lundi 1 décembre 2025

CONNAISSEZ-VOUS LE PEINTRE ANGLAIS LAURENCE STEPHEN LOWRY ?


Jusqu’à ces derniers mois je ne connaissais pas l’œuvre du peintre anglais Laurence Stephen Lowry dont le magnifique Lowry Center à Salford, à proximité de Manchester, abrite aujourd’hui un large panorama de l’importante production. C’est vrai que durant la plus longue partie de sa vie ce peintre, essentiellement tourné vers les paysages urbains du nord de l’Angleterre industrielle, animés de fumées d’usines, de foules ouvrières se rendant au travail ou se précipitant en masse vers le stade pour assister au match de football, aura fait l’objet du mépris de la plupart des amateurs d’art qui n’auront vu en lui qu’un peintre du dimanche. Ce que sans doute malheureusement d’une certaine manière il fut, n’ayant jusqu’à sa retraite à l’âge de 65 ans, eu la liberté de peindre qu’au cours de ses loisirs.

Comme il l’écrivit toutefois bien ironiquement, ce « peintre du dimanche » peignait quand même tous les jours de la semaine. Non pour médiocrement reprendre les poncifs du moment mais pour patiemment imposer sa vision propre d’un monde auquel il s’employa à donner une forte dimension esthétique. C’est écrira t-il à la suite du déménagement forcé de sa famille dans un quartier populaire de la petite ville industrielle de Pendlebury située à quelques kilomètres de Manchester que le jeune Lowry succombe à l’attraction qu’exercera sur lui l’atmosphère particulière des villes ouvrières qu’il s’ingéniera tout au long de sa vie à représenter à travers cette économie de moyens, cette liberté de facture qui le rendent aujourd’hui si parfaitement reconnaissable.

Au début du XXème siècle, du moins en Angleterre[1], c’est nouveau. Et pour les spécialistes autorisés de l’Art, l’art majuscule, c’est déroutant. Ses personnages mal finis, mal définis, en formes de bâtonnets qu’il va multiplier sur la toile, les appelant lui-même "matchstick men", bonhommes-allumettes,  sembleront à beaucoup relever d’un art gauche et malhabile. Ses représentations de scènes populaires, sorties d’usines, sorties d’école, expulsions, jours de match, promenades le long d’un canal ou simples traversées de rues surmontées de cheminées d’usine intéresseront peu. S’accordant mal avec la conception bourgeoise toujours fortement idéalisée de la beauté. Nourrie ne le négligeons pas de ce mépris de classe à quoi s’ajoute l’ordinaire indifférence à tout ce qui est jugé provincial.


Pendant des dizaines d’années l’œuvre de L.S. Lowry restera donc en grande partie confidentielle. Pourtant le succès viendra. Vers la fin de sa vie où il aura l’occasion de s’offrir le luxe de refuser à cinq reprises les plus hautes distinctions qui lui seront offertes[2]. Où le Premier Ministre Harold Wilson utilisera la reproduction d’un de ses tableaux comme carte de vœu et où se trouvera imprimé un timbre représentant l’une de ses Sortie d’école ! Puis viendra une grande exposition en 2013 à la TATE BRITAIN, où son œuvre sera rapprochée de celle de Van Gogh, Pissarro, Seurat, Utrillo…

PUNCH & JUDY ou le spectacle de marionnettes

Aujourd’hui l’œuvre de L.S. Lowry dont certaines toiles atteignent en vente publique plusieurs millions d’euros, est devenue en Angleterre l’une des plus populaires suscitant nombre de produits dérivés. Outre le caractère émouvant et comme on dit poétique de l’œuvre qui renvoie aux élémentaires réalités de la vie populaire en milieu urbain mais sans jamais sacrifier au réalisme qui fait la limite d’une peinture comme celle chez nos amis belges d’un Constantin Meunier, le fait que cet univers d’usines, de filatures, de poteries, avec leurs cheminées fumantes, leur incessante animation, ait en grande partie disparu de nos paysages, peut aussi en partie expliquer le succès de ce peintre qui entretemps aura suscité bien des émules comme Sid Kirkham, Jack Clarkson, Scott Walker et surtout à mes yeux Maurice Wade dont les toiles représentant des paysages très proches relèvent toutefois d’une sensibilité et d’une esthétique surtout, passablement différentes. Faite de toute une profondeur aussi élégante qu’angoissante.

J’en reparlerai.



[1] Je précise « en Angleterre » car on trouve notamment en Belgique, comme me l’a très récemment rappelé la visite du très beau MSKA d’Anvers, rouvert après de très longues années de travaux, un certain nombre d’artistes qui se sont tournés vers la représentation de la vie ouvrière. Je pense à Laermans ainsi qu’à Constantin Meunier par exemple qui fut parmi les premiers mais dans un esprit très différent à représenter des paysages nettement industriels.

[2] En répondant que sa mère étant morte il ne voyait plus très bien à qui de telles distinctions pouvait bien faire plaisir.

 

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