C’est au musée de l’Orangerie que se trouve, dit-on, la plus riche collection d’œuvres du peintre d’origine russe Chaïm Soutine, « el pintre brut[1] » comme le surnommaient les habitants des petites villes du sud, de Ceret en particulier, où il résida quelques temps au lendemain de la première guerre mondiale.
L’exposition que ce musée actuellement lui consacre en mettant en lumière ce qu’un peintre comme Willem De Kooning lui doit n’a pas seulement été pour moi l’occasion de redécouvrir un peu autrement ses œuvres mais de réfléchir avec ce qui me reste de cervelle à la façon dont ce peintre est encore aujourd’hui accueilli ou perçu. Comme malheureusement trop souvent, on constate que la dimension biographique reste un des cadres privilégiés de la perception des œuvres. Avec la bourgeoise fascination que nos publics comme beaucoup de ceux qui les racolent éprouvent pour les artistes maudits. Les existences risquées. Les grands ratages affectifs… La peinture de Soutine reste, c’est vrai, du pain bénit pour ceux qui ne peuvent remarquer un geste enlevé de peintre, un tourbillon de forme, l’écrasement sur la toile de la moindre écarlate sans y mécaniquement voir le signe d’une blessure intime. D’un tourment non résolu.