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On doit à l’amitié de Jean Cocteau, qui avait fait sa
connaissance à Paris en 1917 par Apollinaire, de ne pas avoir totalement perdu
la mémoire de ce jeune et prometteur poète qu’une balle abattit à la tête de sa
section de mitrailleuse alors qu’il se trouvait sur le front belge non loin de
l’actuelle Résidence d’écrivains du Mont-Noir à Saint-Jans-Cappel.
Composé de «poëmes inédits trouvés dans sa cantine» selon l’expression consacrée de l’époque, son recueil posthume, Le Cavalier de frise, achevé d’imprimer le 1er août 1928, doit en effet tout à l’amicale fidélité de Cocteau qui en organisa les textes, les dota d’une forte préface et s’attacha le concours d’un éditeur de talent, François Bernouard, le même qui en 1918 publia l’extraordinaire texte de Cendrars, J’ai tué, accompagné de cinq dessins de Fernand Léger.
Ce recueil aujourd’hui, n’a plus guère d’existence qu’aux yeux de quelques
bibliophiles ou quelques historiens de la littérature tant il est vrai que nous
ne pouvons humainement pas toujours nous intéresser à toutes les oeuvres que
les démentielles tueries perpétrées par la Grande Guerre auront étouffées dans
l’oeuf.
Peut-être, cependant, qu’en faisant l’effort de considérer à travers quelques-uns de ses textes, l’imaginaire d’un poète que les puissances destructrices auxquelles il fut confronté, n’empêchèrent pas, tant qu’il vécut, de leur opposer la volonté créatrice d’une personnalité tournée toujours vers les ressources inépuisables de la parole et la célébration désolée de la vie, pouvons-nous mieux approcher ce scandale absolu qu’est le meurtre de masse organisé par des États «hautement civilisés».
Et peut-être également, ainsi que nous y invite Laurence
Campa dans un chapitre de son ouvrage, Poètes
de la Grande Guerre, que la lecture que nous ferons de ces poèmes, saura,
comme elle en a l’irremplaçable pouvoir, redonner un certain éclat de vie à son
si jeune et malheureux auteur. Dans la chaleur d’une attention rendue compatissante
et bien consciente aussi du caractère irréparable de ce qui fut ici
rompu.
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