Fadwa Souleimane au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer |
Ainsi que l’annonçaient bien les
premiers résultats qui nous sont parvenus, c’est sur À la pleine lune, le livre de Fadwa Souleimane publié par les
toutes jeunes éditions du Soupirail, que se sont très largement portés les
suffrages des quelques 2000 lycéens et collégiens qui cette année ont participé
à l’édition 2016 du Prix des Découvreurs.
On ne s’en étonnera pas, tant la
nature de ce livre et la personnalité de son auteur avaient de quoi retenir l’attention
de ces jeunes pour qui la poésie n’a rien à voir avec un jeu gratuit d’esthète
ou d’intellectuel avant tout soucieux de distinction. Découvrant À la pleine lune et le parcours si
particulier de son auteur ils ont, je crois, compris le caractère profondément
vital pour ce dernier de ces poèmes marqués par la guerre et l’exil, par la
volonté de ne pas laisser le dernier mot au silence, celui de la défaite et de
la résignation.
Habitués à ce qu’on leur parle de
poésie engagée et plus familiers certainement du Melancholia de Victor Hugo ou du trop fameux Liberté d’Eluard, que des écrits des poètes d’aujourd’hui
qui sont – de par la force actuelle des choses – presque tous des textes de
résistance, ils ont ainsi pu comprendre à quelles nécessités répond toujours et
en profondeur la poésie de notre temps. Quand elle est animée d’un désir
authentique de parole. D’un besoin fondamental de dire.
Comme l'écrit quelque part Ariane Dreyfus, le poème « n’est pas une succession de mots, mais l’élan
d’une parole dans la relativité d’un corps ». Et en ce sens il ne peut
exister autrement qu’engagé. Surtout si ce corps, appréhendé dans l’exil, ayant
perdu son environnement familier, ses racines d’enfance, est condamné à se
vivre désormais dans une culture, un espace et une langue autres.
Ce n’est qu’une fois installée en
France pour fuir l’arrêt de mort promulgué par le tyran syrien Assad, que la
comédienne Fadwa Souleimane a éprouvé pour la première fois la nécessité de
retrouver sa langue en se mettant à écrire de la poésie. Tombeau des morts qu’elle
a laissés derrière elle, des innocences de la paix saccagée, ses textes tout en
désignant clairement les responsables, restent toutefois habités par la volonté
farouche de ne rien céder aux multiples formes de violences qui se
concurrencent aujourd’hui un peu partout dans le monde. Certaine que les
divisions, quelles qu’en soit la nature, ne font aller l’humanité qu’un peu
plus vite vers sa perte, Fadwa Souleimane, en dépit de tout, nous invite au
chant réconcilié de l’Un.
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