C’est un livre vraiment qui m’aura
enchanté, en cette période où, plongé dans la lecture de divers essais qui je l'espère me
feront mieux comprendre certains des grands problèmes que soulèvent la marche et
l’organisation du monde, j’ai laissé s’accumuler sans trouver le temps d’en
parler et parfois même de les lire – et je m’en excuse bien sincèrement - la plupart des ouvrages de poésie que leurs
auteurs m’ont adressés.
Ouvrage inaugural d’une nouvelle
collection dirigée chez LansKine par Paul de Brancion, Le Livre jaune d’Andréas Unterweger est un livre dont j’aimerais pouvoir rendre
compte de façon attentive et détaillée. Tant chez lui intelligence et
sensibilité, simplicité et profondeur, imaginaire et réalité, rigueur et
émotion s’y retrouvent intimement liés. Dans une évocation du bonheur et de l’enfance
qui sous ses dehors de conte poétique, ne se montre jamais niaise et touche
même aux plus philosophiques questions. Qu’on en juge à travers l’un de ses
chapitres qui nous montre les 7 jeunes garçons de la maison jaune, tout au
milieu des champs jaunes, éprouver la pluie qui tombe sur leur territoire d’été.
On appréciera tout particulièrement, outre
la belle traduction à laquelle est parvenue Laurent Cassagnau, le jeu singulier
et particulièrement subtil des italiques et du passage à la ligne.
Sous
l'auvent
Il n'y avait rien de plus beau que d'être
assis sous l'auvent quand la pluie tambourinait sur son toit, ruisselait depuis
la bordure du toit, qu'un jet d'eau tombait de la gouttière juste à côté de l'arrosoir (qui était toujours
au mauvais endroit). Les buissons clapotaient (comme des ruisseaux), le sapin
grondait (une cascade ?), et dans les « peupliers gigoteurs », — comme Castor
appelait l'alignement de peupliers trembles, de bouleaux et de saules sur
l'autre rive —, bruissait, ondulait en vagues hautes comme des arbres : la mer.
Il n'y avait rien de plus beau que d'être assis sous l'auvent quand il
pleuvait, comme maintenant, et de penser aux écureuils qui, quelque part tout
en haut, dans leur hotte de haute mer, se balançaient, ou de s'imaginer
qu'on en était un soi-même... C'était d'autant plus regrettable
qu'en
vérité— c'est-à-dire : sous cet auvent qui menait au palais des rêves, sous
lequel aussi se déroulait, à l'époque, dans le pays jaune, la majorité de nos
aventures - , cela ne se réalisa jamais. Certes, la pluie tambourinait réellement sur l'auvent, une authentique eau
fouettait ses planches, il se soulevait et s'abaissait avec vue sur les cimes
qui tanguaient, comme une vraie proue de bateau — mais nous, les
garçons, n'étions pas assis dedans. Au lieu de cela, occupant toutes les
places et bouchant la vue, même sur les vagues gigantesques, se dressait le tas
que formait notre équipement de marins (le radeau en bouchons de liège, deux
bateaux faits de chambres à air de vélo, sept pagaies en lattes de sommier),
que depuis trois étés déjà nous avions promis de débarrasser « bientôt, bientôt
», et que Grand-Père, — « dommage, dommage »,
se lamentait Castor—, n'avait toujours pas
rangé dans la remise... En réalité donc, — à quelque moment qu'il plût —
nous n'étions pas du tout assis devant, sous l'auvent mais derrière, sur le
seuil de la porte d'entrée et nous regardions fixement sous l'auvent — et à
travers la pluie, dont certes on n'attrapait guère plus qu'ici ou là une petite
goutte qui roulait sur une pagaie poussiéreuse... Comme cela devait être
agréable, à présent, sous la pluie, d'être réellement assis devant,
quelle sensation cela devait procurer quand une authentique écume
giclait sur un véritable pont, quand les voiles en toiles d'araignées se
gonflaient, que l'auvent s'enfonçait dans Ie creux d'une vague — nous ne
pouvions : qu'en rêver. « Et c'est précisément la raison pour laquelle"
soupira Castor « c'est si beau... »
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