avec l’environnement et l’écologie[i].

 

Premier constat : c’est qu’à la différence de l’Amérique, les écrivains français – du moins ceux qui dans l’histoire littéraire peuvent légitimement prétendre à se faire une place - se sont longtemps méfiés de la nature. Le roman français est un roman des villes. Tourné davantage vers les problématiques sociales, par exemple, que vers les questions du climat, de l’animal et de l’équilibre à trouver avec l’ensemble du vivant. Si l’on ajoute à cela que les valeurs liées comme on dit à la terre, à l’heimat, sont longtemps restées dans nos imaginaires attachées à la propagande fasciste ainsi qu’à celle de Vichy, on comprendra qu’assez peu de romanciers dans un pays où l’écrivain se doit généralement de s’afficher à gauche, se soient empressés de s’emparer de ces espaces a priori douteux. C’est ainsi note Schoentjes « qu’il aura fallu attendre la fin de la première décennie du 21e siècle pour qu’une littérature exigeante aborde frontalement la question de la pollution des sols et de ceux – hommes et animaux – qui les habitent et souffrent de ce que les Trente Glorieuses présentaient comme le progrès. »[ii]

 

Toutefois, nombreuses sont aujourd’hui devenues les œuvres romanesques qui d’une façon ou d’une autre non seulement intègrent les préoccupations écologiques mais s’efforcent dans le même temps d’inventer des formes adaptées pour en parler. C’est qu’on ne fait pas la psychologie d’un nuage. Et que le temps de l’écologie est un temps bien plus long que le temps bien rapide de nos amours humaines. Ainsi, de la façon dont « Alice Ferney réactualise l’hagiographie, Wilhelmy le conte philosophique, Poix invente un langage spécifique pour dire l’univers des enfants-ferrailleurs d’Agbogbloshie, Wauters et Mauvignier construisent des fictions en fragments qui résonnent avec les univers – réalistes ou non– qu’ils font surgir, Graciano saisit la matérialité d’un monde archaïque à travers un vocabulaire qui le rend éminemment sensible, Plamondon et Bouysse jouent du contrepoint […], voire aussi la façon dont dans La Malchimie, Gisèle Bienne témoigne de la révolte d’une sœur face aux souffrances endurées par son frère, ouvrier agricole, victime de la nocivité des produits qu’il a manipulés sans protection, la liste est longue remarque Schoentjes des moyens à travers lesquels le roman environnemental contemporain s’efforce de trouver la forme qui permet de dire notre rapport à un monde dont la perception a profondément changé dans les dernières décennies. »

 

Toutefois en s’efforçant de rendre compte par des moyens nouveaux de ces relations nouvelles, le romancier s’expose au danger « d’attirer davantage l’attention sur le brio de l’écriture » et de détourner la curiosité du lecteur vers des enjeux plus esthétiques que proprement écologiques et politiques. Tel est le risque par exemple que prennent certains ouvrages virtuoses tel celui de Guillaume Poix (Les fils conducteurs,2017), ou celui de Laurent Mauvignier (Autour du monde,2014) chez qui, constate Schoentjes, « l’écriture kaléidoscopique faisant entendre une multitude de voix entend [certes] stimuler l’interrogation critique [mais du fait de ]  l’absence de perspective unifiée et de la multiplicité des cibles [qu’elle entraîne] risque de pousser le lecteur dans la supériorité morale de l’esthète qui s’estime au-dessus des partis et tire sa satisfaction de voir son bon goût partagé par tous ceux qui voient en [l’auteur] un maître de l’écriture. »

 


Comment par ailleurs, note Pierre Schoentjes « se saisir de problématiques de société majeures […] avec la volonté de faire œuvre d’art, sans tomber dans le voyeurisme ? Sans surtout se voir reprocher de construire sa renommée sur la misère d’autrui ? » Cette question du voyeurisme qui se pose de plus en plus bien sûr dans une société sacrifiant comme la nôtre aux chocs répétés de l’image, est justement bien problématisée par ce premier roman de Guillaume Poix, Les fils conducteurs, qui a soin pour dénoncer le scandale de la façon dont les pays riches se débarrassent de leurs déchets numériques en les entassant dans d’immenses décharges comme celle qu’il décrit sur les côtes du Ghana, de mettre en scène un jeune photographe qui lance sa carrière internationale en y allant photographier un jeune africain dont nous est raconté le lamentable destin. « Impossible [apparemment nous dit Schoentjes] de retrouver le chemin d’un engagement en littérature sinon en affrontant les ambiguïtés éthiques que cela entraîne.

 

Verte ou marron, le champ de plus en plus vaste qu’aujourd’hui couvre la littérature qu’on dira écologique se répartit grossièrement entre ces deux grands pôles. D’un côté les œuvres mettant en scène comme celles de Claudie Hunzinger (Bambois la vie verte, La Survivance)  des formes diverses de retour individuel, plus ou moins idéalisées, à la nature sinon totalement sauvage du moins encore relativement farouche et d’un contact pas toujours bien facile, de l’autre, des œuvres de dénonciation, témoignant d’un engagement plus large au service de grandes valeurs à vocation universelle, comme celle d’Alice Ferney, Le Règne du vivant, consacré au combat de Paul Watson pour la protection des baleines. Là-dessus encore, l’ouvrage de Pierre Schoentjes multiplie les commentaires éclairants qui aideront le lecteur que ne contentent pas les plaisirs immédiats et souvent un peu narcissiques que procure la lecture, à mettre en perspective les diverses représentations qu’élaborent les auteurs, afin d’élargir utilement sa réflexion.

 

À propos d’engagement, l’ouvrage de Schoentjes insiste d’ailleurs sur la façon dont, d’une manière quasi générale, le roman français évite de faire l’apologie de tout radicalisme. Effectivement, « la plupart des romans qui problématisent les questions environnementales argumentent de manière pacifique : les personnages qui emportent la sympathie des auteurs sont en majeure partie des non-violents. La littérature retrouve en cela la voix d’une écologie consensuelle, qui en appelle aux bonnes volontés et évite de désigner des coupables trop proches de nous : l’élevage industriel plutôt que le consommateur de viande, les grands groupes chimiques et pharmaceutiques plutôt que l’agriculteur qui traite ses cultures, l’État plutôt que l’automobiliste. » C’est qu’«à notre époque de terrorisme islamiste unanimement condamné, [l’apologie de la violence ] reste malgré tout plus délicat qu’il y a cinquante ans et plus. À l’époque, le contexte idéologique pouvait […] légitimer l’action brutale voire meurtrière dès lors qu’elle était au service de l’autodétermination de peuples colonisés ou d’une plus grande justice sociale. L’écologie n’est pas une cause suffisamment partagée pour que des militants puissent s’autoriser d’elle pour conduire des actions violentes, fût-ce dans l’univers imaginaire du roman. »

 

Qu’en est-il alors ici du pouvoir de la fiction ? L’empathie pour le vivant, la conscience des urgences environnementales auxquelles nous devrions au plus vite répondre, que se proposent de générer la plupart des œuvres qu’analyse Schoentjes sont elles condamnées à ne durer que l’espace d’une lecture, à ne s’imprimer qu’abstraitement à la surface de notre imaginaire ? Devons-nous accuser aussi les romanciers de plus en plus nombreux qui intègrent dans leurs ouvrages les grands thèmes de l’écologie de ne faire que sacrifier à la mode pour contenter les aspirations d’un public davantage avide de distinction symbolique que d’efficacité dans l’action ?

 

On retrouve là certains des éléments de ce vieux débat qui, à propos du témoignage de l’Histoire, opposa naguère le cinéaste et écrivain Jacques Lanzman à Georges Didi-Huberman quant à la possibilité que nous avons de donner sens par la seule vertu de la parole aux drames, aux tragédies que nous entendons dénoncer. La réponse de Schoentjes, se rapproche dans son livre de celle de G. Didi-Huberman, qui dans Ecorces, par exemple, nous fait comprendre que si bien sûr, nous restons toujours à la surface des choses, que de la réalité, à la rencontre de laquelle nous allons, nous ne ramenons jamais que des lambeaux, que dans la grande forêt des mondes dont nous cherchons à reconnaître ou découvrir les chemins, nous ne soulevons que de maigres écorces, nous ne pouvons rester, dès lors qu’une situation nous touche, sans parole et sans voix.

 

Et puis il ne faut pas oublier comme nous le rappelle bien pertinemment Schoentjes, que, face aussi à l’indifférence accrue du grand public pour les sciences dîtes humaines, les ouvrages de fiction, s’ils ne conduisent pas directement à s’engager, s’ils ne sont pas d’une efficacité politique immédiate, contribuent touche après touche et de plus en plus, à créer des réseaux de représentations, tout un substrat d’imaginaire, qui peu à peu, infusant dans les consciences se révèle durablement fertile, étant comme on le sait bien aujourd’hui le lieu principal où s’originent nos plus hautes valeurs. Ainsi, nous habituant peu à peu à considérer l’ensemble du vivant d’une manière différente et pourquoi pas avec les yeux des abeilles, les fictions écologiques ne peuvent que nous permettre d’élaborer ces nouvelles valeurs sur lesquelles nous appuyer pour rendre chaque jour moins impossible l’avènement d’un monde avec lequel, pour reprendre les mots de Bruno Latour – que bizarrement ne cite pas Pierre Schoentjes - nous pourrions, oubliant nos violences premières, entrer en négociation. En toute diplomatie.

 

À condition bien entendu, car la concurrence entre toutes les visions d’avenir n’en finit jamais d’évoluer, que l’imaginaire lié à la présente crise sanitaire recoupe le plus possible celui qu’aura généré l’urgence écologique. Et ne l’offusque pas.



[i] On ne peut reprocher bien entendu à un ouvrage aussi riche et fouillé que celui de Pierre Schoentjes de ne s’intéresser qu’à la littérature romanesque. L’érudition dont fait preuve l’auteur dans ce domaine et la précision de ses analyses sont admirables. On se contentera de remarquer que sur le plan de l’écologie la poésie n’est sans doute pas à la traîne vis-à-vis du roman, même si bien entendu ses approches sont différentes. Je me contenterai de mentionner pour ce qui est du contemporain le travail fondateur de Kenneth White, de Jean-Claude Pinson ou de Michel Deguy. 

[ii] « Peu de livres avant le début de notre siècle qui se soient vraiment préoccupés d’écologie » affirme Pierre Schoentjes qui cite toutefois bien entendu aussi bien Giono, Genevoix, que même Zola ou Jules Verne. J’ajouterai pour l’avoir découvert dans Fabuler la fin du monde de Jean-Paul Engelibert – dont la lecture complètera d’ailleurs très utilement celle du livre de Schoentjes - que c’est en 1805 qu’un certain Jean-Baptiste Cousin de Grainville publie Le Dernier Homme, fable apocalyptique dans laquelle il imagine une catastrophe climatique, consécutive aux outrances des sciences et de la technique, venant détruire l’ensemble de l’humanité.

 


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