Retenu hier au Louvre par cette peinture de Poussin, Camille livre le maître d’école de Faleries à ses écoliers. Il s’agit ici d’un épisode des interminables guerres entre romains et étrusques pour la possession des territoires entourant Rome. Tite-Live raconte qu’aux alentours de 400 avant J.C. le tribun consulaire Camille mène la guerre contre Faléries, cité étrusque au nord de Rome. Un maître d’école, ayant en charge les fils des principales familles de la ville assiégée, réussit à les entraîner sans qu’ils se méfient, à proximité des lignes romaines. Et traître à sa patrie les livre à l’ennemi. Voici comment Tite-Live présente la réponse du général romain qui après l’avoir enchaîné, le livrera aux enfants qu’il voulait lui offrir en otages, afin qu’ils le ramènent, sains et saufs, dans leur propre cité : “Tu ne trouveras ici, ni un peuple ni un général qui te ressemble, infâme qui viens avec un infâme présent. Nous ne tenons aux Falisques par aucun de ces liens qu’établissent les conventions des hommes ; mais ceux qu’impose la nature sont et seront toujours entre eux et nous. La guerre comme la paix a ses lois, et nous avons appris à les soutenir aussi bien par l’équité que par la vaillance. Nous avons des armes, mais ce n’est point contre cet âge qu’on épargne même dans les villes prises d’assaut ; c’est contre des hommes armés comme nous, et qui, sans être insultés ni provoqués par nous, ont attaqué à Véies le camp romain. Ceux-là, toi, autant qu’il a été en ton pouvoir, tu les as vaincus par un crime jusqu’ici inconnu ; et moi je les vaincrai comme j’ai vaincu Véies, par le courage, le travail et les armes, comme il convient à un Romain.”
On admirera la vertu de cet illustre romain. Dont la générosité et la grandeur d’âme feront davantage que la toute puissance des armes. Suite au geste du romain, « il s’opéra écrit en effet Tite-Live, un tel changement dans les esprits, que cette cité, (celle de Faléries, donc) qui naguère, emportée par la haine et la rage, aurait préféré presque la ruine de Véies à la paix de Capènes, appelait la paix d’une voix unanime. »
Bon. On se dit que les écrits de Tite-Live ne sont après tout que de la Littérature. Mais comme on aimerait que cette dernière soit parvenue, comme sans doute elle l’espère, à investir largement les consciences. De manière à rendre impossible, sinon à chacun des êtres humains qui se bat pour ses intérêts, un peu partout sur la terre, du moins à l’ensemble de leurs guides, élus ou responsables, des conduites qui les avilissent en même temps que les causes opposées qu’ils prétendent défendre.
Il se trouve malheureusement que nous en sommes loin.
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