FRA ANGELICO Noli me tangere |
C’est
pourquoi j’ai aimé le livre qu’Emmanuel Carrère a consacré à « enquêter » sur les chrétiens des
premiers âges et l’apparition de cet étrange, sinon même insensé système de
croyances* qui, né dans cette lointaine partie de l’empire romain qu’était
autrefois la Judée, a fini par rayonner sur la plus grande partie du monde
donnant au passage naissance aux cathédrales, à la musique de Bach, à la
peinture de Rubens, du Caravage ou de Fra Angelico...
Principalement
centré sur la figure de Luc, ce grec judaïsé originaire de Macédoine qui fut
l’un des principaux compagnons de Paul et auteur comme on le sait de l’Evangile
qui porte son nom ainsi que des Actes des
Apôtres, le livre de Carrère qui considère en partie Luc comme un confrère
en écriture, nous aide à donner chairs et couleurs, un peu d’épaisseur humaine
encore, à ces figures que l’ignorance de leur histoire réelle et notre
soumission aux images fabriquées, ont laissé se figer en traits grossiers sur
les toiles de fond de nos imaginaires. Richement documenté en dépit bien
entendu du caractère limité des sources qui nous sont parvenues, l’ouvrage nous
aide également à comprendre un peu les circonstances concrètes et les divers
enjeux, psychologiques, sociaux, politiques, intellectuels, moraux et pourquoi
pas aussi littéraires qui ont conditionné les tout débuts du christianisme et
conduit à sa progressive rupture avec le judaïsme.
Pour une
présentation plus détaillée, on se reportera sans problème aux articles
nombreux qui ont accompagné la sortie en son temps du livre de Carrère, que
d’aucuns ont trouvé d’une écriture trop journalistique (Revue Transfuge),
trop occupé de l’évènement sans être jamais dedans (blog de la Conférence des évêques de France), trop soucieux de soi-même et
un brin racoleur (salon litteraire de linternaute com)
tandis que d’autres, plus justement peut-être, comme Nathalie Crom pour Télérama y ont vu un
livre singulier et passionnant, « dont
il vaut mieux renoncer d'emblée à tenter de préciser le genre. Un récit
rocambolesque, mêlé d'aveu, d'enquête, de méditation, dans lequel l'auteur
s'avère omniprésent, tout ensemble narrateur assumé, protagoniste impliqué,
exégète ... ».
J’ajoute que
ce livre, critique, différent, fournit une riche matière à ces professeurs de
lettres mais aussi de langues anciennes qui cherchent à nourrir la réflexion de
leurs élèves et ne perdent jamais l’occasion de se saisir des détours du passé
pour mieux éclairer le présent. Pour eux j’ai choisi – mais ils en trouveront
bien d’autres - un chapitre évoquant l’extraordinaire voisinage de cultes qui au sein de l’empire romain fut le cadre foisonnant dans
lequel apparut le christianisme. L’époque avait au moins cela de bon que le
sacré n’y était pas encore devenu prétexte à égorger les mécréants, à brûler
vif son prochain. Voire à exalter le martyre.
merci pour avoir rappelé à notre souvenir ce livre que j'avais adoré et merci pour la mise en forme de l'extrait que j'utiliserai sans doute avec mes élèves.
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