Jusqu’à ces derniers mois je ne connaissais pas l’œuvre du peintre anglais Laurence Stephen Lowry dont le magnifique Lowry Center à Salford, à proximité de Manchester, abrite aujourd’hui un large panorama de l’importante production. C’est vrai que durant la plus longue partie de sa vie ce peintre, essentiellement tourné vers les paysages urbains du nord de l’Angleterre industrielle, animés de fumées d’usines, de foules ouvrières se rendant au travail ou se précipitant en masse vers le stade pour assister au match de football, aura fait l’objet du mépris de la plupart des amateurs d’art qui n’auront vu en lui qu’un peintre du dimanche. Ce que sans doute malheureusement d’une certaine manière il fut, n’ayant jusqu’à sa retraite à l’âge de 65 ans, eu la liberté de peindre qu’au cours de ses loisirs.
Comme il l’écrivit toutefois bien ironiquement, ce « peintre du dimanche » peignait quand même tous les jours de la semaine. Non pour médiocrement reprendre les poncifs du moment mais pour patiemment imposer sa vision propre d’un monde auquel il s’employa à donner une forte dimension esthétique. C’est écrira t-il à la suite du déménagement forcé de sa famille dans un quartier populaire de la petite ville industrielle de Pendlebury située à quelques kilomètres de Manchester que le jeune Lowry succombe à l’attraction qu’exercera sur lui l’atmosphère particulière des villes ouvrières qu’il s’ingéniera tout au long de sa vie à représenter à travers cette économie de moyens, cette liberté de facture qui le rendent aujourd’hui si parfaitement reconnaissable.
Au début du XXème siècle, du moins en Angleterre[1], c’est nouveau. Et pour les spécialistes autorisés de l’Art, l’art majuscule, c’est déroutant. Ses personnages mal finis, mal définis, en formes de bâtonnets qu’il va multiplier sur la toile, les appelant lui-même "matchstick men", bonhommes-allumettes, sembleront à beaucoup relever d’un art gauche et malhabile. Ses représentations de scènes populaires, sorties d’usines, sorties d’école, expulsions, jours de match, promenades le long d’un canal ou simples traversées de rues surmontées de cheminées d’usine intéresseront peu. S’accordant mal avec la conception bourgeoise toujours fortement idéalisée de la beauté. Nourrie ne le négligeons pas de ce mépris de classe à quoi s’ajoute l’ordinaire indifférence à tout ce qui est jugé provincial.
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J’en reparlerai.
[1] Je précise « en Angleterre » car on trouve notamment en Belgique, comme me l’a très récemment rappelé la visite du très beau MSKA d’Anvers, rouvert après de très longues années de travaux, un certain nombre d’artistes qui se sont tournés vers la représentation de la vie ouvrière. Je pense à Laermans ainsi qu’à Constantin Meunier par exemple qui fut parmi les premiers mais dans un esprit très différent à représenter des paysages nettement industriels.
[2] En répondant que sa mère étant morte il ne voyait plus très bien à qui de telles distinctions pouvait bien faire plaisir.



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