jeudi 31 mai 2018

SI RIEN MAJUSCULE N’ÉCARTE. SUR LA RENCONTRE EN MILIEU SCOLAIRE.


                       Il  « ne nous a point donné des paroles mortes
Que nous ayons à renfermer dans des petites boîtes
 (Ou dans des grandes),
Et que nous ayons à conserver dans (de) l’huile rance
Comme les momies d’Égypte.
[Il], ne nous a point donné des conserves de paroles
A garder,
Mais il nous a donné des paroles vivantes
A nourrir.
[…]
Les paroles de (la) vie, les paroles vivantes ne peuvent se conserver que vivantes,
Nourries vivantes,
Nourries, portées, chauffées, chaudes dans un cœur vivant.
Nullement conservées moisies dans des petites boîtes en bois ou en carton. »

Charles Péguy
Le porche du mystère de la deuxième vertu


Bien souvent j’aurais, dans ce blog comme dans celui dont il a pris la relève, fait l’éloge de la rencontre. Celle que nous promouvons et encadrons. Avec des auteurs et des êtres vivants. Dans des écoles animées par un réel souci d’ouverture à l’art perçu comme un vecteur privilégié d’élargissement et d’approfondissement d’être. Et cela ne m’a jamais empêché d’en constater le caractère illusoire dès lors qu’il ne s’agissait, en matière de poésie contemporaine, que de rencontres ponctuelles. Sans précédent. Comme sans suites. Non portées. Non vécues.

lundi 14 mai 2018

SÉLECTION 2018-2019 DU PRIX DES DÉCOUVREURS. UN CHOIX DIFFICILE.


Difficile encore cette année d’établir de façon définitive notre sélection pour le Prix des Découvreurs 2018-2019.  Choisir c’est bien entendu exclure. Un crève-cœur quand on se voit obligé de renoncer à sélectionner des textes qui nous sont chers mais qui nous feraient sortir des principaux impératifs que nous nous sommes fixés et qui avec le temps sont devenus plus clairs.

D’abord il nous fallait comme toujours proposer aux jeunes que leurs professeurs feront participer, des textes témoignant de la profonde diversité des écritures contemporaines. Et du profond renouvellement tant formel que thématique que ces écritures ont maintenant depuis longtemps introduit par rapport aux formes toujours mises à l’honneur au sein de l’institution scolaire.

vendredi 11 mai 2018

DANS LA CHAIR DU POÈME. NI LOIN NI PLUS JAMAIS D’ISABELLE LÉVESQUE.


Lorsque je serai mort depuis plusieurs années,
Et que dans le brouillard les cabs se heurteront,
Comme aujourd’hui (les choses n’étant pas changées)
Puissé-je être une main fraîche sur quelque front !

Oui. C’est à ce vœu émis, il y a plus d’une centaine d’années par ce magnifique poète que fut aussi Larbaud que je ne peux m’empêcher de songer à la lecture du dernier livre d’Isabelle Lévesque, Ni loin ni plus jamais, présenté en sous-titre comme une suite pour Jean-Philippe Salabreuil. Belle chose en effet que cette « main fraîche » passée par un poète depuis longtemps disparu sur le front d’un poète vivant. Que cette transsubstantiation qui fait ici que le verbe se fait chair. Et que ce qui était apparemment mort redevient dans un geste et pour un instant, vie.

Seulement, contrairement à ce qu’imagine l’auteur des Poésies de A.O. Barnabooth, les choses ont aujourd’hui bien changé et si les brouillards demeurent - encore que ceux de Londres qu’il évoque se soient considérablement réduits – les formes poétiques et les goûts de nos contemporains ont terriblement évolué. Au point de nous rendre certains textes moins aisément lisibles.

mardi 8 mai 2018

INSCRIPTIONS IRLANDAISES. LA PIERRE À 3 VISAGES DE FRANÇOIS RANNOU.


Pierre oghamique

Je ne sais si cette attitude est partagée par beaucoup mais je me fiche de plus en plus de démêler à propos d’un poème ce qui s’y est écrit de l’intérieur, dans une espèce de « transparence centrale », de ce qui lui est venu de l’extérieur dans une sorte d’abandon, plus ou moins improvisé, à l’imaginaire de la langue. Dans un texte réussi et qui compte, les deux également importent. Et rien de « central » n’y remonte en surface qui n’y ait été en partie invité par cette vivifiante et créatrice déprise apparente de soi que permettent les mille et une sollicitations de l’écriture. Compte pour moi qu’un poème ait une odeur. Qu’il sente ou non la tourbe ou la bruyère. Que je l’éprouve animé de vie propre. Qu’elle soit ardeur ou torpeur. S’enfonce dans les chemins tranquilles d’une campagne solitaire ou s’agite sur les quais bruyants empestant la saumure ou la bière, d’une ville étrangère.


Non que je désire que le poème me décrive. Figure. Il n’y a pas, je crois, de poésie descriptive. Mais j’attends que les matériaux qu’il utilise me rendent au vivant qui renverse. Dans une certaine épaisseur d’être. Qui aille avec le sentiment d’une approche tentée. Toujours recommencée.