mardi 17 septembre 2019

RECOMMANDATION. LE LIVRE JAUNE DE L’AUTRICHIEN ANDREAS UNTERWEGER CHEZ LANSKINE.


C’est un livre vraiment qui m’aura enchanté, en cette période où, plongé dans la lecture de divers essais qui je l'espère me feront mieux comprendre certains des grands problèmes que soulèvent la marche et l’organisation du monde, j’ai laissé s’accumuler sans trouver le temps d’en parler et parfois même de les lire – et je m’en excuse bien sincèrement -  la plupart des ouvrages de poésie que leurs auteurs m’ont adressés.
Ouvrage inaugural d’une nouvelle collection dirigée chez LansKine par Paul de Brancion, Le Livre jaune d’Andréas Unterweger est un livre dont j’aimerais pouvoir rendre compte de façon attentive et détaillée. Tant chez lui intelligence et sensibilité, simplicité et profondeur, imaginaire et réalité, rigueur et émotion s’y retrouvent intimement liés. Dans une évocation du bonheur et de l’enfance qui sous ses dehors de conte poétique, ne se montre jamais niaise et touche même aux plus philosophiques questions. Qu’on en juge à travers l’un de ses chapitres qui nous montre les 7 jeunes garçons de la maison jaune, tout au milieu des champs jaunes, éprouver la pluie qui tombe sur leur territoire d’été.
On appréciera tout particulièrement, outre la belle traduction à laquelle est parvenue Laurent Cassagnau, le jeu singulier et particulièrement subtil des italiques et du passage à la ligne.


 
Sous l'auvent


Il n'y avait rien de plus beau que d'être assis sous l'auvent quand la pluie tambourinait sur son toit, ruisselait depuis la bordure du toit, qu'un jet d'eau tombait de la gouttière juste à côté de l'arrosoir (qui était toujours au mauvais endroit). Les buissons clapotaient (comme des ruisseaux), le sapin grondait (une cascade ?), et dans les « peupliers gigoteurs », — comme Castor appelait l'alignement de peupliers trembles, de bouleaux et de saules sur l'autre rive —, bruissait, ondulait en vagues hautes comme des arbres : la mer. Il n'y avait rien de plus beau que d'être assis sous l'auvent quand il pleuvait, comme maintenant, et de penser aux écureuils qui, quelque part tout en haut, dans leur hotte de haute mer, se balançaient, ou de s'imaginer qu'on en était un soi-même... C'était d'autant plus regrettable

qu'en vérité— c'est-à-dire : sous cet auvent qui menait au palais des rêves, sous lequel aussi se déroulait, à l'époque, dans le pays jaune, la majorité de nos aventures - , cela ne se réalisa jamais. Certes, la pluie tambourinait réellement  sur l'auvent, une authentique eau fouettait ses planches, il se soulevait et s'abaissait avec vue sur les cimes qui tanguaient, comme une vraie proue de bateau — mais nous, les garçons, n'étions pas assis dedans. Au lieu de cela, occupant toutes les places et bouchant la vue, même sur les vagues gigantesques, se dressait le tas que formait notre équipement de marins (le radeau en bouchons de liège, deux bateaux faits de chambres à air de vélo, sept pagaies en lattes de sommier), que depuis trois étés déjà nous avions promis de débarrasser « bientôt, bientôt », et que Grand-Père, — « dommage, dommage »,

se lamentait Castor—, n'avait toujours pas rangé dans la remise... En réalité donc, — à quelque moment qu'il plût — nous n'étions pas du tout assis devant, sous l'auvent mais derrière, sur le seuil de la porte d'entrée et nous regardions fixement sous l'auvent — et à travers la pluie, dont certes on n'attrapait guère plus qu'ici ou là une petite goutte qui roulait sur une pagaie poussiéreuse... Comme cela devait être agréable, à présent, sous la pluie, d'être réellement assis devant, quelle sensation cela devait procurer quand une authentique écume giclait sur un véritable pont, quand les voiles en toiles d'araignées se gonflaient, que l'auvent s'enfonçait dans Ie creux d'une vague — nous ne pouvions : qu'en rêver. « Et c'est précisément la raison pour laquelle" soupira Castor « c'est si beau... »

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