Florent Toniello, apparemment, est un homme riche. Riche de
mots. De phrases. De rencontres. De culture. De territoires parcourus. Riche
aussi de musique, à propos de laquelle il plaint ceux qui, dans cet univers anxiogène
qui est bien vraiment le nôtre, « ne
peuvent entendre dans leur tête, sans les béquilles d’un haut-parleur et d’un
interprète, la LUMINEUSE CONSOLATION DES NOTES ». C’est dire que dans
son rapport au monde, si tout passe d’abord par le sensible, c’est bien en
dernier ressort à l’esprit, qu’il appartient de donner sens et voix à ce qui de
partout nous déborde : ce réel dont un long poème extrait de Lorsque je serai chevalier, nous décrit
l’invasif et sauvage surgissement.
Plongé dans ce réel, l’esprit peut aussi bien s’y sentir
étouffé, emprisonné comme PTÉRODACTYLE EN
CAGE, reproduisant ses enfermements dans les formes contraintes d’une
poésie corsetée qui donne par exemple l’intéressante succession de vers
enchâssés dans des acrostiches, rassemblée dans APOTROPAÏQUE, que s’y découvrir l’aptitude de s’y déplacer comme
poisson dans l’eau. Et qu’importe que la mer soit devenue ce qu’elle est,
poubelle où « se sont désintégrés
les bouteilles les emballages les filets les masses noires les transparences
les rebuts », l’esprit, dans les plus amples compositions qu’il se met
alors à créer, « nage au travers des
prismes qui transforment la lumière en spectacle irisé ».
Car la poésie de Florent Toniello si elle produit bien à
première lecture une impression de disparate est toute entière à comprendre
dans cette double perspective : du resserrement de l’esprit dans un monde
qui, de tous horizons, l’assaille et du pouvoir de libération que lui confère
ce que nous appelons ses capacités poétiques.
C’est ainsi que s’il fait entrer dans ses vers ou ses
proses, toute une évidente crudité des choses qui disent, sans qu’il soit
besoin de trop s’interroger, « la
dureté des temps » qui est celle de nos sociétés égoïstes et avides,
Florent Toniello ne tente pas de refléter pour reproduire ; il dresse en
fait, par-dessus l’opacité menaçante qui l’entoure, ses petits miradors de
pensée ou pour rester dans l’esprit musical qui est le sien, élève à partir des
éléments hétéroclites que ses sens et son intelligence prélèvent un peu partout
dans le monde, ses barricades
mystérieuses.
Préférant, « telle
une oiselle orpheline au nid abandonné & glacial » pépier ses vers
« plutôt que de les avaler crus ».
Cela donne une poésie toute en figures, et bonds et
déplacements que d’aucuns jugeront à l’occasion quelque peu surréaliste mais qui
ne paraîtra totalement déroutante, qu’à ceux, certes de plus en plus nombreux,
qui ne la voient que comme message ou discours, partageable dans la fausse
clarté des formules attendues et des postures à la mode. Dans une langue le
plus souvent réduite à quelques effets de surface sensée lui rallier le
troupeau imbécile.
La poésie de Florent Toniello, elle, est à mille lieux de ce
genre de connivences. C’est une poésie riche, étonnante, mariant de subtiles et
pénétrantes saveurs. Qu’on voudrait peut-être parfois voir se montrer plus
directe et moins quintessenciée. Certes.
Surtout quand elle dit par exemple, notre misère commune. Notre solitude. Mais
aussi ces angoisses et ces frustrations d’européen du nord.
À la vie, comme il
l’écrit, tranquille et sans histoire. Mais non sans intelligence. Et grande
sensibilité.
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