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jeudi 11 juin 2020

HOMME AUX GANTS JAUNES

Anton Räderscheidt, l'Homme aux gants jaunes, 1920

Chacun connaît le célèbre portrait du Titien,  couramment désigné sous le nom de l’Homme aux gants, propriété exclusive du Louvre depuis 1792. Le gant de peau que le beau jeune homme représenté a retiré de sa main droite forme dans son autre main comme un passage d’écorché, concourant à la fascination induite par cette image où le romantisme, par nous projeté sur la pose, se combine à l’expression d’une discrète cruauté.

On s’en doutait un peu. La pittoresque histoire des gants ne date pas d’hier. Déjà ce miroir des Princes avant la lettre que constitue la célèbre Cyropédie du grand historien grec Xenophon, rapporte que les perses, ceux-là mêmes qui,  n’eut été la détermination de l’astucieux Thémistocle, faillirent, au Vème avant J.C., conquérir l’ensemble du monde connu, l’hiver, portaient des moufles !

Dans l’histoire de notre langue le mot gant, qui vient des pays du Nord comme une grande partie de notre vocabulaire guerrier, s’impose d’abord tout hérissé de fer. Les gants dont il est question pour la première fois dans la Chanson de Roland sont semblables à celui du Saint Guillaume qu’au Groeningemuseum de Bruges, on voit toujours posé, d’un geste protecteur, quelque trois siècles plus tard, au premier plan du volet gauche d’un triptyque de Memlinc, sur l’épaule fourrée d’un certain banquier Moreel. Ces pièces d’armure étaient couvertes sur le dos de la main, de lames. De clous. Ce qui, dit au passage, devrait, pour les amateurs de textes anciens, rendre toute son agressive réalité à l’expression jeter le gant.

Plus près de nous, les gants jaunes du petit tableau du peintre néo-réaliste Anton Räderscheidt * - que nous a fait découvrir en 2012, l’exposition intitulée La Ville magique organisée par le Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Villeneuve d’Ascq, le L.A.M. - ont certes perdu l’agressivité du fer. Mais pour emprunter celle plus rigide encore, à l’image, du bois. L’individu qui les porte n’a rien du belluaire. Du conquérant. Encore moins de l’élégante étrangeté du jeune vénitien avec lequel il partage pourtant l’orientation du visage ainsi que l’opposition en noir et blanc, jusques en haut des poignets, de la veste et de la chemise. Planté devant deux rangs de bâtiments grossiers aux fenêtres parfaitement uniformes qui bornent une place vide et grise, son apparence est durement corsetée, roide. Corps en fait de Pinocchio. Ou de soldat de bois. Qu’on dirait monté sur tiges. Ou tenu par des fils. Nous sommes en Allemagne au début des années 20. Les temps ne portent plus à la souplesse. Après les fiers et beaux massacres de 14, vont commencer les grandes manipulations et exterminations de masse. L’Histoire, elle, ne prend jamais de gants.


jeudi 9 août 2018

CONTES, TEXTILES ET POÉSIE AU MUSÉE DU COSTUME DE SCÈNE À MOULINS DANS L’ALLIER.


« Circé l'enchanteresse estoit vestue d'une robe d'or, de deux couleurs, estoffée partout de petites houppes d'or et de soye, et voylée de grands crespes d'argent et de soye : ses garnitures de teste, col et bras, estans merveilleusement enrichies de pierreries et perles d'inestimable valeur : en sa main, elle portoit une verge d'or de cinq pieds, tout ainsi que l'ancienne Circé en usoit, lorsque, par l'attouchement de cette verge, elle convertissoit les hommes en bestes et en choses inanimées. »

Les historiens du spectacle s’accordent généralement pour voir dans le Balet comyque de la Royne (1), présenté le dimanche 15 octobre 1581 dans la salle du Petit-Bourbon, face au Palais du Louvre, la première ébauche significative de ce qui allait devenir l’Opéra. On voit par la description qu’en donne ici le principal organisateur, l’italien Balthasarini qui prit pour l’occasion le nom de Balthasar de Beaujoyeulx et se fit attribuer le titre de Valet de Chambre du Roy & de la Reyne sa mère, qu’on ne lésinait guère à l’époque sur les costumes et que si ces derniers ne se souciaient que fort peu de naturel ou de vraisemblance, tout semblait bien être fait pour qu’ils concourent avec les autres éléments du spectacle à émerveiller le spectateur et mettre surtout en valeur la magnificence des personnalités qui l’avaient commandité (2).