Florent Toniello, apparemment, est un homme riche. Riche de
mots. De phrases. De rencontres. De culture. De territoires parcourus. Riche
aussi de musique, à propos de laquelle il plaint ceux qui, dans cet univers anxiogène
qui est bien vraiment le nôtre, « ne
peuvent entendre dans leur tête, sans les béquilles d’un haut-parleur et d’un
interprète, la LUMINEUSE CONSOLATION DES NOTES ». C’est dire que dans
son rapport au monde, si tout passe d’abord par le sensible, c’est bien en
dernier ressort à l’esprit, qu’il appartient de donner sens et voix à ce qui de
partout nous déborde : ce réel dont un long poème extrait de Lorsque je serai chevalier, nous décrit
l’invasif et sauvage surgissement.
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
vendredi 14 décembre 2018
jeudi 29 novembre 2018
MIROIR DE LA POÉSIE. LA GAUFRE VAGABONDE DE JACQUES DARRAS.
« Cuisiniers de
l’image » c’est ainsi que Jacques Darras qualifie les poètes, dans le
merveilleux petit ouvrage qu’il consacre aujourd’hui à la gaufre. La gaufre,
comme il dit, vagabonde. Sa gaufre
pourrait-on dire aussi, de paroles, si l’on ne craignait avec ce clin
d’œil à la figue de Francis Ponge, cet ancien normand retiré sur les hauteurs
du Bar-sur-Loup (Alpes maritimes), de défigurer, courant d’emblée au Sud, à ses
vins, ses huiles et ses à-plats solaires, le puissant imaginaire du blanc, du
beurre, de la levure et de la bière, tout cet imaginaire convaincu d’Européen
du Nord, qui depuis si longtemps anime notre auteur.
samedi 24 novembre 2018
L’EXPÉRIENCE DE LA FORÊT.
À Marco Martella
Il est difficile d’éviter
les distinctions et les conclusions
si agréable d’entrer
dans un espace dégagé
des courants d’opinion
et du poids de l’existence personnelle
un espace où moins l’on parle
plus l’on dit
Kenneth WHITE
Tractatus cosmopoeticus, in Un monde
ouvert.
La forêt se trouve peu présente
dans ce que j’ai pu jusqu’ici écrire. Je n’en retrouve en tout cas que fort peu
de mention dans des textes anciens.
Cela me semble d’autant plus
étrange qu’avançant dans la reconnaissance d’un réel échappant à nos soucis de
définitions et de contrôle, je vois bien que la forêt qui se refuse à se
laisser appréhender partout comme paysage, qui excède toujours l’œil, déroute
tout particulièrement l’ouïe et nous déborde de ses inattendus touchers,
constitue sans doute le milieu qui permet le mieux d’éprouver physiquement, sensoriellement, cet impensable du monde
que les logiques réductrices et tellement morcelantes de l’école et de
l’intellectualisme dans lequel j’ai été éduqué mais qu’aujourd’hui je combats, m’ont
si peu préparé à découvrir dans les choses.
Oui, l’expérience de la forêt qui
oblige à l’écoute inquiète, à une permanente tension de l’esprit vers l’invisible,
le hors-champ - tant ce que l’on perçoit à cet instant de présences,
craquements, frôlements, chuchotis, chants d’oiseaux, bruits lointains
corrigés, diffractés, par l’acoustique propre des bois, échappe aux prises
ordinaires et ordonnatrices de la vision qui bute là sur l’opacité d’une
végétation de premier plan qui enserre - aurait pu devenir pour moi comme elle
le fut pour un certain nombre d’artistes dont le beau livre intitulé La Forêt sonore, récemment paru chez
Champ Vallon explore un certain nombre de réalisations significatives, la voie
par laquelle j’aurais pu me défaire de l’idéal de clarté et de soumission
perspective par quoi passait toute représentation supérieure et significative
de nos fuyantes et prétendues réalités.
vendredi 23 novembre 2018
mardi 20 novembre 2018
LIRE. EXISTER. TIGRES. LAPINS. CÉCILE COULON, MARLÈNE TISSOT ET HENRI MICHAUX.
Lecteurs, vivants acteurs de la chaîne du livre bien qu’en
principe anonymes destinataires de ce dernier, nous avons, comme très souvent
je le répète, une responsabilité. Et comme aussi l’écrit Virginia Woolf, une
grande importance. « Les critères
que nous posons et les jugements que nous portons [précise-t-elle dans
l’Art du Roman] s’insinuent dans l’air et deviennent partie de
l’atmosphère que respirent les écrivains en travaillant. Une influence est
créée, qui les marque, même si elle ne trouve jamais son expression imprimée.
Et cette influence, si elle est bien préparée, vigoureuse, personnelle,
sincère, pourrait être de grande valeur aujourd’hui, quand la critique se
trouve par la force des choses en suspens, quand les livres défilent comme une
procession d’animaux dans une baraque de tir et que le critique n’a qu’une
seconde pour charger, viser, tirer, bien pardonnable s’il prend un lapin pour
un tigre, un aigle pour une volaille, ou manque son but et perd son coup contre
quelque pacifique vache qui paît dans le champ voisin."
Des critiques qui prennent un lapin pour un tigre, nous n’en
manquons point. Principalement aujourd’hui sur le net. Où une part importante
de la poésie se troque. S’échange. Fait un peu parler d’elle du fait de l’espace
que lui laisse la criante indifférence des medias naturellement préoccupés
d’objets plus rentables. C’est que les dits-lapins sont à l’évidence plus
nombreux que les tigres. Les volailles que les aigles.
jeudi 15 novembre 2018
JE NEIGE [ENTRE LES MOTS DE VILLON] DE LAURE GAUTHIER AUX ÉDITIONS LANSKINE.
Dans quoi se donne l’être ? Et comment, pauvres humains
dotés de langue et de parole, répondons-nous à cet appel que nous sentons venir
des choses comme de l’intérieur de nous. Il y a beau temps que nous ne croyons
plus au pouvoir merveilleux des mots, à celui plus compliqué de la nomination,
pour y enclore à coup sûr ce que nous sentons bien maintenant qui toujours leur
échappe : cette présence, cette évidence à la fois intellectuelle et
sensible qui est pour nous la marque d’une existence reconnue. Dans sa chair.
Et qui touche.
Je ne sais ce qu’est en soi une parole vivante. Il est
toujours plus aisé de repérer les paroles absentes. Absentes de leur sujet. De
leur projet. Du mouvement ou de la dynamique par quoi elles sont supposées être
portées. Et quant à ramener ces paroles vivantes, celles le plus souvent des
auteurs qu’on admire et se répète sans trop chercher toujours à les comprendre,
à des raisons supposées éclairantes, qu’on pourrait alors partager, c’est une
tâche qui pour m’avoir été longtemps imposée, ne m’est pas devenue plus aisée.
Bien au contraire.
jeudi 8 novembre 2018
RENDRE HOMMAGE ! LA BALLADE À TIBIAS ROMPUS DE RENÉ DALIZE.
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Il était le plus
ancien des camarades de Guillaume Apollinaire. Poète mais aussi artilleur
durant la première guerre mondiale, c’est sur le plateau de Californie,
au-dessus de Craonne, au cours de la célèbre offensive Nivelle, qu’il fut tout
d’abord blessé avant d’être mortellement touché par un obus. Enterré à la hâte,
sa tombe fut ensuite vraisemblablement pulvérisée par les tirs de ces minnenwerfer ou mortiers de tranchée,
appelés crapouillots par les
français, qu’il évoque dans ce poème prémonitoire qu’il fit paraître dans une
petite revue du front, Les Imberbes, réalisée avec Jean Le Roy et dans laquelle fut accueilli le célèbre texte de Guillaume
Apollinaire, Du Coton dans les oreilles.
Il nous a paru important de porter à la connaissance d’un
plus large public, principalement aussi celui des jeunes des écoles, cette Ballade à tibias rompus où Dalize met
des paroles fortes et impressionnantes sur les terribles réalités du front au
contact desquelles il se trouve. La saisissante prosopopée par laquelle il raconte
de l’intérieur le devenir du cadavre d’un soldat allemand sur le champ de
bataille et lui fait exprimer le regret de son existence perdue tourne le dos
comme l’écrit Laurence Campa dans Poètes
de la Grande Guerre « aux
impératifs du réalisme testimonial » pour se présenter « comme une danse macabre qui entraîne dans sa
pantomime toute une tradition littéraire, en mêlant les registres élégiaque et
humoristique, les décalages rythmiques, les dissonances et la mélodie lyrique,
les archaïsmes et le lexique de la guerre moderne». On y retrouvera des
échos de Villon, bien sûr, comme ceux d’Une
Charogne de Charles Baudelaire ou des Complaintes
de Jules Laforgue. Avec en plus une vision totalement désabusée d’un ordre du
monde où n’existe même plus la rassurante imagination d’un repos éternel. Où
les morts mêmes restent en butte à la folie destructrice qui s’est emparée des
hommes et où comme le remarque encore Laurence Campa, les bons vents auxquels
notre poète a emprunté son pseudonyme, Dalize*, « lui infligent un inconfort ultime et dérisoire » sous forme d’éternuement
provoqué par un coryza.
* Dalize s’appelait en réalité Dupuy. Il s’était engagé
avant la guerre dans la marine et comme l’écrit Salmon dans le texte qu’il lui consacra après sa mort, « Il s'était choisi ce pseudonyme de Dalize par allusion
à des vents favorables », les alizées.
mercredi 7 novembre 2018
LES ÉDITIONS LD RÉÉDITENT COMPRIS DANS LE PAYSAGE.
Paru en 2010 chez Potentille,
un de ces éditeurs dont on ne dira jamais assez ce qu’on leur doit pour
continuer, envers et contre tout, à faire un peu reconnaître dans l’espace de
nos sociétés ces travaux singuliers de parole, appliqués non seulement à
élargir comme à approfondir les possibilités de la langue commune mais à
résister comme ils peuvent aux divers formatages dont notre existence fait aujourd’hui
de plus en plus l’objet, Compris dans le
paysage, ce long poème dont je dis volontiers que c’est avec lui que j’ai
enfin compris ce qu’était pour moi la poésie, reparaît sous une autre forme et
sans doute avec de nouvelles significations, aux éditions LD.
vendredi 2 novembre 2018
jeudi 18 octobre 2018
APOLLINAIRE ET LA GUERRE. UNE POÉSIE CONTROVERSÉE.
CLIQUER POUR OUVRIR LE DOSSIER COMPLET |
« Apollinaire depuis 2 mois
rumine les cadavres avec Robert, tout le détail hideux des souffrances de
guerre, la famine des camps, le froid dans la boue glacée des tranchées. Il «en
met», il en ajoute — peut-on en ajouter ? Il n'en veut pas être retiré consolé.
Deux mois qu’il barbote dans l'horreur avec Robert, au point que je le blâme de
ne vouloir considérer que la souffrance physique et d'y plonger sans trêve. »
mercredi 17 octobre 2018
RENDRE HOMMAGE ! JEAN LE ROY, POÈTE.
CLIQUER DANS L'IMAGE POUR DECOUVRIR DES POEMES DE JEAN LE ROY. |
On doit à l’amitié de Jean Cocteau, qui avait fait sa
connaissance à Paris en 1917 par Apollinaire, de ne pas avoir totalement perdu
la mémoire de ce jeune et prometteur poète qu’une balle abattit à la tête de sa
section de mitrailleuse alors qu’il se trouvait sur le front belge non loin de
l’actuelle Résidence d’écrivains du Mont-Noir à Saint-Jans-Cappel.
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