Beau titre que ce Quelque chose que je rends à la terre,
que viennent de m’adresser les éditions Publie.net. Et l’idée d’imaginer le
poème comme une sorte de contre-don, une chose par laquelle on s’acquitterait
d’une dette qu’on aurait contractée avec le monde, avec la vie, avec la terre
qui nous porte et nous nourrit, l’humus lui-même à qui nous devons notre nom
d’homme, est toujours des plus séduisantes. Il y a maintenant bien longtemps,
mon maître, Henri Meschonnic, professait, sans trop être entendu par les
habiles de l’époque, que le poème était comme la transformation d’une forme de
vie par une forme de langage et la transformation d’une forme de langage par
une forme de vie. C’est à cette subtile compénétration des mots et de la vie
que s’attache Sébastien Ménard chez qui la poésie finit par apparaître comme une
présence inséparable du quotidien, non plus cette entité fuyante, cette
surréalité chimérique que certains parent des voiles pompeux du sacré, mais
comme principe actif de la vie la plus simple, jusqu’à se faire agent
mécanicien réglant un dérailleur de bicyclette, attentif jardinier employé à
planter des bâtons pour y faire grimper des pois.
Certes, je n’ai pas lu les autres recueils de Sébastien
Ménard, qui montrent, je crois, une personnalité portée vers la rencontre,
séduite par les marges et les empathiques couleurs des routes, du risque et du
voyage, mais je ne crois pas que ce livre qui se déploie dans le cadre plus
resserré d’une existence tournant autour d’une terre, d’un jardin, d’une petite
famille aussi dont on devine qu’elle peine parfois à joindre les deux bouts,
soit d’un caractère si différent. Le principe étant de s’y montrer ouvert au
monde, à l’importance de chaque instant vécu qui nous traverse, en l’amenant le
plus possible à l’expression.