vendredi 9 mai 2025

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. DEUX POÈMES DE PAUL LE JÉLOUX TIRÉS DU JARDIN SOUS L’OMBRE, CHEZ OBSIDIANE.

 

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Il se pourrait finalement que ce blog propose désormais davantage d’extraits directement à découvrir que de notes de lectures plus ou moins approfondies. Après tout ce sont les textes qui sont intéressants. Qu’on a envie de partager. Pouvant se lire et se relire. Leur sens allant sans cesse, mouvant, s’élargissant. Aujourd’hui sensible à l’envoi que vient de me faire sa nièce, du dernier ouvrage de son vivant publié par Paul Le Jéloux, Le Jardin sous l’ombre, j’ai plaisir à proposer à la lecture ces deux beaux textes qui m’auront particulièrement touché. Par l’ampleur du regard ici porté sur notre condition sans que le caractère extensif de ce dernier se perde comme souvent c’est le cas, dans cette espèce de pensée vague encartonnée qu’affectionnent ceux qui n’ont rien à dire. Non le clair-obscur de notre être au monde s’y révèle bien dans des jeux d’images parlant en profondeur à notre imagination. Celle qui effectivement depuis les origines avance en nous à pas de loups, cherchant à la fois l’aliment et le signe.  

TEXTES : 

 Les bardaches

Nous avons de toujours existé
La vitre du monde pour tous est la même
mais le reflet du soleil nous perce et nous inonde
d'une voix de fleur sérieuse
qui suit la courbe de l'anse d'une amphore d'Ancien Empire
dont les marques pèsent sur notre nez
Nous sommes nés farouchement différents
dans une embarcation giboyant de comètes
de flux de vitalités vibrionnantes
où même les dieux s'affaissent en simples panoplies
Rien ne dure dans votre regard à nous exilé
dans notre cervelle de sueurs gravées
pas même le petit roi et la république
pas même les lois et leurs chiffres
chiffons de sels, griffons de sol
coup de grisou dans l'Harmonie
nous avons d'étranges mains, de moutonnantes inerties
nous les voyons très tôt dans les algues du cœur
près de la châsse du jardin, près des tombes des Anciens
Nous déclarons « peut-être » aux fêtes de l'humain
Nous savons tout des antilopes et des biches
Comment on s'essuie les mains dans la cendre dorée et cuite
nous cultivons un enfer d'aiguilles et d'épingles
nous écrivîmes très tôt le premier roman
où a éclos la panique de la narration, les abeilles du feu
la glace bleue du désert qui s'éveille
Nous sommes un pli de l'Espèce, une manière indigne et sainte
cherchant à pas, à pattes de loup, l'aliment et le signe. 

Le bivouac

Comment terminerons-nous le voyage ?
Il y a des preuves que la vie est griffe du cosmos,
qu'elle a ses assises, ses lois et données de finesse,
d'amour usuel, de saveur serrée.
Il y a des preuves qu'elle vaut mieux que l'azur sec
à grande ogive, à parfait néant du Néant.
Qu'elle n'est pas que vitesse, roulis observé, mais signe —
Qu'elle est ivresse, épanchée en souffle sous le pur miroir,
où se fixent les yeux qui sont vœux d'alouettes,
le gibier et le reflet d'Orion.
Mais la vie tourne, se tourne, refrain ranci,
masque fraîchi. La colère, les jeux, les tâches la désespèrent et déshabillent
Mais il y a l'espoir à bonbonne d'étoiles,
sa voie lactée, sa peinture privée. Un chapelet de sentiments
qui valent mieux que la guimauve ou la mort incisive.
Il y a les pourtours, les ponts, la bravade à promenade époumonée —
Scellée, gommée toute nature qui n'est pas énorme ;
usé, déperlé, le minuscule atome qui n'a pas feu ou conscience de cœur.
Le décidément petit, le résolument grand, l'enfer cardé, cédé des anges
ou bien le pavillon noir du paradis, au sanglot des sensibles,
voguant comme à rebours sur ses flots, avec sa faveur de chanson.




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