Non, affichés amateurs de poésie chichiteuse, de biographie
chipoteuse, de paquet bien ficelé, rien pour vous dans ce livre ! Car même
si des auteurs s’y montrent et fortement, vous ne les verrez pas. Ne les
entendrez pas. Quand ils diront la liberté. Quand ils diront la vérité. Quand
ils crieront, eux les ratés, qu’ils vous emmerdent. Et ne vous comptent
que pour du beurre. Á fondre dans leur propre lumière.
Ne nous faisons pas d’illusions. Un poète rare, mort, parlant
d’un autre poète, tout aussi rare, tout aussi mort : c’est une drôle
d’idée que les éditions Pierre Mainard ont eue là, de proposer à nouveau, à
l’active incuriosité de leurs contemporains, ce livre que Pierre Peuchmaurd
consacra en 1988, dans la collection des Poètes d’aujourd’hui, dirigée par
Seghers, à ce grand poète si grandement méconnu que fut et que continue d’être,
Maurice Blanchard.
Alors, mes contemporains, si prompts à vous saisir du
moindre prétexte pour vous exciter, vous faire un peu plus exister, sur les
réseaux oiseux, sur les réseaux noiseux qui occupent le monde, oui, vous mes
semblables, triangles, carrés, citrouilles ou pommes de terre, qui vous
regardez « dans des miroirs, géométriques quant à la surface,
rigidement cadavériques dans leur profondeur[…] et vous sculptez ainsi votre
monument funéraire » combien de doigts de la main serez-vous pour reconnaître
les intenses fulgurations, les opéras sanglants, de ces « poètes de
proie ». Qui sont aussi des fêtes. Dont vous ne savez rien.
Pourtant, mi choix de textes, mi biographie supposée, le maurice
Blanchard de Peuchmaurd est de ces livres qui honorent et leurs auteurs et
ceux, lecteurs comme éditeurs, qui leur permettent d’exister. De vivre. De ces
livres porteurs d’incandescentes paroles. De celles qu’on ressent comme si on
avait tout-à-coup mis son doigt dans la prise. De celles qui, assumant, en ce
siècle « d’otages et de copies conformes », leur irréductible
et triomphale marginalité, tracent d’invincibles routes, renversant tout sur
leur passage, et l’indifférence des autres et les traverses des chemins, se
foutant pas mal d’être et surtout n’être pas, comprises. Sinon par les poissons
rouges.
Car, « saltimbanque du non-sens », le poète
y dresse lui-même ses barricades mystérieuses. Fait sa lumière de même. Et
aussi son obscurité !
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