vendredi 30 décembre 2016

JACQUES LÈBRE. L’IMMENSITÉ DU CIEL.


RUISDAEL VUE DE HARLEM  Détail MAURITSHUIS
 « 
père, même pas dans la terre / (il a neigé à gros flocons pendant la crémation) / réduit, désormais, / à l’immensité du ciel. »

Que devient l’être lorsque la vie le quitte et que ce qui l’animait se voit arracher à son enveloppe charnelle ? Qu’y a t’il d’être toujours, autour de nous ? Et quelles limites d’espace, de temps, la conscience peut-être, la parole, le geste, et la mémoire encore, peuvent-ils nous aider – même un peu - à franchir ?

Organisé autour de la disparition de son père, Lucien, (1926-2008), le dernier livre de Jacques Lèbre, demeure tout entier habité par cette forme supérieure et inquiète de sensibilité qui fait d’un certain nombre de moments vécus, le frémissant lieu de passage et l’éphémère réceptacle de tout ce qui, dans la vie et par le monde nous déborde. Éprouve notre vulnérabilité. Réactive le sentiment de l’essentielle porosité de notre être intérieur.

dimanche 11 décembre 2016

RÉACTIVER À CHAQUE INSTANT TOUT LE VIVANT DU MONDE. AUMAILLES, UNE ANTHOLOGIE DE PASCAL COMMÈRE.

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« Comment aimerais-je être lu ? Je ne sais trop… Sans doute lentement, très lentement. Comme lorsque la voix pressentie la voix du poème — traîne sur les mots, grignotant au passage noisettes quelques voyelles. Certains de ces poèmes saisis dans un effet de ralenti — la vitesse c’est à l’intérieur — en une sorte d’apprivoisement. Sans recueillement ostentatoire d’aucune sorte, en passant. Généralement la poésie appelle une certaine distance, ici le poème semble conjuguer distance et proximité —  j’aimerais dire prochitude —, « lointaine approche » ainsi que le suggérait le titre d’un livre précédent : titre long, ah ce qui ne sait pas finir… Car ces poèmes, comme c’est presque toujours le cas en ce qui me concerne, furent écrits en marchant, ou bien à vélo, c’est-à-dire selon l’allure d’une déambulation. »

C’est par ces mots qu’à notre demande Pascal Commère répondait en 1997 aux élèves du lycée Branly de Boulogne-sur-Mer qui peu de temps après allaient lui décerner le premier prix des Découvreurs.

Nous sommes heureux, quelque 20 ans plus tard, de témoigner de notre fidélité à ce poète qui ne nous a jamais déçu – il en est heureusement de nombreux autres – en publiant avec notre association cette nouvelle anthologie dont nous espérons qu’elle permettra à un nouveau public de découvrir son oeuvre. Une oeuvre dont nous pensons qu’elle pourrait bien, comme nous l’indiquons en quatrième de couverture, « nous aider à reconfigurer autrement l’idée que nous nous faisons de notre importance et de la nature de notre présence, ici, sur cette terre ».


vendredi 9 décembre 2016

LITTÉRATURE ENGAGÉE. UN LIVRE À FAIRE TRAVAILLER DANS LES CLASSES !

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« C’est pas l’affaire privée de quelqu’un, écrire. C’est vraiment se lancer dans une affaire universelle. Que ce soit le roman, ou la philosophie. » Ce n’est certes pas le livre d’Alice Ferney, Le Règne du vivant, qui vient d’être réédité en Poche après sa publication en 2014 aux éditions Actes Sud, qui donne tort au propos que Gilles Deleuze aura tenu dans son Abécédaire, confronté à la lettre A de Animal.

Court, prenant, engagé, le livre d’Alice Ferney qui s’insurge contre l’accaparement et la destruction par les humains de l’espace naturel qu’ils se révèlent incapables de partager vraiment avec toutes les autres formes de vie, mérite d’être proposé aux jeunes qu’il est en mesure de sensibiliser à l’usage que nos sociétés dîtes avancées font du monde dont elles s’estiment toujours, pour reprendre l’expression bien connue de Descartes, « comme maîtres et possesseurs ».

mercredi 7 décembre 2016

OISEAUX RARES.

L'Albatros Louis Joos 2002
illustration pour les Fleurs du Mal de Baudelaire
 « Les oiseaux – entendez les poètes - sont de piètres ornithologues » estime Michèle Métail en réponse à la question que, pour marquer sa naissance, la revue marseillaise BÉBÉ vient de poser à une quinzaine d’auteurs à propos de ce qu’est pour eux la poésie. Que savent-ils en effet, « de l’échancrure d’une queue / des ailes spatulées / du vol sautillant / du bec aplati / du trait sourcilier ? ».

On est en droit de préférer cette frustrante dérobade aux propos malheureusement trop apprêtés de certains dont on voit bien que, modernes albatros, ils ne cherchent en rien à éclairer le lecteur, décidés qu’ils sont avant tout à témoigner de toute la hauteur et de l’envergure de leur vision créatrice. Et sans doute que la poésie crève aujourd’hui de cette contradiction de moins en moins supportable qu’on voit entre la volonté qui s’exprime légitimement chez les poètes de lui voir reconnaître une part plus grande à l’intérieur de la cité et la façon qu’elle a encore chez certains de se composer une langue, de se parer de formes - quand ce n’est pas simplement d’emprunter des postures - accessibles seulement à de rares initiés.

vendredi 2 décembre 2016

IDENTITÉ. ALTÉRITÉ. PLASTICITÉ. COMMENT SORTIR DE SA RAINURE HUMAINE.


MASQUES ALASKIENS,  CHATEAU-MUSEE de BOULOGNE-SUR-MER

*
Je lis toujours avec intérêt les considérations que Florence Trocmé publie dans son flotoir.  Ce qu’elle vient d’écrire récemment au sujet de la traduction et peut-être aussi sur la question de la mise en scène des grandes œuvres littéraires me donne d’ailleurs envie de revenir un peu sur certaine des idées que je défends à l’intérieur de ce blog.

Bien sûr, je partage a priori la considération qu’éprouve Florence Trocmé pour le travail de P. Markowicz et son souci de rendre, avant tout, compte du caractère d’altérité  des oeuvres composées dans des langues étrangères.

Il y a pour chacun, en terme d’élargissement d’être, plus d’avantages à concevoir la traduction comme un chemin vers l’autre qu’à la réduire à n’être qu’une adaptation - à nos communes façons de voir, de penser, de sentir - du système de représentations fondamentalement différent dans lequel s’inscrit toute oeuvre produite dans une culture autre. Rien ne peut être plus triste pour l’homme que de ne savoir pas, comme dirait Francis Ponge, sortir de sa rainure. Et s’empêcher ainsi de se dupliquer constamment lui-même. Je partage à ce sujet les points de vue que développe Marielle Macé dans son dernier ouvrage, qui prenant les choses de manière très large, nous porte à reconnaître, non seulement dans la pluralité des formes prises par la vie humaine, mais aussi dans l’immense variété des existences animales, ce qu’à la suite de Canguilhem elle appelle des allures diverses de la vie, des styles, et va jusqu’à distinguer dans la multiplicité même des objets – je pense en particulier au passage qu’elle consacre aux instruments de musique – autant de manières d’instituer des relations nouvelles avec le monde.