mardi 8 octobre 2019

RECOMMANDATION. LA POÉSIE INTIME ET POLITIQUE DE CHRISTINE CHIA. SINGAPOUR.

Nous n’avons pas besoin de vérité, mais de parole. C’est, à mes yeux, la suprême raison de l’existence de la poésie. Répondre, à travers le système commun d’une langue que nous partageons avec l’ensemble de nos semblables, aux diverses pressions que nous éprouvons de la vie, est en soi, comme un moyen d’échapper à l’angoisse de notre condition séparée. Tout en affirmant, par le travail d’art plus ou moins important que cela suppose, sa propre singularité.



Du commun et du singulier, la jeune poète singapourienne de langue anglaise, Christine Chia, dont Le corridor bleu propose aujourd’hui, réunis dans le même volume, la traduction par l’excellent Pierre Vinclair, des deux premiers recueils, La Loi des remariages et Séparation : une histoire, s’en réclame quant à elle de bien intéressante manière. En faisant, dans ce livre, se correspondre, en miroir, sa douloureuse histoire familiale et celle de la République de Singapour en la personne principalement de son ancien leader, Lee Kuan Yew, l’homme qui aura présidé à son rattachement à la Malaisie en 1963, avant d’être contraint, en 1965, de s’en séparer.


mardi 1 octobre 2019

FRUSTRATION DU POÈTE MODERNE. CE QUE GAGNERAIENT CERTAINS TALENTS À FUIR LES PASSIONS TRISTES.

« J’hésite toujours à applaudir les artistes et les poètes car ce n’est pas les aider que de les conforter dans leurs mauvais penchants hystériques et narcissiques »

Julien BOUTREUX


Le métier de poète engendre bien des frustrations. Aspirant comme chacun et peut-être un peu plus que les autres, à la reconnaissance, le poète, qu’il soit non édité, mal édité, bien édité mais toujours trop peu lu, jamais invité, ou si peu, sur les grands tréteaux culturels du temps – c’est son lot – ne s’estime jamais à la place, éminente, centrale, à laquelle en son for intérieur, il aspire. C’est que, même si ce qu’il lui arrive de produire se révèle au regard objectif d’un intérêt modeste, il est de ceux qui éprouvent au-dedans d’eux cette fameuse « puissance d’art » dont parle Nietzsche, qui l’amène à se persuader, peut-être pas d’ailleurs totalement à tort, qu’il est plus amplement ou profondément vivant que l’immense majorité de ses pauvres semblables.

mercredi 25 septembre 2019

VIVRE DE SA PASSION ? OUI. MAIS À QUEL PRIX. À PROPOS DE FAUT BIEN MANGER D’EMANUEL CAMPO.

Les ouvrages nous permettant de nous faire une idée de la façon dont, au jour le jour, je veux dire dans sa réalité triviale et quotidienne, est vécu le métier de poète, sont à mon avis trop rares pour ne pas devoir être signalés. Entre idéalisation romantique et caricature pseudo-naturaliste, il n’est pas toujours facile de se représenter l’existence par exemple d’un jeune homme d’aujourd’hui entré dans les arts, comme aurait dit Murger « sans autre moyen d’existence que l’art lui-même » et « sans autre fortune […] que le courage qui est la vertu des jeunes, et que l’espérance qui est le million des pauvres ».

C’est pourquoi le petit livre d’Emanuel Campo, Faut bien manger, publié l’an dernier par La Boucherie littéraire, ne doit pas être négligé. Certes, on ne saurait affirmer sans se montrer un brin complaisant, qu’au strict plan littéraire, l’ouvrage apporte quoi que ce soit à l’histoire de la poésie. Écrit avec une certaine désinvolture, recourant à bien des facilités du moment, peu ambitieux donc sur la forme, le travail d’Emmanuel Campo intéresse par autre chose. Une sorte de sincérité ou d’honnêteté retorses par lesquelles il parvient, nous dévoilant l’envers du décor, à faire de ses propres faiblesses, une force et à nous sensibiliser de cette manière aux principales contradictions que la condition d’artiste qui est la sienne, oblige à affronter.

lundi 23 septembre 2019

SUR UN GRAND TABLEAU DE FERNAND PELEZ. MISÈRE DES CRITIQUES BOURGEOIS !

Grimaces et misère, Fernand Pelez, 1888, Petit Palais
Il y a dans le monde de l’art, disons plutôt dans le petit monde de la culture qui affecte de s’intéresser à l’art et aux artistes, des attitudes que je ne comprendrai jamais. Ainsi celle qui consiste à refuser de prendre en compte le sujet pour ne s’intéresser qu’à la forme. Déjà dans la Chartreuse de Parme, Stendhal remarquait que « la politique dans une œuvre littéraire » était vue comme « un coup de pistolet au milieu d’un concert, quelque chose de grossier», comme si ce qui déterminait avant tout la vie réelle et souvent malheureuse et souffrante de la plupart des hommes devait se trouver exclu des préoccupations de l’écrivain comme de l’artiste véritable.

mardi 17 septembre 2019

RECOMMANDATION. LE LIVRE JAUNE DE L’AUTRICHIEN ANDREAS UNTERWEGER CHEZ LANSKINE.


C’est un livre vraiment qui m’aura enchanté, en cette période où, plongé dans la lecture de divers essais qui je l'espère me feront mieux comprendre certains des grands problèmes que soulèvent la marche et l’organisation du monde, j’ai laissé s’accumuler sans trouver le temps d’en parler et parfois même de les lire – et je m’en excuse bien sincèrement -  la plupart des ouvrages de poésie que leurs auteurs m’ont adressés.
Ouvrage inaugural d’une nouvelle collection dirigée chez LansKine par Paul de Brancion, Le Livre jaune d’Andréas Unterweger est un livre dont j’aimerais pouvoir rendre compte de façon attentive et détaillée. Tant chez lui intelligence et sensibilité, simplicité et profondeur, imaginaire et réalité, rigueur et émotion s’y retrouvent intimement liés. Dans une évocation du bonheur et de l’enfance qui sous ses dehors de conte poétique, ne se montre jamais niaise et touche même aux plus philosophiques questions. Qu’on en juge à travers l’un de ses chapitres qui nous montre les 7 jeunes garçons de la maison jaune, tout au milieu des champs jaunes, éprouver la pluie qui tombe sur leur territoire d’été.
On appréciera tout particulièrement, outre la belle traduction à laquelle est parvenue Laurent Cassagnau, le jeu singulier et particulièrement subtil des italiques et du passage à la ligne.


jeudi 12 septembre 2019

FAUVELLE, MICHON, COETZEE, LA VENUS HOTTENTOTE ET L’ÉCRITURE BONNE.

Pour Jean-Marie Perret

Gravure de Hans Burgkmair, vers 1508 représentant les khoekhoes
Sensible à certaines remarques qu’on aura pu me faire, je reviens, fidèle à ma manière à la fois concentrique, allusive et indirecte d’envisager, comme je peux, les choses, au livre de François-Xavier Fauvelle, A la recherche du sauvage idéal, qui m’a fourni le point de départ de ma récente réflexion sur quelques impostures courantes de notre poésie. Oui, on ne saurait trop insister sur l’originalité et l’intérêt de la démarche par laquelle cet ouvrage tente de rendre compte de la réalité d’un très ancien groupe humain que les aléas de l’histoire auront amené à disparaître non sans nous avoir laissés construire d’eux une image désolante qui en dit long sur les carences de notre propre équipement moral.

mardi 10 septembre 2019

POÈTES EN PEAU DE LÉOPARD !


Je m’agace souvent de mon incapacité à expliquer clairement les raisons qui me font  détester certains des livres ou des poèmes que la curiosité qui m’anime me pousse par ailleurs à découvrir. Rares sont en effet les œuvres qu’au final j’admire sans réserve. Ou que simplement j’aime. Plus nombreuses celles dont il me faut avouer qu’elles m’irritent. Moins d’ailleurs contre leur nature propre que contre l’auteur qu’elles visent en premier lieu, je crois, à mettre en scène.


Pour éviter de me faire ici-bas des ennemis inutiles, je partirai d’un poème que la récente lecture d’un livre original et passionnant de l’historien et archéologue François-Xavier Fauvelle, intitulé À la recherche du sauvage idéal, m’a conduit à rechercher sur le net pour vérifier mes intuitions concernant l’utilisation faîte un peu partout de la poésie dans le domaine politique et social. Dans un des chapitres de son livre, consacré à l’évocation de la figure de Sarah Baartman, la célèbre Vénus hottentote, entraînée hors de son afrique natale pour être exhibée, à Londres puis Paris, tel un animal de foire, Fauvelle raconte l’édifiante cérémonie organisée par les autorités du Cap à l’occasion du retour en Afrique du sud de ses pauvres restes et de leur inhumation dans la petite localité de Hankey proche du lieu sensé avoir été celui de sa naissance.


Le public enfin rassemblé, « officiels en costume-cravate, personnages en habits traditionnels, policiers blancs en uniforme, ouvriers agricoles venus des environs », et la cérémonie officiellement ouverte, voici que «vêtue d'un chemisier à imprimés d'éléphants », une femme monte à la tribune. C’est « une poète », qui dans « les bourrasques de vent [ nous dit Fauvelle ] qui font claquer les calicots et emportent les voix », vient déclamer le poème qu’elle a composé pour celle qu’elle s’autorise, se réclamant des mêmes ancêtres, à nommer allégoriquement, sa « grand-mère » !

lundi 2 septembre 2019

TÉLÉCHARGER LE DOSSIER D’EXTRAITS COMPLET DE L’ÉDITION 2019-20 DU PRIX DES DÉCOUVREURS !


CLIQUER POUR OUVRIR LE PDF

Comme promis, nous livrons pour la rentrée scolaire, le dossier complet de la nouvelle édition du Prix des Découvreurs. Dans l’espoir que, grâce à l’implication de leurs professeurs, les jeunes des lycées et des collèges soient toujours plus nombreux à profiter du matériel que nous leur proposons pour élargir à la poésie de leur temps, les connaissances littéraires que les programmes scolaires ne manqueront pas  de leur transmettre.



Établir un lien fort entre culture patrimoniale et art vivant 
constitue aujourd’hui l’un des enjeux fondamentaux de notre enseignement !





Se montrer capable d’établir auprès des jeunes, un lien fort entre culture patrimoniale et art vivant nous semble aujourd’hui

mardi 27 août 2019

RECOMMANDATION POUR LES PROFESSEURS D'HISTOIRE ET DE GEOGRAPHIE. CON PIACERE, LE BLOG DE VALERIE PHELIPPEAU.

https://valeriephelippeau.blogspot.com/






Valérie Phelippeau est une partageuse. Professeur d'Histoire et de Géographie, membre aussi depuis l'origine, de notre association, Les Découvreurs, elle ne conçoit pas son travail sans le plaisir et la joie de l'échange ou de la mise en commun. Ce sont des années et des années de pratique et de réflexion qu'elle a imaginé de mettre depuis quelques mois en accès libre sur son blog. Que nous sommes heureux aujourd'hui d'aider à faire à son tour découvrir.

mercredi 21 août 2019

NAGER VERS LA NORVÈGE DE JÉRÔME LEROY. Ce mélancolique bonheur d’être au monde, vivant.

Sans doute sera-t-il et de loin plus facile aux quelques vieillards réfractaires nés vers le milieu du siècle dernier qu’aux jeunes d’aujourd’hui, enfants d’un monde voué de plus en plus aux simulacres, de comprendre et d’apprécier ce qui fait le charme et l’intérêt de ce livre : l’expression toujours émue d’une sensibilité informée en profondeur par sa conscience aiguisée du temps et par les divers paysages qu’une vie de lectures, de voyages, d’amitiés et d’amours plus ou moins partagés, sera venue composer en elle.

Il n’est en effet rien de moins sûr par exemple que la nostalgie qui s’exprime dans le livre de Jérôme Leroy à l’égard des petites départementales ou de cette France qui en partie se meurt de Vierzon à Argenton-sur-Creuse ou pourquoi pas vers Bourbon l’Archambaut, alimente les réveries de nos adolescents d’aujourd’hui qui, s’ils y vivent, n’aspirent qu’à s’en échapper. Et on n’affirmera certes pas qu’ils se trouveront plus nombreux à regretter comme le fait l’auteur la disparition du tirage photographique papier ou se trouveront soudain pris du désir de se procurer un nouveau tirage tout frais intact et souple d’un ouvrage que par miracle ils auraient déjà en plusieurs éditions dans leur bibliothèque !!!

vendredi 2 août 2019

DES FORMES ET DES FORCES. RETENIR OU DÉMESURER SA PAROLE. LIRE NOÉ DE JEAN GIONO !

POUSSIN LE DELUGE
NICOLAS POUSSIN L'HIVER OU LE DELUGE

Je lis, avec toujours le même intérêt, dans la dernière livraison du Flotoir de Florence Trocmé, sa mise en cause de la malheureuse tendance de l’époque à ce qu’elle appelle la saturation : une certaine propension des beaux esprits encombrant aujourd’hui les media, à nous accabler de mots. À ensevelir l’esprit sous les images. Rigidifier à tel point les consciences qu’elles en deviennent incapables de déployer leur imaginaire propre.

"words, words, words !"


mardi 9 juillet 2019

PREUVE QUE LA POÉSIE EST TOUJOURS BIEN VIVANTE. BRAVO LA REVUE VA ! DE LA MAISON DE LA POÉSIE DE TINQUEUX !


Avant de délaisser pour quelques semaines le vaste bureau où trop de livres peut-être se sont entassés que je n’aurais finalement jamais le temps vraiment de lire malgré le désir qui m’aura, impatient, fait un jour les accueillir, je ne voudrais pas oublier de dire ici les mérites  de cette merveilleuse petite revue annuelle de poésie que sa directrice, Mateja Bizjak m’a fait découvrir lors du dernier Marché de la poésie. La Revue VA / Poésie est un petit bijou qui, sous une apparence modeste, offre au lecteur mille et une réjouissances d’œil et d’esprit, et par la qualité de ses contenus et par l’excellence encore de leur mise en forme typographique.

ÉLOGE DES PASSEURS. À PROPOS DE Kaléidoscope / Kalejdoskop, UNE ANTHOLOGIE DE POÉSIE FRANÇAISE TRADUITE POUR LE PUBLIC SLOVÈNE.


Je m’en voudrais aussi, après avoir vanté les mérites de la revue éditée par la Maison de la poésie de Tinqueux, de passer sous silence une autre de ses réalisations :  la publication dans sa collection déplacementS d’une anthologie bilingue qui propose en particulier au public slovène, la découverte d’une petite quinzaine de poètes contemporains de langue française, parmi lesquels trois de nos Prix des Découvreurs, Albane Gellé, Laurence Vielle et Maram al-Masri sans compter ceux avec lesquels nous avons déjà eu le plaisir de travailler.

Dirigé par la jeune et talentueuse poète slovène Nina Medved, ce recueil intitulé Kaléidoscope / Kalejdoskop, témoigne de l’effort

samedi 6 juillet 2019

DOSSIER PRIX DES DECOUVREURS 2020. PIERRE VINCLAIR.

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Cliquer dans l'image pour accéder à l'ensemble du cahier d'extraits. Ou sur le lien suivant : https://frama.link/Cahier 

ACTUALITÉ DU SONNET ? SANS ADRESSE : LE CHANT D’EXIL DE PIERRE VINCLAIR.

Le Fuxing Park Shanghai, Source Wikipedia
Tenter de rendre compte dans son détail et ses mille et une subtilités de l’ouvrage de Pierre Vinclair que les éditions LURLURE, viennent de m’envoyer en compagnie d’un autre bien intéressant ouvrage d’Ivar Ch'Vavar que je compte avoir le temps de lire plus attentivement dans les semaines qui viennent, est une tâche à laquelle je préfère ne pas me risquer, conscient de ne pouvoir rivaliser avec l’acuité du regard critique et l’ampleur réflexive de l’auteur de Terre inculte, ouvrage consacré par Vinclair à donner tout en la commentant pas à pas, sa propre traduction du Waste land de T.S. Eliot.