dimanche 7 janvier 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. VIDE-GRENIER DE TYPHAINE GARNIER CHEZ LURLURE.

 

Depuis ses Massacres dont j’ai pu saluer à leur sortie la « salubre » nécessité, pensant premièrement à ces enseignants qui, à la manière de ce personnage de Ferdydurke pleurant sur l’insensibilité de ses élèves, s’échinent toujours à faire d’autorité admirer en classe, des textes auxquels eux-mêmes restent parfaitement extérieurs pour ne pas dire étrangers, Typhaine Garnier semble avoir résolument engagé sa carrière littéraire sur le chemin du burlesque. On sait ce genre par les classiques méprisé car relevant d’une forme d’esprit visant à avilir plutôt qu’à l’ennoblir, notre humaine condition. Sainte-Beuve y voyait toutefois un heureux antidote aux boursouflures et aux excessives préciosités d’une littérature imbue de son importance. Pour ce qui est de Typhaine Garnier il semble bien que le style burlesque soit de façon plus générale encore, la meilleure façon de mettre à mal tout ce fourbis, cet attirail, ce grand capharnaüm de représentations plus ou moins convenues qui encombrent, de la naissance à la mort, nos imaginations et s’accordent au final à nous bourrer le mou.

Conçu à la façon d’une succession de petites annonces, type pourquoi pas bon coin, aspirant à débarrasser leurs propriétaires de toutes sortes d’objets de seconde ou de nième main, tout en faisant au chaland miroiter leur éminente valeur, l’ouvrage entreprend de liquider comme l’indique clairement la quatrième de couverture,  l’ensemble des souvenirs qui composent une vie : motifs de l’enfance, choses du cœur et déboires du corps … à quoi s’ajoutent aussi bien les tristes perspectives de l’âge et d’une mort vite expédiée, sans oublier le ridicule commerce des vaines gloires rancies célébrant à l’envie leur Chant sot.

Cela, on le verra, compose un livre terriblement réjouissant. Tant comme objet de langue que plus philosophiquement comme puissant remède aux marchandes idéalités du temps par quoi nos vies se voient de jour en jour artificialisées. Et cyniquement conduites à se désespérer. Dans un article de Sitaudis, François Huglo présente avec brio l’ouvrage, insistant en particulier sur sa proximité avec l’esprit animant le Rimbaud des Petites amoureuses voire des Accroupissements. Dans sa façon de s’en prendre à ce bon vieux sentimentalisme dégoulinant qui fait de tout niaiseries. J’engage ici mon lecteur à prendre connaissance de cet article qui rend ce Vide-grenier vraiment des plus désirables. Oui. Quand par exemple on voit ces beaux esprits diplômés, posant de surcroît à l’artiste, se pâmer devant les piteuses compositions qu’ils nous offrent en partage, comment ne pas se régaler de la prose inclémente mais si diablement inventive et intelligente de Typhaine Garnier tournant en dérision la visite de la « noble bâtisse » au fronton de laquelle fulgure en lettres capitales et dorées l’engageante inscription : CI-VIT / LE PLUS GRAND POÈTE / DE SA GÉNÉRATION !!!

Pour nous délivrer des postures. Des impostures. Dans l’attente du final compostage qui nous attend à Plurien (Côtes-d’Armor) ou à Hébécrevon (Manche) à moins que ce ne soit pour le fun à Moncrabeau[1] (Gers), capitale avouée des Menteurs où nous aussi, avons déjà nos habitudes. 

 



[1] C’est une des drôleries supplémentaires de l’ouvrage que de situer chacune des « annonces » dans un lieu bien précis de notre petite France, choisi pour son caractère improbable. Ainsi bien sûr que la façon comique qu’il a de résonner avec le texte. Ma référence particulière à Moncrabeau vient d’une suite de quelques posts Facebook où je me suis amusé à me moquer du narcissisme de certains de mes « amis » FB en me faisant passer pour citoyen d’honneur de la ville à l’intérieur de laquelle les libraires placent régulièrement en vitrine tous mes livres. On pourra pour le plaisir en lire ici un passage : "De telles rencontres ne pouvant se faire qu’à Moncrabeau c’est sous les grands arbres de la promenade Monbelle -Aygo que me fut accordé la surprise de croiser hier l’un de ces amis que seul FB est en mesure de vous donner. Et comme les soirées sont longues et belles en juillet je l’écoutais me décrire à l’envie ses voyages, ses rencontres, me vanter ses amis, sa famille, évoquer ses réussites professionnelles, ses extases culturelles aussi bien que gastronomiques, tirant de sa mémoire force clichés révélant son désir de se montrer expert sur tous les plans possibles d’existence… Comme on touchait quand même à l’entrée du Grand Hôtel des Monarques où j’ai ma suite réservée comme citoyen d’honneur de la localité et qu’il sentait peut-être qu’il commençait à me lasser, l’ami se mit à s’exclamer : Mon Dieu ! Je ne fais que parler, parler et ne sais toujours rien de toi. Alors dis moi franchement avant qu’on se sépare : tu l’as trouvé comment mon dernier recueil ?".

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