The great
Alatchua Savanah, dessin de Bartram
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Je redonne aujourd’hui ce billet que j’ai consacré en son temps aux
Voyages de William BARTRAM. Ce dernier viendra heureusement s’adjoindre,
j’espère, à cette liste de compatriotes de l’ailleurs que nous entreprenons
d’élargir autant que faire se peut avec les Découvreurs.
Les débuts d'année
traditionnellement voués aux bilans et aux résolutions de tous ordres sont
l'occasion pour chacun d'embrasser un temps plus large coloré du regret,
certes, de ce que nous aurons, malgré tout, laissé à jamais échapper mais de
l'espérance aussi que l'espace que nous croyons ouvert à nouveau devant nous,
nous permettra, qui sait, de ressaisir un peu de ce que nous avons perdu.
C'est pourquoi nous voudrions
revenir aujourd'hui rapidement sur ce gros livre des Voyages de Bartram, que les éditions Corti, ont publié en février
2013 dans leur magnifique collection Biophilia.
Un tel livre de quelques 500 pages, présenté comme une édition naturaliste,
ponctué de nombreuses descriptions et de longues listes botaniques a de quoi
faire un peu peur. Mais n'aura
heureusement pas empêché les excellentes et nombreuses critiques qui en ont
rendu compte
et dont on pourra lire une partie ici.
Nous ne proposerons donc pas une
nouvelle analyse de l'oeuvre. Nous
contentant de rappeler à ceux qui n'en auraient jamais ou trop peu entendu
parler que William Bartram (1739-1823) fut et reste, comme l'affirme la quatrième
de couverture, l'un des premiers et l'un des plus grands naturalistes
américains. Parcourant entre 1775 et 1778 un vaste territoire en partie encore
inexploré, correspondant à la Caroline du Nord, à la Caroline du Sud, ainsi
qu'à la Géorgie et à la partie nord de la Floride, Bartram nous redonne de l'Amérique, l'image
de ce qu'elle fut avant que le rouleau compresseur de notre civilisation
industrielle, l'urbanisation et les exploitations de toutes sortes, commencées
au XIXème siècle, en transforment à jamais les paysages.
Au-delà de tout intérêt
historique, géographique, botanique, voire même esthétique, c'est une belle
figure d'homme qui nous a retenu en priorité dans ce livre. Celle d'un homme
éclairé, suffisamment armé de connaissances, d'intelligence et de sensibilité pour
se faire témoin, au nom de ce que notre humanité a de meilleur, de la venue à
nous d'un monde se livrant encore dans sa virginité première. Un homme respectueux
de l'immense variété des formes du vivant. Capable de lire avec toute
l'attention qu'ils méritent, le plus vaste et le plus impressionnant des
paysages, comme la forme particulière des fruits d'une espèce nouvelle. Capable
aussi de nous communiquer la singulière beauté mais aussi la compréhension, de
tout ce qu'il rencontre. Tout en nourrissant
fortement le désir de nous porter à notre tour, vers ce monde, hélas en
grande partie disparu, qu'il découvre.
Ce que montre aussi cet homme, et
que nous rappelle fort opportunément, dans sa préface, cette autre compatriote
de l'ailleurs qu'est Fabienne Raphoz, c'est qu'il n'est de paysage, qu'il n'est
de monde devant nous, qu'habité par notre regard. Et qu'il ne tient qu'à nos
propres structures mentales, qu'à notre éducation sensible que nous le voyions
indifférent ou beau. Attirant ou inquiétant, magnifique ou terrible.
Alors bien
sûr on dira, lisant tel ou tel passage – celui par exemple où le voyageur se
voit accueilli par un chef indien un peu à la façon dont le Candide de Voltaire
se voit reçu au chapitre trente par le bon vieillard qui lui enseignera les
vertus du travail ; celui où il se retrouve au sortir d'une rivière qu'il
vient de franchir à la nage entouré de "troupeaux de chevreuils, de
dindons et de tous les animaux qui peuplent ces fertiles contrées", occupé
"à partager avec eux (le repas de fraises) libéralement offert par les
mains de la nature" - qu'indépendamment de leurs qualités d'observation
indéniables, les Voyages de Bartram
sont fortement idéalisés. Comme informés par la culture chrétienne du Paradis.
Sans doute. Mais n'est-ce pas ce que l'homme devrait avoir à offrir à l'homme
de meilleur que de "fusionner dans le langage poétique, la réalité qu'il
expose et l'idéal qu'il inspire".
Surtout si cela l’amène à mieux dénoncer
tout ce qui met à mal notre commune appartenance au monde merveilleux du
vivant: les esclavages, les racismes, les violences, les guerres et les
indifférences... bref, la triste mécanique humaine, manipulée, par l'intérêt.
Et l'insolence, par-dessus tout, de la bêtise.
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