Honneur et Vertu fleurissent après la mort Véronèse |
On ne connaît que trop bien la fameuse
expression de nos anciens romantiques – que les lecteurs retrouveront aisément,
n’en doutons pas, dans l’une des 17000 pages du Journal du
philosophe suisse Henri-Frédéric Amiel ! - selon laquelle tout paysage
est un état d’âme. Me proposant aujourd’hui de dire quelques mots d’un des
nombreux ouvrages que leurs auteurs ou leurs éditeurs – ne les oublions pas –
ont eu l’attention de me faire parvenir, il ne me semble pas inutile de partir
de cette formule qui possède le mérite de souligner que les frontières n’ont
rien d’étanches entre ce que nous croyons être la pure physicalité du monde extérieur
et ce que nous envisageons comme relevant du domaine propre de nos singulières
intériorités.
Voltige ! d’Isabelle Lévesque est de ces livres où la
perméabilité entre le dehors et le dedans qui fonde tout texte en paysage se
présente au lecteur avec la plus nette, pour ne pas dire la plus déroutante
évidence. Chaque motif ici, qu’il soit fleur, souffle, couleur, forme,
inclinaison, battement, ombre ou acuité lumineuse, y apparaît comme intimement
noué à ces tremblements intérieurs, ces palpitations vitales, ces tensions et
retentions, spasmes et contractions, libérations, volettements, halètements, vertiges, voltiges... à travers quoi s'éprouvent les diverses intensités d’une
relation amoureuse passionnément vécue.
Surgissent alors de ces compositions, une
suite de vibrations rendues d’autant plus singulières que le paysage de langue ainsi produit, par ses
condensations, sublimations, ses ruptures ou ses ellipses, s’affranchit à son
gré de l’ordre imposé des grammaires pour imprimer au poème son allant, ses pas
de danse, voire ses aériennes, diffuses et quelque peu énigmatiques acrobaties.
« En chacun tu bats »
affirme Isabelle Lévesque en référence à une longue liste de termes par elle
écrite, regroupant, comme elle dit, « l’immense et le fragile ». Et c’est bien à une sorte d’assemblage vif et libéré des contraires
que s’efforce la poésie de cet auteur qui, à travers chaque détail observé, chaque
présence retenue, tente de hisser sa parole au diapason de l’être. Afin
qu’au-delà de tout manque, de toute disparition, sa source n’en tarisse pas. Et
que tel jour d’été – mettons que ce soit un 25 août – tel moment de
la journée – mettons que ce soit un matin à onze heures – restent, comme l’est
bien le paysage, ou le bleu d’un ciel de Véronèse : ineffaçables,
inabolis. À jamais toujours-là.
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