jeudi 13 avril 2023

SUR TRANSFORMATIONS, UNE RÉÉCRITURE DÉTONNANTE DES CONTES DE GRIMM, PAR LA POÈTE AMÉRICAINE ANNE SEXTON, AUX ÉDITIONS DES FEMMES.

 On connaît bien sûr la célèbre formule apocryphe de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », transformation, comme on sait, elle-même, d’une pensée du philosophe présocratique Anaxagore de Clazomènes[i]. Si l’on peut naturellement discuter cette thèse, il est certain que même dans le domaine des arts, qui pourtant devrait échapper à cette règle -  les artistes ne sont-ils pas considérés comme des créateurs ? - rien ou presque n’apparaît comme on le croyait autrefois des champignons, à partir de rien. Et la recherche dite des sources n’est pas près, c’est certain, de disparaître.

En ce domaine, il me semble toutefois nécessaire de distinguer entre transformations stériles et transformations créatives.  Si certains dans les arts répètent à l’envie des formules, produisant d’ailleurs parfois des œuvres de qualité mais restant closes sur elles-mêmes, d’autres s’emparent des dites formules pour en accroitre la portée, en renouveler l’intelligence comme la perception.

mardi 11 avril 2023

AIMER PLUS LOIN AVEC LA SAISON DES MOUSSES DE FABIENNE RAPHOZ CHEZ CORTI.

« Savoir n’affaiblit pas le plaisir, savoir aurait plutôt tendance à l’intensifier, à susciter l’imaginaire ».

« Je ne vois pas que nommer soit en contradiction avec apprécier, c’est une autre forme de philia ; savoir que cette bergeronnette porte sur sa livrée, dans sa syrinx, ce qui la caractérise, ce qui la différencie des autres sous-espèces, me permet de suivre son parcours, quand elle aura disparu, permet à l’œil de l’esprit de poursuivre le voyage que le corps, qui a vu et senti, ne peut accomplir. [1]»

Le lecteur qui viendra à l’instant de se reporter à ma note explicative comprendra aisément comment la précision du vocabulaire, la solidité de certaines connaissances, loin d’encombrer ou de ralentir notre esprit, de faire écran au regard que nous portons sur les choses, leur confère a contrario, une finesse accrue, de plus ample portée. Non. Si les mots, c’est vrai, quand ils ne sont que les grossiers véhicules d’une langue inhabitée, d’un esprit conditionné, réduit à ses généralités apprises, nous masquent la singularité comme les consistances toujours en devenir des choses, comme il serait absurde au moment de les employer, de rejeter tout savoir, pour s’imaginer retrouver avec le monde l’édénique relation qui nous ferait pierre avec les pierres, rivière avec les rivières ou loup avec les loups.

vendredi 7 avril 2023

DES RENCONTRES QUI FONT VOYAGER. ET FONT AUSSI PENSER. FRANCK DOYEN AU LYCEE BRANLY DE BOULOGNE-SUR-MER POUR LES CHANTS DE KIEPJA.


 Aujourd'hui, fin ou presque, d'une semaine assez riche avec les rencontres au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer autour des Chants de Kiepja de Franck Doyen. Et le bel écho que ce livre entretient avec la collection des masques Kodiak et Sugpiak qui font aussi la fierté de notre Château-Musée. Qui voudra regarder d'assez près ces images comprendra que les regards attentifs et les sourires qu'on y voit en disent finalement plus long que les commentaires que je pourrais ici faire.

RELIRE NOTRE CAHIER D'ACCOMPAGNEMENT POUR LES CHANTS DE KIEPJA.

jeudi 6 avril 2023

DES RENCONTRES QUI ONT DU GOÛT. RYOKO SEKIGUCHI AVEC LE LYCEE BERTHELOT DE CALAIS.


 Aujourd'huidans le décor chaleureux du Channel de Calais, rencontre entre Ryoko Sekiguchi et un groupe choisi d'élèves du lycée Berthelot, autour des questions si sensibles du goût. Alimentée en parallèle par les préparations du chef Alain Moitel cette réflexion aura été un grand moment de découvertes pour la trentaine de jeunes qui se seront ouverts à une expérience qui, les sortant avec bonheur des abstractions, est de celles qu'on aimerait voir plus souvent se développer.

mercredi 5 avril 2023

DEUX POÈMES. PEUT-ÊTRE TROIS. SANS DOUTE AUSSI DAVANTAGE.

 

Je m’étais engagé à dire quelque chose des deux ouvrages ensemble, Falaise au ventre de Maud Thiria et Le Chaos dans 14 vers, anthologie bilingue du sonnet anglais de Pierre Vinclair. Je sais. J’ai tendance à présumer de mes forces. Oublier le temps qui m’est malheureusement compté. Écarter de mon esprit la connaissance au fond que j’ai de la vanité de ces choses qui ne changent rien de la vie. Si ce n’est qu’elles l’occupent. Ce qui peut-être lui suffit.

dimanche 2 avril 2023

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LES LARMES DE CHALAMOV DE GISÈLE BIENNE AUX ÉDITIONS ACTES SUD.

“Ils ne sont pas bien sorciers / Ces outils de notre métier : / Un cent de papiers à dix sous, / Et un crayon qui se hâte – / C’est tout ce qu’il nous faut / Pour construire un château / De style très aérien / Au-dessus du destin. / Tout ce qu’il a fallu à Dante / Pour dresser les hautes portes / Donnant sur l’entonnoir / De l’enfer creusé dans la glace.” [1]

Composés entre 1954 et 1973, à son retour des camps par Varlam Chalamov, Les Récits de la Kolyma, effectivement écrits sur de pauvres papiers, à l’aide d’un crayon de graphite, constituent l’un des témoignages littéraires parmi les plus remarquables, sur l’univers concentrationnaire organisé sous la direction de Staline par l’état soviétique. Plus que le fameux Archipel du Goulag du Prix Nobel de littérature Alexandre Soljenitsyne, ce gros ouvrage de plus de 1400 pages, rassemblant à la façon d’une mosaïque près de 150 courts récits de forme autobiographique, interpelle ses lecteurs en les plaçant, à travers une forme qui n’a aucun précédent, face à l’atrocité de l’entreprise de déshumanisation qui fut effectivement conduite à l’extrême est du territoire russe dans cette région aussi appelée « pays de la mort blanche ».

C’est à la belle et douloureuse figure de ce miraculé des camps que fut Varlam Chalamov que s’intéresse Gisèle Bienne dans son dernier livre qui succède à La Malchimie, récit par lequel elle dénonçait à partir de la mort de son propre frère, ouvrier agricole, le système agro-industriel empoisonnant cyniquement à coups de pesticides les sols et les organismes.