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Gérard Cartier qui conclut son recueil par une « table » replaçant chacun de ses textes
à l’intérieur d’un grand dîner aux services gourmands, appréciera sûrement que
j’entame cet hommage en révélant que ses poèmes, tout comme ceux d’un poète
comme Etienne Faure, dont je le sens personnellement proche, sont à chaque fois
pour moi l’occasion d’une lente et attentive dégustation qui presqu’à chaque
mot, chaque mouvement de pensée – mais de pensée sensible – fait que je me sens parcouru de tout un
tremblement d’ondes, qu’elles s’étendent sur toutes les surfaces de
signification qu’enferme aujourd’hui mon dictionnaire intérieur, ou viennent
émouvoir les multiples souvenirs d’une vie passée à lire, écrire et surtout habiter
et apprendre à aimer le monde.
On sait qu’une telle poésie, intelligente, cultivée, nuancée et sensible
n’est plus trop pour plaire à nos contemporains. Qui se fatiguent vite à suivre
ces manœuvres de formes naviguant entre l’intelligible clarté de l’idée
rassurante et la réalité toujours un peu fuyante du sentiment qui en constitue le
tissu profond et tout baigné d’humeurs. Qu’importe. Nous n’écrivons pas pour
les analphabètes. Qui au passage ne sont pas toujours ceux qu’on pense. Et
peuvent être parfois, plus que nous, cuirassés de diplômes.
Les
Métamorphoses de Gérard Cartier ne sont pas de ces livres que nourrit une réalité bien
précise. Qu’ils s’acharnent à épuiser. À circonscrire. C’est au contraire un
livre d’expérience par lequel l’auteur se livrant au langage, à l’aventure de
la parole, cherche en quelque sorte à illimiter
ses possibles, libérer ce qui peut toujours et encore en lui et par lui se
dire. La hantise d’être vivant. Et de
se réjouir de voir. Savoir. Approcher et toucher. Écouter et entendre. Goûter à. Tout ce qui,
bien entendu, se trouve à portée, ou pas, dans le monde.
Le titre des principales parties du livre fournit en quelque sorte le
programme de cette jouissive et dévorante entreprise : Épouser le monde (partie 1), Faire de soi sa discipline (partie 2), Cultiver ses vices (partie 3), Donner sens au chaos (partie 4), Hasarder tous les sentiments (partie 5),
Multiplier les formes (Partie
6).
Des verbes donc. Des verbes. Et des résolutions. Car il y a urgence encore
à vivre. Surtout pour « qui passe /
Sur un pied la frontière de l’âge et vacille / De son lourd vin d’aînesse ».
Et se découvre « si tardif à
célébrer le monde et courir après le temps ».
Peut-être qu’on l’aura compris sans que j’en dise maintenant davantage.
Le livre de Gérard Cartier est de ces livres éternellement jeunes que seuls
écrivent ceux qui en arrivent au point d’avoir à compter sur leurs doigts les
belles et courtes années qu’il leur reste à bien vivre.
Sans crainte d’avoir à quitter bientôt – c’est notre lot - la salle du banquet dont ils auront sur le
papier su recueillir les restes : Bénie
la table et les longs amis....
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