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Parcourant d’abord, à la découverte, les pages de ces Horizons égarés du poète Paul Louis Rossi, que les éditions Obsidiane, nous redonnent aujourd’hui, sous une forme nouvelle, je m’étais dit que je partagerais volontiers sur ce blog, des extraits de sa première section, justement intitulée Les Horizons égarés, dans laquelle notre auteur comme on sait récemment disparu, évoque à sa façon, toujours des plus personnelles, l’expédition de mon lointain et pas assez bien connu compatriote, Alphonse Pinart, découvreur dans les années 1870, de ces masques Kodiak qui sont une des richesses absolues du Musée de Boulogne-sur-Mer.
Poursuivant ma lecture, j’ai imaginé, au vu du titre de la seconde section, choisir plutôt un extrait des Brûleuses d’algues dans lesquelles je croyais voir évoquer ces anciennes pratiques en usage des confins de l’Armorique jusqu’aux côtes du nord qui me sont plus familières. Je pensais à la façon dont je pourrais avec telle ou telle reproduction empruntée à Gauguin, à Maurice Denis, voire à quelque artiste moins connu que m’aura fait découvrir l’ouvrage d’André Cariou, L’Or brun des faucheurs de la mer, illustrer un passage plus particulièrement pittoresque de cette poésie d’apparence curieuse qui, sous forme de prosimètre[1], me semblait avoir l’ambition de puiser comme une force nouvelle en se retournant vers les primitives relations quà travers nos activités tout autant que notre imagination nous aurons si longtemps entretenues avec les forces diverses et si profondément éloquentes de la Nature.
Finalement, j’ai vu l’ouvrage m’entraîner dans toute une série de traversées, me faire passer d’ouest en est, des îles aléoutiennes jusqu’à celles du Japon, puis me renvoyer à la fin de sa dernière section, vers les côtes nord de la Cornouaille, sur l’impressionnant sentier de falaises allant de Port Isaac à Tintagel[2], répondant comme l’écrit son auteur « à l’invite des nuages, des eaux, / Par ce monde inconsistant » au sein duquel il se propose, comme il le fait à son lecteur, de partir en voyage !
Plus d’image finalement. J’en avais trop en réserve. Sans encore avoir la tentation de demander à mon I.A., la mienne me suffisant amplement, d’en combiner les données.
Tenant à la belle confrérie des compatriotes de l’ailleurs comme je me plais à appeler ces auteurs qui tendent à attirer notre attention, élargir notre sensibilité, en les établissant sur des territoires de sentiment et de pensée a priori bien éloignés des nôtres, Paul Louis Rossi, ne s’attache pas qu’à la dimension géographique, technologique ou encore météorologique, botanique aussi, du voyage. Son ouvrage se réfère également à toute une constellation de ces œuvres d’esprit et de langage, que sont par exemple l’immémorial théâtre des Aléoutes, presque totalement effacé des mémoires, le théâtre traditionnel Nô, l’univers merveilleux des Ise monogatori[3], les anciens lais bretons, l’émouvante prière à Notre-Dame de François Villon mise dans la bouche de sa povrette et ancienne mère, comme aussi à toute une réunion de figures historiques, artistiques ou légendaires qui en font vivre à leur façon les paysages.
S’avançant avec la précision[4] comme aussi le caractère insaisissable et flottant du rêve, l’ouvrage de Paul Louis Rossi présente ainsi quelque chose d’alchimique dans sa nature. À l’instar de ces deux jeunes femmes qui sur les côtes du Japon amoncellent durant la nuit les algues qu’abandonnent la marée afin de les brûler pour en recueillir le sel, avant de prendre leur envol aux premières lueurs du jour, la diversité d’inspiration propre à la poésie de Paul Louis Rossi, sa façon elliptique et syncopée d’en brasser d’une page à l’autre et dans la relative imprévisibilité de leur forme, les éléments, la discrète sensibilité par laquelle il épouse textes et paysages pour en recomposer sur la page les riches, fécondes et souvent exotiques matières, tout cela libère chez le lecteur bien autre chose qu’un savoir, qu’une cassante information. Se faisant sel. Sel bien vivant, pour l’imagination. Feux suggérant au loin des ports.
[1] En fait cette forme semble fortement inspirée ici de cet Ise Monogatori dont une note dans mes extraits éclairera en partie pour le lecteur qui ouvrira le livre la forme particulière qui est ici la sienne. Notamment en ce qui concerne le recours à la prose au début d’un certain nombre de poèmes.
[2] Hasard objectif aurait dit Breton. Il se trouve que Paul Louis Rossi aura séjourné quelques jours dans ma maison de Boulogne en compagnie de Marie Etienne à qui je l’avais prêtée. Il s’y trouvait donc à quelques petites centaines de mètres du Château-Musée où sont exposés les fameux masques Kodiak qu’il est sûrement à cette occasion aller admirer. J’étais au même moment – il y a une petite quinzaine d’années - en Cornouaille où j’ai entre autre bien sûr parcouru ce sentier.
[3] Voir Note dans nos extraits.
[4] Voir par exemple dans notre extrait intitulé Les Salants l’énumération des termes à caractère technique, comme aderne, jas, cobier, désignant en particulier certains des différents bassins qui composent un marais salant.
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