Je me suis promis de ne pas laisser passer la fin de l’année
sans au moins signaler l’intérêt que présente à mes yeux la nouvelle petite
collection que l’éditeur quelque peu dysorthographique de la Boucherie littéraire, Antoine Gallardo, a tenu, par souci, cette fois, de
cohérence métaphorique, à nommer Carné
poétique. Ces Carnés, nous
prévient-il étant constitués « de la
viande des auteurs et des lecteurs souvent écrivants eux-mêmes ».
La belle idée est, ici, de proposer, à l’amateur qui aime à
consigner ses pensées ou les notes qui les précèdent, dans de beaux carnets
faits pour être classés et conservés, un espace d’une quarantaine de pages n’attendant
que d’être couvert de sa propre écriture tout en l’accompagnant d’une sorte de
cahier central qui propose les textes d’un auteur choisi pour son caractère
inspirant. Ainsi se trouve, pour moi, comme matérialisée, cette idée
essentielle qui veut que lecture et écriture puissent, dans une démarche liée,
apparaître comme une forme supérieurement élaborée d’ouverture à tout ce qui du
monde a besoin de parole.
Depuis quelques années, Antoine Gallardo tend à travers son
engagement quasi-total au service du livre et des auteurs qu’il publie, à
élargir le rayonnement d’une poésie qui, non seulement, soit en prise sur les
réalités d’aujourd’hui mais soit aussi mise à la portée d’un plus grand nombre.
S’efforçant, en particulier, de la sortir de l’espace chichement mesuré qu’on
lui octroie d’ordinaire pour que lui soit accordé la place qui devrait lui
revenir si les media littéraires jouaient vraiment leur rôle, non plus de
caisse de résonance des produits de grande consommation mais de découvreurs
avertis, réellement singuliers et pluriels, Antoine Gallardo sillonne
régulièrement les grandes et petites routes de la province française pour
placer ses ouvrages auprès de libraires éclairés. Et il semble bien, si l’on en
croit les nouvelles que régulièrement il en donne sur le net, que cela porte
ses fruits.
J’imagine aisément que cet obstiné mais sympathique
démarchage ne va pas sans de nombreux sacrifices. Dont j’espère que les auteurs
dont il élargit ainsi sensiblement l’audience lui tiennent chaleureusement gré.
D’autant que les productions de la Boucherie
littéraire, comme peut-être leur intitulé ne le fait pas directement
entendre, sont toujours des plus soignées avec un choix étudié de formats, de
couleurs, de matières. Et des tirages qui pour la poésie sont relativement
ambitieux.
J’aurais bien, cela dit, écrit quelques mots sur les Notes de bois de Thomas Vinau qui, avec
les Cent lignes à un amant de Laure
Anders, constituent l’une des toutes premières réalisations de cette
sympathique collection dont je parlais au départ. Mais j’aurais sûrement
l’occasion de revenir à ce poète à la fois profond et lumineux, que j’espère
bien intégrer à l’une des toutes prochaines éditions du Prix des Découvreurs pour le faire aussi connaître à ces jeunes des
écoles auxquels nous nous adressons comme au public de demain qui peut-être
posera un regard neuf, plus curieux que celui d’aujourd’hui, sur la poésie de
son temps.
Mais, une fois n’est pas coutume, restons sur la rare
personnalité de notre éditeur : il est bon de savoir aussi honorer ces
femmes et ces hommes généreux dont l’essentiel talent, trop souvent négligé, consiste à savoir mettre au jour,
accompagner et diffuser dans sa meilleure lumière, la création des autres. Ils sont
comme les Saint-Christophe de l’art. Ce qui pour ce grand gaillard qu’est aussi
Gallardo ne me paraît, somme toute, pas être une si déraisonnable ou arbitraire
comparaison.
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