mardi 27 août 2024

RENTRÉE 2024-25 AVEC RAFALES DE BÉATRICE MACHET ET NOS NOUVEAUX PARTAGES.


Terme mis en juin dernier à notre longue et belle aventure du Prix des Découvreurs, nous sommes aujourd’hui heureux de proposer à la découverte ces Rafales que la poète et traductrice Béatrice Machet a récemment publiées aux éditions LansKine.

lundi 8 juillet 2024

PAUL LES OISEAUX (PORTRAIT) D'ERWANN ROUGÉ AUX EDITIONS ISABELLE SAUVAGE.


 EXTRAIT 

Il se tient là pieds nus

un fil de bave sur la joue

 

Regarde    avec le vertige

le glissement des vagues

la respiration des herbes sur la dune

jeudi 4 juillet 2024

RECOMMANDATION DECOUVREURS. AUSSI BAS QUE LES FLEURS DE DENISE LE DANTEC CHEZ UNICITE.


 

Depuis que je l’ai découverte, il y a maintenant plusieurs années, je suis et demeure un inconditionnel de la poésie de Denise Le Dantec. Son tout dernier livre ne fait que me conforter dans l’idée que nous avons bien avec elle, comme je l’écrivais dans la note de lecture que j’ai consacrée à La Poésie est sur la table, paru l’an passé aux mêmes éditions Unicité, une de nos voix poétiques les plus intéressantes et les plus humainement stimulantes du temps : « une poésie qui n’a que faire des simplismes, des intellectualismes, des formalismes, des platitudes, des renoncements ou des vulgarités contemporaines, mais qui, parfaitement au fait de tous les questionnements et de toutes les libertés qui auront marqué l’histoire poétique des cent dernières années, continue de porter au plus haut un désir de parole totalement ouvert sur le monde dans toute sa beauté comme dans sa non moins fondamentale monstruosité. »

jeudi 27 juin 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. SIGNES DES TEMPS DE CHRISTOPHE MANON CHEZ HÉROS-LIMITE.

"Comme la lumière comme souvent le soir comme elle décline et s’estompe puis vient la nuit, c’est tout comme. Ou comme s’il y avait eux, il y avait toi, il y avait nous, il y avait lui et elle, et nous étions tous si tangibles, comme vêtus de rêve et changeant sans cesse de forme, et comme opulents, comme manifestes, tournant à une vitesse vertigineuse sous un vieux ciel de rouille, et tout cela était d’une douceur infinie. Comme des corps vaincus, comme des corps triomphants, comme étendus ensemble et semblables sur le sable, heureux peut- être à regarder la mer. Et le ressac des vagues. Ou bien était-ce du désir. Ou le vaste espace qui soudain s’ouvrait puis se refermait. Comme si cela pouvait avoir de l’importance. C’est bien cela, oui, c’est cela qui nous fut demandé. « Ici plus qu’ailleurs, l’homme peut contempler avec effroi l’abîme de misère où l’esprit de violence et la primauté de la force l’ont précipité. » Mais pitié, dit-elle, pitié. Pitié, pour la perte des roses. Un deux trois et quatre et encore un c’est toujours assez, c’est assez mais trop vite. Mais ce n’est pas un lieu, ou si peu. À se serrer les uns contre les autres. À jouer à cache-cache. À rire aux éclats et hurler et chanter et se déhancher et se divertir et tout cela pourquoi ? Pourquoi ? Oh pourquoi ? Et comment faire face ? Comment de tout cela faire signe ? Marchant vers de nouveaux soleils, toujours plus grands, plus grands encore, et ce n’est pas fini. Car jamais, non jamais nous ne sommes las. Tes lèvres sur ma peau. Qu’est-ce sinon danse de particules ? Une présence qui n’est peut-être pas une illusion. Ni songe ni vapeur. Où nichent précisément les morts en leur juste savoir. Un avion. Un chien. Un baiser. Un tracteur. De vieilles carcasses rouillées au bout des rangs de vigne. Un baiser. Un kilo de patates. Un dimanche. Un trèfle à quatre feuilles. Un lapin doux assez pour apaiser la peur. Et usines et machines et moteurs et solides c’est penser aussi. Et de faire les foins, de récolter les moissons, et ce n’est rien, sois sage, sois sage s’il te plaît. À sécher les larmes. Et quoi d’autre ? C’est le son de ta voix qui m’émeut. Sous toutes les coutures. La rage. La rage est le luxe authentique d’une splendeur infiniment ruinée mais qui sait le prix d’une émotion partagée et rien d’autre, rien d’autre et davantage. À se pendre à ton cou. Voici si longtemps que j’existe, je ne peux rien oublier. Si tu n’as pas la tête à ça. Rouge. Rouge et noir, la bannière des possibles. Que loué soit l’instant où d’un élan soudain tu me pris par la main. C’est bien là la bonne mesure. Maman, c’est toi, c’est bien toi, maman, c’est toi ? Qu’à présent nous avons soif. Qu’ils se nourrissent d’insectes et de limaces. Qu’elles n’ont pas froid aux yeux. Qu’assurément cela te plaît si maintenant je jouis. Ici pas plus qu’ailleurs. Prédateurs et proies. Leur mince espoir de ne pas disparaître. Leur immense espoir de ne pas disparaître. Maintenant qui n’est pas maintenant maintenant. On parvient à se retrouver dans une grande confusion. Si le temps le permet. Un crapaud, un oiseau petit, très petit ou seulement petit. Et merci, merci pour les voici. Que sont-ils devenus ? Est-ce que je sais ? À quel âge ? Où cela nous mènera-t-il ? À quoi ça rime ? Qu’en dis-tu ? Nous sommes en septembre, nous sommes en octobre, en novembre, en décembre, en janvier, nous sommes en février. Des morts, tant de morts, ensevelis sans funérailles. À perdre la face. Le monde ancien toujours refait surface."

 

« Voici si longtemps que j’existe, je ne peux rien oublier », confie dans son dernier ouvrage  Christophe Manon qui réalise par ailleurs que « toute chose, toute chose en cache une autre. Toute chose en cache une autre. » De là sans doute cette façon pour lui de se souvenir[1], de faire signes des temps, sans chercher à en effacer la confusion, dans une succession de proses qui tiennent de la danse des particules[2] ou du vol en apparence erratique des oiseaux[3].

samedi 22 juin 2024

DU CÔTÉ DE CHEZ FAURE. LIRE SÉRIES PARISIENNES D'ETIENNE FAURE CHEZ GALLIMARD.


 

Ceux qui suivent régulièrement notre blog savent que nous apprécions depuis longtemps l’œuvre d’Etienne Faure. Nous le retrouvons avec plaisir dans la suite de ses 16 Séries parisiennes, sous-titrées Vues de quartier où fidèle à ses habitudes il entraîne, à différentes allures de phrase et de pensée, son lecteur. Ici Côté Seine, là Côté rue avant de passer Côté cour, puis ciels, puis sol et même Côté mains et de repartir Côté bar et chambre et cage et parc et gare… sans oublier ce Côté voix où sont rassemblées des évocations de Follain, Guillevic, Réda, Stéfan, Goffette et Vaché.  Comme toujours, le pittoresque de la notation passe par un travail de syntaxe qui tient de l’orfévrerie sans que cette attention constante au rythme, à la puissance aussi d’évocation du mot, ne bride la sensibilité. Le vif l’emporte même s’il faut parler des morts. Du disparu. Allez ! Ces Séries parisiennes qui se développent à la rencontre du circonstanciel et de l’intemporel d’exister, de l’humain, trop humain et de tout ce qui, sous lui, sur lui, à ses côtés ou loin, le déborde, sont encore une réussite.

DEUX EXTRAITS DE CÔTÉ GARE

Les ombres transies font cercle autour d'une chaufferette, apaches plantés au cœur de la gare, plein nord, offrant les mains à l'âtre, au bon feu qui projette, électrique, sur les peaux rouges la paix d'une flamme fixe.

Statique autant qu'un arbre adossé, je rêve, attendant l'autre — replonge le nez dans un livre inodore, elle ne vient pas ou alors rien, prenant racine des yeux dans l'incessant mouvement des corps vitement qui se croisent — les jours sont brefs — par-dessous, par-dessus les dalles, à tout âge issus du sol, hissés dans les trains, pour regagner par voie de surface un peu le jour.

devant l'âtre électrique

 

Bon, ce n'est pas tout d'avaler le noir au matin l'un dans l'autre, il va falloir affronter le jour et renouer de la main ce que la nuit délace : bonjour, s'enfler d'entrain, de transports cheveux triés, peau désherbée, œil de rechange, entrer, sortir de la ville par la gare, emprunter le passage souterrain puis resurgir, traits tirés, tête en transit.

La lente fourmilière abandonne le sang des jambes, demain nous guide à froid sur les trottoirs qui s'échauffent au soleil du matin, soleil, levain des foules.

la ruée vers l’ordre

vendredi 21 juin 2024

POÉSIE, CINÉMA, ROMAN. LIRE LE DOUBLE ÉTÉ D’ARIANE DREYFUS AUX ÉDITIONS DU CASTOR ASTRAL.


 

Comme l’écrit le poète Stéphane Bouquet dans une rapide note de lecture publiée dans EAN (En Attendant Nadeau) « ce n’est pas la première fois, loin de là, qu’Ariane Dreyfus s’inspire d’un film ou d’une danse pour les redire en poème. Mais ce livre porte cette stratégie d’écriture à son amplitude maximale, se servant du film de Mikhaël Hers comme d’un tremplin imaginaire, suivant à sa façon la souffrance, le deuil et la joie des personnages qu’elle mêle à sa propre vie (le goût du piano ou l’amour des chats) ou encore à d’autres films, d’autres danses. Tout cela se fait avec une telle empathie que cette suite de poèmes flirte à sa façon avec le roman. On lit pour aimer la langue mais aussi pour savoir la suite et la joie, la joie qui revient toujours. »

 

mercredi 19 juin 2024

DÉCOUVREZ NOS NOUVEAUX PARTAGES AVEC PRENDRE LA MER DE SABINE HUYNH AUX ÉDITIONS BRUNO DOUCEY.

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Heureux de présenter aujourd’hui la nouvelle formule de nos anciens pARTages. Inspiré par le recueil de la poète et traductrice Sabine Huynh, Prendre la mer, ce numéro consacré à la question des migrants océaniques part de l’évocation faite par cet auteur de l’expérience de milliers de vietnamiens qui auront traversé les mers, mer de Chine, des Philippines, océan Pacifique pour se réfugier au Canada entre la fin des années 70 et le début des années 80.

mardi 18 juin 2024

UN JOURNAL DE CRISE PAS TOUT À FAIT COMME LES AUTRES. AU FAIT & AU PRENDRE DE JEAN-PASCAL DUBOST CHEZ TARABUSTE.


 

Il est ce qu’on pourrait appeler l’un de nos plus prodigues et aventureux logophiles, pour ne pas dire logolâtres. Depuis des décennies, Jean-Pascal Dubost s’ingénie, puisant à quantités de réserves verbales, force même étant présumées mortes, à tenter d’insuffler vie à d’ébouriffants objets de langue dont les matières par lui mâtinées, empiécées, recousues, surfilées, s’attachent au finir, à figurer le monde sans en passer par les communes illusions des parlages plus ou moins mal partagés du moment.

vendredi 14 juin 2024

IMAGES QUI NE ME LAISSENT PAS DORMIR. LE REPOS DURANT LA FUITE EN EGYPTE DE JOACHIM PATINIR DU MUSÉE DU PRADO.

 

Dans les belles compositions de Patinir où j’aime depuis très longtemps me perdre, il n’y a pas que le paysage qui compte. Conformément d’ailleurs à l’esprit de l’époque, il reste essentiellement le cadre privilégié d’une narration dont il importe de savoir remarquer les divers éléments pour rendre davantage justice à l’artiste qu’il fut qu’on ne doit pas réduire à n’être, comme je l’ai jadis lu quelque part, qu’un sublime « harpailleur du ciel ».