La Création L.A. Demarne, 1729 |
De telles incertitudes, toutefois, ne sauraient légitimer pour lui, la suspension de toute action. Au contraire. Comme chacun pourra le lire dans l’extrait que nous proposons ci-dessous, Gilles Ramstein attire notre attention sur le fait qu’il est normal pour les hommes d’agir dans l’incertitude et qu’il est impératif aujourd’hui de le faire si nous voulons remédier, entre autres, à cette libération massive de CO2 que la révolution industrielle a produite dans l’atmosphère. Car si l’état actuel de nos connaissances ne nous permet pas de définir avec une totale précision le scénario que les modifications induites par l’homme provoquent sur le climat et par voie de conséquence sur les conditions précises de l’habitation de la terre, ces connaissances sont toutefois assez grandes pour nous faire comprendre qu’elles ne peuvent être que catastrophiques pour l’avenir de l’humanité, si rien n’est fait pour en réduire ou en contrebalancer l’impact.
COMMENTAIRE : SUR ENSEIGNEMENT ET CERTITUDE
Face à la complexité de plus en plus grande
des situations auxquelles nous sommes confrontés, nous ne pouvons donc compter sur
aucune certitude. Et il est désormais loin le temps – du moins dans les
sociétés occidentales qui sont les nôtres – où dogmes, vérités révélées, mots
d’ordre partisans suffisaient à éclairer le chemin et décider des actions à entreprendre.
On voit les effets pervers d’une telle réalité qui jettent les esprits les plus
faibles vers les discours simplificateurs qui les manipulent et conduisent les esprits
prétendus forts vers une sorte d’universel scepticisme et l’abstention de tout
engagement face aux problèmes de plus en plus pressants qui se posent à
différents niveaux du monde.
Or ces problèmes, ces questions nous
requièrent. Et ne se résoudront pas d’eux-mêmes. Il nous faut donc apprendre et
de plus en plus à nous adapter à la nouvelle et dérangeante complexité des
choses. À l’école, si tout doit être fait pour réduire la part des
complications inutiles, peut-être importe-t-il que l’enseignant ne cherche pas
toujours – comme il y a, me semble-t-il tendance, à ramener la complexité du réel
à des schématisations simplistes. Et s’il est toujours important et
nécessaire de définir, sans doute est-il aujourd’hui plus nécessaire encore de
s’efforcer de faire comprendre que la définition n’est qu’un outil de pensée
qui n’a pas sa fin en elle-même et ne saurait emprisonner dans ses mailles une
réalité qui toujours la déborde.
L’enseignement de la littérature - qui ne
saurait trop s’accommoder de définitions excessives, qui manifeste à quel point
il se produit constamment du jeu dans la pensée, dans la langue qui la
sous-tend et fait beaucoup plus que la contenir, la provoquant de tous les possibles
conjugués de la lecture - pourrait être cet espace où l’esprit fait
l’apprentissage de l’incertitude, s’ouvrant aux possibles du sens, à la
construction d’hypothèses, aux confrontations de points de vue, aux
élargissements réciproques.
En ce sens je crois personnellement que
l’enseignement de la littérature loin de s’opposer à celui des sciences en
constitue en fait l’un de ses plus utiles compléments, une manière à nulle
autre pareille de développer cette forme d’attention et de curiosité qui
cherche toujours derrière la forme apparemment arrêtée et complexe des choses à
progresser dans leur interprétation et leur connaissance profonde. À la
condition bien entendu de ne pas concevoir cet enseignement comme une somme de
connaissances refermées sur elles-mêmes, une histoire dont chaque terme serait
par avance posé. La simple illustration de vérités établies, noir-sur-blanc,
dans les livres du maître.
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