mercredi 19 juillet 2023

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. QUELQUES POÈMES EXTRAITS D’ÉTUDE D’ÉLOIGNEMENT D'EMMANUEL MOSES.

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Avec Étude d’éloignement le lecteur retrouvera, avec plaisir j’espère, cette sensibilité labile qui fondée sur une conscience aigüe de la fuite du temps, de la précarité des choses comme de leur incessant renouvellement fait de chaque moment un passage, un mouvement, l’occasion encore d’une promesse, le plus souvent d’une nostalgie. Chaque poème semble ainsi faire état d’une transition, enchaînant ses propres accords à ceux des textes qui l’accompagnent, de manière à faire entendre l’aria inépuisablement réinventée d’un être dont la seule souveraineté qu’il conserve sur l’existence n’est plus que de chanter. S’ouvrant sur le dur constat du mur infranchissable auquel se heurtent l’infini des possibles illusoirement promis à l’enfant, s’achevant sur la vision d’un Double, lui-même voyageur, qui s’éloigne sur la route sans qu’on ait pu rien lui demander, le livre d’Emmanuel Moses est un livre, comme il dit, secret. Un livre aussi de pitié, dans lequel le poème s’il fait le plus souvent état d’une tristesse, tend dans le même mouvement à la soulager. Par la reconnaissance, à côté de tout de qui s’éloigne, afflige et sans doute mortifie, de ce qui paradoxalement parfois nous revient, invite et réenchante, dans la beauté, malgré tout, de « l’air bleui du soir ».

samedi 15 juillet 2023

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. QUELQUES SONNETS SUR LA MORT DE JEAN-BAPTISTE CHASSIGNET, 1594.

 

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Le Mépris de la vie et Consolation contre la mort, du jeune bisontin Jean-Baptiste Chassignet est de ces œuvres qu’on ne lit plus et dont la plupart, même dans les milieux littéraires, ignorent, je crois bien, l’existence. On saluera donc les éditions Obsidiane d’en avoir proposé il y a deux ou trois ans, non une réédition mais un choix conséquent de quelques dizaines sur les 435 sonnets auxquels s’ajoutent un certain nombre de pièces plus longues – prières, oraisons, odes et examens de conscience ou syndérèses -  qui composent ce livre phénomène, que son auteur aurait écrit en quelques mois avant ses 24 ans !

jeudi 13 juillet 2023

VANITÉ DE L’ART ? SUR UN TABLEAU DU PEINTRE D’AUGSBOURG LUCAS FÜRTENAGEL, 1529.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




 

C’est en cherchant à accompagner ma rapide évocation de l’ouvrage de Jean-Baptiste Chassignet, Le Mépris de la vie et Consolation contre la mort, que les éditions Obsidiane m’ont adressé il y a déjà quelque temps, que je me suis remémoré cet assez curieux tableau, du Musée historique de Vienne, représentant le peintre Hans Burgkmair en compagnie de sa femme, que l’on attribue aujourd’hui à l’un de ses élèves, Lucas Fürtenagel. Peint deux ans avant sa mort qui aura lieu en 1531, ce tableau doit à l’évidence son inspiration à la tradition médiévale du memento mori, le miroir dans lequel se reflète le vieux couple nous renvoyant l’image de deux crânes, que la convexité du verre fait apparaître en relief. Mais l’œuvre va plus loin, touchant de façon plus intime notre intelligence et notre sensibilité de spectateur.

mardi 11 juillet 2023

CHOSES QUI DEVRAIENT FAIRE RÉFLÉCHIR. SUR LA RESPONSABILITÉ DU LECTEUR.


 « Il nous faut rester des lecteurs. Nous ne viserons pas à cette gloire supplémentaire qui appartient aux rares êtres qui sont aussi des critiques. Mais nous n’en avons pas moins notre responsabilité de lecteur, et même notre importance. Les critères que nous posons et les jugements que nous portons s’insinuent dans l’air et deviennent partie de l’atmosphère que respirent les écrivains en travaillant. Une influence est créée, qui le marque, même si elle ne trouve jamais son expression imprimée. Et cette influence, si elle est bien préparée, vigoureuse, personnelle, sincère, pourrait être de grande valeur aujourd’hui, quand la critique se trouve par la force des choses en suspens, quand les livres défilent comme une procession d’animaux dans une baraque de tir et que le critique n’a qu’une seconde pour charger, viser, tirer, bien pardonnable s’il prend un lapin pour un tigre, un aigle pour une volaille, ou manque son but et perd son coup contre quelque pacifique vache qui paît dans le champ voisin." Virginia Woolf, « Comment lire un livre », in L’Art du Roman, Coll. « Signatures », Points, 2009, pp. 168, 169

lundi 10 juillet 2023

BONNES FEUILLES. MÉLODIE DE VIENNE DE L'AUTRICHIEN ERNST LOTHAR CHEZ LIANA LEVI.

Je ne suis pas certain que la formule retenue par l’éditeur, d’un Downtown Abbey de Vienne, soit totalement pertinente pour résumer en trois ou quatre mots ce fort et remarquable roman de près de 700 pages qui commence comme un Balzac, celui du Chat qui pelote, fait penser assez vite ensuite à travers le portrait qu’il brosse de l’une de ses principales héroïnes, Henriette Stein, à la Madame Bovary de Flaubert avant de prendre son envol et ne plus renvoyer qu’à lui-même. Ce roman viennois paru à New-York dans une traduction anglaise en 1944, tout en se montrant d’une rare finesse psychologique et d’une grande clarté aussi d’exposition, témoigne surtout, de la part de son auteur, d’une capacité rare à rendre tout un climat d’époque en en faisant bien ressortir les évolutions, les contradictions, les nuances, dans une variété de ton qui ne s’interdit pas plus la tendresse que l’ironie… À travers l’histoire des habitants d’une grande maison familiale, c’est une idée « du destin d’un pays, dont le tragique défie, la vraisemblance » qu’Ernst Lothar entend nous donner, sans, qu’à l’image de l’un de ses principaux personnages, Hans Alt, le « patriotisme » qui demeure fondamentalement le sien ne soit « une question de fierté blessée, ni la honte de vivre dans un pays défait, quasiment détruit et mortellement humilié ». Pour lui «  l’Autriche est plus qu’un beau pays, c’est l’idée de la coexistence d’individus aux idées différentes, une idée universelle et salvatrice ». Son Autriche n’est bien entendu donc pas celle de Hitler et des neo-nazis. C’est celle de « Joseph II ou la religion de la tolérance, Mozart ou l’élévation de l’âme. La forêt viennoise ou les bienfaits de la beauté. »

Suis heureux que le hasard m’ait fait rencontrer ce livre que vraiment je recommande.

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