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« C’est pas l’affaire privée de quelqu’un, écrire. C’est vraiment se
lancer dans une affaire universelle. Que ce soit le roman, ou la philosophie.
» Ce n’est certes pas le livre d’Alice Ferney, Le Règne du vivant, qui vient d’être réédité en Poche après sa
publication en 2014 aux éditions Actes Sud, qui donne tort au propos que Gilles
Deleuze aura tenu dans son Abécédaire, confronté
à la lettre A de Animal.
Court, prenant, engagé, le livre d’Alice
Ferney qui s’insurge contre l’accaparement et la destruction par les humains de
l’espace naturel qu’ils se révèlent incapables de partager vraiment avec toutes
les autres formes de vie, mérite d’être proposé aux jeunes qu’il est en mesure
de sensibiliser à l’usage que nos sociétés dîtes avancées font du monde dont
elles s’estiment toujours, pour reprendre l’expression bien connue de
Descartes, « comme maîtres et possesseurs ».
Plus proche en fait du
documentaire que de la fiction, le roman d’Alice Ferney nous raconte le combat
mené par un homme qui sacrifie sa vie afin de « faire pour la jeunesse actuelle ce qui n’avait pas été fait pour lui au
temps des bisons ». Décidé à agir et à agir vraiment, pour empêcher
l’extinction de nouvelles espèces, fort de l’idée que « l’avenir, si on le met au présent, s’appelle
la préservation » et que le respect de la vie importe plus que celui
de la propriété, le héros d’Alice Ferney, Magnus Wallace, – largement inspiré
par la figure du militant écologiste Paul Watson - emmène avec lui, en plein
coeur de l’Antarctique, son équipage d’activistes, éperonner les navires
baleiniers qui, au mépris des lois mais avec la complicité des gouvernements de
tous bords, continuent de massacrer les baleines dans des conditions qui n’ont
plus rien à voir avec celles que le fameux roman de Melville, Moby Dick a pu ancrer dans les
imaginations. Ou celles, pleines de courage et de dignité, qu’a mises en scène
Hemingway dans le Vieil Homme et la mer.
Racontée à travers le témoignage
d’un journaliste norvégien qui filme les opérations de Magnus et l’accompagne
dans ses actions, l’histoire que raconte Alice Ferney amènera ses jeunes
lecteurs à découvrir l’horrible réalité d’une extermination en cours qui, pour
s’effectuer loin de leurs yeux, n’en compromet pas moins gravement l’équilibre
du monde où il leur faudra vivre demain. Parallèlement, et parce qu’il importe,
face aux périls essentiels de se poser la question de nos éventuels moyens d’action,
le livre les aidera à confronter diverses formes d’engagement, à comprendre un
peu en quoi peut consister le cynisme de certaines organisations dont le
discours radical cache de fait les pires compromissions, à réfléchir aussi au
pouvoir des images et au rôle aujourd’hui que peut avoir la communication, le
pouvoir médiatique, dans la façon dont se construisent nos représentations et
dont peuvent ou non avancer les causes les plus justes. Information contre
désinformation, capacité de l’adversaire à discréditer vos positions en les
caricaturant, voici des thèmes qui ne devraient pas manquer d’aider de jeunes
esprits à reconsidérer avec plus d’attention le spectacle d’images et le
théâtre d’idées dans lesquels ils se trouvent plongés.
Et comme il importe aussi de
mieux connaître et de mieux aimer tout ce qu’il est aujourd’hui devenu si urgent
de sauver, le beau livre d’Alice Ferney n’hésite pas à prendre des accents
poétiques, allant notamment dans son prologue jusqu’à évoquer le Bateau ivre de Rimbaud lorsqu’elle
brosse le merveilleux tableau de ces immensités marines « où vivent ceux des animaux qui aiment se
tenir éloignés des hommes », de ces sanctuaires du bout du monde qu’avec ses mains de fer la violence de l’homme industriel n’hésite plus à
profaner.
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