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mardi 30 juin 2020

ÉLARGIR NOTRE MERVEILLEUSE CAPACITÉ DE PAROLE. DOSSIER FINAL D'EXTRAITS POUR LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21.

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Oui, comme nous l’écrivions l’an dernier, nous avons besoin de parole. C’est la vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui entretiennent une relation dynamique au langage que de témoigner de cette nécessité profonde. Cela n’est-il pas merveilleux de réaliser que nous  sommes dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.

Mais cette capacité de paroles n’est en fait que l’une des manifestations de notre besoin plus large non seulement de nous représenter  les choses ou de nous exprimer mais par l’intermédiaire de nos facultés créatrices de libérer, augmenter, intensifier, exalter, comme l’écrit le philosophe Paul Audi, notre sentiment d’exister. Sur tous les plans où se joue en nous et dans le monde nos communes et singulières destinées.

C’est pourquoi on trouvera ici en lien toujours avec les extraits des ouvrages que nous avons sélectionnés toute une série d’oeuvres à découvrir et de questions à explorer. Rien n’est plus mortel pour l’intelligence que de s’enfermer dans des catégories. Ou des définitions. Catégories, définitions ne sont utiles que pour aider l’esprit à s’orienter. Une fois que l’on a regardé son plan, il importe de regarder la ville . Se perdre dans ses quartiers. S’imprégner de leurs différentes atmosphères. Ne jamais se contenter des visites guidées des principaux monuments.

On le voit. Le Prix des Découvreurs n’est pas un prix de poésie comme les autres. Son ambition est grande. Elle vise à aider ceux qui ne se contentent pas des formules toutes faites, à se construire et à inventer toutes sortes de parcours qui leur donneront non seulement de la poésie mais de l’art et de la culture une conception plus large, accueillante et vivante. Qui les amène à se constituer, dans l’écoute, l’échange, le partage des interrogations et des curiosités, en Sujet, non seulement rationnel mais aussi créatif et sensible, de leur propre parole, de leur propre existence.

Merci par conséquent à ceux qui rendent cette aventure possible : la Ville de Boulogne-sur-Mer qui nous soutient depuis toujours de diverses manières,  le Rectorat de Lille qui fait de notre action l’un des éléments de sa politique d’action culturelle et éducative, nos amis professeurs de lettres et documentalistes ainsi que les chefs d’établissement qui nous ouvrent leurs classes et bien entendu à nos amis poètes, écrivains, éditeurs et artistes qui s’impliquent avec générosité dans ce défi lancé à l’étroitesse présumée des temps.



mardi 2 juin 2020

AH ! LA MERVEILLE ! PETITS POÈMES Á VOLONTÉ.

Si l’art ne se réduit pas à des formules, il en fait toutefois grand usage. Permettant à certains d’afficher à volonté, sans fatigue, semble-t-il, et non sans feinte modestie, les fruits de leur intarissable créativité. 

Humoristes, pamphlétaires, sans compter certes, nombre de collègues envieux ou portant plus haut leur estime, se sont amusées à moquer ces merveilleux faiseurs dont les généreuses sécrétions ne trompent finalement que « l’épaisse et morne bourgeoisie des lettres », satisfaite de pure apparence, que croque Virginia Woolf dans son Journal d’un écrivain (13 juin 1927). 

Pierre Jourde n’a pas la réputation d’être tendre. Il sait aussi que l’art est profondément mensonge. Et que la fameuse « authenticité » à laquelle il a consacré tout un livre, est un leurre. Cela ne signifie pas que l’artiste, disons ici le poète car le poète est avant tout artiste, puisse se dire véritablement poète, au prétexte qu’il sache admirablement fabriquer les petites machines à faire poésie que dans certains milieux on appelle poèmes. Dans sa Littérature sans estomac il énumère ainsi les composants de la plupart de ces petits poèmes qui s’échangent toujours aujourd’hui sur les réseaux, provoquant les mêmes commentaires-bateau, suscitant les mêmes admiratives et hypocrites extases.
Sémantiquement, écrit-il, « chaque vers doit contenir une impropriété qui puisse avoir l’air d’une possible métaphore », la métaphore étant par excellence, ce qui fait poétique.
Syntaxiquement, « quelques subordonnées, pas trop, associeront des propositions sans rapport évident du point de vue du sens ».
« Lexicalement, il importe que l’impropriété n’accouple que des termes honorables », jolis, qui permettent « au premier venu de reconnaître le caractère poétique de l’objet ». « Il faudra donc des fleurs, de la mémoire, de l’intime, du noir, du vent, des visages, des enfants, de l’évanoui, de la souffrance, de l’amour, de la nuit, du regard et, bien entendu du silence ».

 Cette charge bien entendu reste des plus sommaires. D’autant que devant la variété des formes que prennent ces petits poèmes il faudrait en dresser toute une typologie. Ce que l’ennui m’empêche ici de faire doutant de l’effet qu’au final peut aujourd’hui produire un pauvre billet de blog. Rédigé de surcroît par un presque anonyme, dépourvu d’avenir comme du moindre pouvoir institutionnel. Disons pour aller à l’essentiel que l’élément commun de ces diverses productions reste le souci constant de persuader le commun des lecteurs de l’ampleur de sa sensibilité, de la profondeur de sa réflexion et du caractère extraordinaire de sa façon quotidienne d’être au monde. Un monde auquel le vague des mots et l’artifice astucieux de leurs associations confèrent un faux mystère. Une existence postiche. Surtout quand l’auteur se réclame du sentiment le plus sincère.

 De fait la grande majorité de ces jolies fabrications vient de petits bourgeois, bourgeoises, sympathiques ou pour reprendre encore une fois les mots de Virginia Woolf de petites personnes charmantes, propres, sensibles qui « en dehors de cela qui ne porte pas loin et n’illumine guère » se plaisent à s’exprimer « comme cela doit être ». Non plus aujourd’hui comme au siècle dernier : « léger, sûr, proportionné, et même émouvant », mais énigmatique, cosmique, ébaubissant. Mêlant de préférence tous les ordres de la nature dans des aphorismes vagues qui ne sont que des phrases. Quand ce ne sont pas de minuscules trivialités relevées d’un jet gluant de sentimentaliste fade.

 Bon. Inutile d’en rajouter. La poésie est un art qui plus que d’autres sans doute prête à la caricature. Sans doute car chacun étant aujourd’hui plus ou moins agrégé de lettres, croit en posséder le métier ou pouvoir intervenir à sa façon dans le langage. Pour y faire prospérer son petit capital symbolique. J’avais au départ simplement l’envie de faire découvrir un texte drôle pioché dans une anthologie de l’humour moderne, intitulée Fumisteries et présentée par Daniel Grojnowski et Bernard Sarrazin, un texte également présent dans le recueil de 50 contes choisis et présentés par Grégory Haleux, récemment paru aux éditions de l’Ethernité et intitulé Les Aventures du poète. Ce texte d’un auteur dont le nom ne dira sans doute rien à la plupart est d’un certain Georges Auriol, a été publié pour la première fois dans le Chat noir du 6 mars 1889. Intitulé Manufacture de sonnets, c’est une fantaisie qui moque le caractère artificiel des productions poétiques de l’époque. Hasard ou pas, croyant me souvenir de l’avoir déjà lu quelque part, j’en retrouvai la mention dans le livre ci-dessus évoqué de Jourde. Qui m’a conduit si j’ose dire à ces divagations.
Mais pour conclure et quoi que sur moi l’on colporte
Et pour le reste avant de refermer la porte
Pour le reste, dussè-je ici m’en claquer l’aorte*, 
« Je laisse au lendemain son air mystérieux,
Et mon esprit flâneur suit à travers les cieux
Le rêve qui troubla l’âme du vieux cloporte »**


NOTES
* synérèse audacieuse, certes, à la fin de cet alexandrin mais en parfaite adéquation, conviendront les plus fins, avec le thème abordé.
** Chute d’un sonnet fabriqué d’Auriol dans lequel je me suis fondu pour mieux laisser tomber.

mercredi 18 mars 2020

MIEL, LITTÉRATURE ET MODE D'EMPLOI DES MACHINES Á LAVER !

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J'aurai bientôt l'occasion, j'espère, de présenter et commenter un peu le livre de réflexion de Pierre Vinclair qui accompagne chez Corti la publication de La Sauvagerie qu'il définit comme une "épopée totale concernant l'enjeu le plus brûlant de notre époque, la crise écologique et la destruction massive des écosystème".
En attendant je propose au lecteur de se pencher sur quelques pages de cet ouvrage qui ne devrait pas laisser indifférent.

mardi 1 octobre 2019

FRUSTRATION DU POÈTE MODERNE. CE QUE GAGNERAIENT CERTAINS TALENTS À FUIR LES PASSIONS TRISTES.

« J’hésite toujours à applaudir les artistes et les poètes car ce n’est pas les aider que de les conforter dans leurs mauvais penchants hystériques et narcissiques »

Julien BOUTREUX


Le métier de poète engendre bien des frustrations. Aspirant comme chacun et peut-être un peu plus que les autres, à la reconnaissance, le poète, qu’il soit non édité, mal édité, bien édité mais toujours trop peu lu, jamais invité, ou si peu, sur les grands tréteaux culturels du temps – c’est son lot – ne s’estime jamais à la place, éminente, centrale, à laquelle en son for intérieur, il aspire. C’est que, même si ce qu’il lui arrive de produire se révèle au regard objectif d’un intérêt modeste, il est de ceux qui éprouvent au-dedans d’eux cette fameuse « puissance d’art » dont parle Nietzsche, qui l’amène à se persuader, peut-être pas d’ailleurs totalement à tort, qu’il est plus amplement ou profondément vivant que l’immense majorité de ses pauvres semblables.

mercredi 25 septembre 2019

VIVRE DE SA PASSION ? OUI. MAIS À QUEL PRIX. À PROPOS DE FAUT BIEN MANGER D’EMANUEL CAMPO.

Les ouvrages nous permettant de nous faire une idée de la façon dont, au jour le jour, je veux dire dans sa réalité triviale et quotidienne, est vécu le métier de poète, sont à mon avis trop rares pour ne pas devoir être signalés. Entre idéalisation romantique et caricature pseudo-naturaliste, il n’est pas toujours facile de se représenter l’existence par exemple d’un jeune homme d’aujourd’hui entré dans les arts, comme aurait dit Murger « sans autre moyen d’existence que l’art lui-même » et « sans autre fortune […] que le courage qui est la vertu des jeunes, et que l’espérance qui est le million des pauvres ».

C’est pourquoi le petit livre d’Emanuel Campo, Faut bien manger, publié l’an dernier par La Boucherie littéraire, ne doit pas être négligé. Certes, on ne saurait affirmer sans se montrer un brin complaisant, qu’au strict plan littéraire, l’ouvrage apporte quoi que ce soit à l’histoire de la poésie. Écrit avec une certaine désinvolture, recourant à bien des facilités du moment, peu ambitieux donc sur la forme, le travail d’Emmanuel Campo intéresse par autre chose. Une sorte de sincérité ou d’honnêteté retorses par lesquelles il parvient, nous dévoilant l’envers du décor, à faire de ses propres faiblesses, une force et à nous sensibiliser de cette manière aux principales contradictions que la condition d’artiste qui est la sienne, oblige à affronter.