Mantegna, Descente dans les limbes |
« Occident. 2016. Peut-être qu'une époque se définit moins par ce qu'elle poursuit que par ce qu'elle conjure. La nôtre conjure le dehors. Il ne s'agit plus de combattre ce qui n'est pas nous : il s'agit de le faire nôtre. De le transformer en « nous ». Le sauvage, le naturel, l'inexploré, les opposants, l'étranger, le gratuit : rien ne doit rester en dehors du système. L'hétérogène est endogénéisé, l'altérité s'assimile et se métabolise. Le climat ? Il est climatisé. L'inconnu, quel qu'il soit, se radiographie, se cartographie, il est rendu comptable et compatible. Si quelque chose échappe encore, la lisière du géré, le système allonge ses tentacules pour le raccorder au réseau, qui se veut total. »
Les fans, comme on dit, d’Alain Damasio, auront peut-être reconnu la déclaration par laquelle il débute le petit
texte qu’a récemment publié La Volte
et titré Le Dehors de toute chose. Et
il est vrai que nous avons actuellement tout à redouter de cette civilisation
de l’hyper-contrôle que nous favorisons par chacun ou presque de nos
comportements, de cet univers du recouvrement où du fait de l’euphorie produite
par l’illusion de la toute-puissance que procurent les nouvelles technologies
nous laissons s’effacer le sentiment créatif de l’irréductible étrangeté et
incomplétude du monde pour en abandonner l’architecture aux insidieux et
simplificateurs algorithmes des big data.