mercredi 27 avril 2016

VINGTIÈME ÉDITION DU PRIX DES DÉCOUVREURS. CONTINUEZ LE VOYAGE !

Sélection 2016-2017 du Prix des Découvreurs

























Vingt ans. On connaît la célèbre phrase de Paul Nizan selon laquelle avoir vingt ans est loin d’être la plus belle chose de la vie. Pour une association comme la nôtre toutefois vingt ans ce n’est plus la jeunesse. Peut-être même plus l’âge adulte. Sans doute le moment de songer à s’effacer pour laisser à d’autres plus vifs et diligents le soin de donner à notre action un nouveau souffle. De fédérer autour d’eux des énergies nouvelles.

Sûrement. Mais si la tentation existe bien de se réserver désormais pour soi, d’abandonner nos combats à d’autres, il est chaque année moins facile, face au succès croissant de nos actions, à l’élargissement régulier des publics que nous touchons, d’interrompre cette dynamique qui fait que nous nous sentons de plus en plus utiles pour ne pas dire nécessaires. D’autant que nous voyons bien qu’ils ne se pressent pas trop ceux qui autour de nous seraient susceptibles de prendre la relève.

jeudi 31 mars 2016

LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2016 À LA POÈTE SYRIENNE FADWA SOULEIMANE !

Fadwa Souleimane au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer
Ainsi que l’annonçaient bien les premiers résultats qui nous sont parvenus, c’est sur À la pleine lune, le livre de Fadwa Souleimane publié par les toutes jeunes éditions du Soupirail, que se sont très largement portés les suffrages des quelques 2000 lycéens et collégiens qui cette année ont participé à l’édition 2016 du Prix des Découvreurs.

On ne s’en étonnera pas, tant la nature de ce livre et la personnalité de son auteur avaient de quoi retenir l’attention de ces jeunes pour qui la poésie n’a rien à voir avec un jeu gratuit d’esthète ou d’intellectuel avant tout soucieux de distinction. Découvrant À la pleine lune et le parcours si particulier de son auteur ils ont, je crois, compris le caractère profondément vital pour ce dernier de ces poèmes marqués par la guerre et l’exil, par la volonté de ne pas laisser le dernier mot au silence, celui de la défaite et de la résignation.

Habitués à ce qu’on leur parle de poésie engagée et plus familiers certainement du Melancholia de Victor Hugo ou du trop fameux Liberté d’Eluard, que des écrits des poètes d’aujourd’hui qui sont – de par la force actuelle des choses – presque tous des textes de résistance, ils ont ainsi pu comprendre à quelles nécessités répond toujours et en profondeur la poésie de notre temps. Quand elle est animée d’un désir authentique de parole. D’un besoin fondamental de dire.

Comme l'écrit quelque part Ariane Dreyfus, le poème « n’est pas une succession de mots, mais l’élan d’une parole dans la relativité d’un corps ». Et en ce sens il ne peut exister autrement qu’engagé. Surtout si ce corps, appréhendé dans l’exil, ayant perdu son environnement familier, ses racines d’enfance, est condamné à se vivre désormais dans une culture, un espace et une langue autres.


Ce n’est qu’une fois installée en France pour fuir l’arrêt de mort promulgué par le tyran syrien Assad, que la comédienne Fadwa Souleimane a éprouvé pour la première fois la nécessité de retrouver sa langue en se mettant à écrire de la poésie. Tombeau des morts qu’elle a laissés derrière elle, des innocences de la paix saccagée, ses textes tout en désignant clairement les responsables, restent toutefois habités par la volonté farouche de ne rien céder aux multiples formes de violences qui se concurrencent aujourd’hui un peu partout dans le monde. Certaine que les divisions, quelles qu’en soit la nature, ne font aller l’humanité qu’un peu plus vite vers sa perte, Fadwa Souleimane, en dépit de tout, nous invite au chant réconcilié de l’Un.



vendredi 25 mars 2016

DES FORMES ET DES FORCES ! LE PROGRAMME DE NOTRE FUTURE JOURNÉE DE DÉCOUVERTES.

Comme chaque année les Découvreurs proposent, en partenariat avec la Ville de Boulogne-sur-Mer et la DAAC de Lille une journée de découvertes à l’intention de tous ceux qui refusent de se laisser enfermer dans les prescriptions de la machine médiatique soumise de plus en plus aux impératifs marchands.

Nous aurons ainsi le plaisir de découvrir des œuvres originales, lucides, largement ouvertes sur le monde et qui sans complaisance témoignent de la capacité de résistance que certains restent capables de mobiliser face à tout ce qui nous écrase.

Gageons qu’une nouvelle fois, le public sera nombreux à prendre d’assaut les tables de notre libraire partenaire !

mardi 15 mars 2016

REPRENANT LES CHEMINS D’ICI. MAUVAISES LANGUES DE PAOL KEINEG.

EGON SCHIELE AUTOPORTRAIT TÊTE BAISSEE



































Écrire pour
faire du simple avec
du compliqué (ou faire semblant) :
dans un pays sans adresse,

qu’est-ce que je vais encore trouver
en tournant
la cuiller dans le bol de café
(ça ne tourne pas rond).

Oui. C’est bien ce lyrisme en apparence désinvolte et inquiet qui d’abord fait la force, évidente pour moi,  du livre de Paol Keineg intitulé Mauvaises langues. Ici la formule est celle d’une écriture qui, accompagnant les mouvements de la vie la plus quotidienne, située dans le cadre fuyant d’une géographie qui a perdu ses repères, d’un monde qui ne va plus très bien, cherche moins à nous asséner ses vérités particulières qu’à s’étonner de ses découvertes. Chaque fois renouvelées.

vendredi 11 mars 2016

CENDRARS ENCORE ET ENCORE ! UNE ÉTUDE DE LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN PAR COLETTE CAMELIN.

CENDRARS RUSSIE
KANDINSKY, LA VIE MÉLANGÉE, 1907
À la demande des Découvreurs Colette Camelin a accepté de livrer le texte d’une étude consacrée à la Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France, publiée en 1913 par Blaise Cendrars et Sonia Delaunay. Occasion pour nous de revenir dans ce blog sur celui qui se disait « un fort mauvais poète ».

Cette étude qui a vocation à éclairer le lecteur « bénévole » sur les multiples aspects de ce texte en bien des points fondateur de la modernité poétique a été complétée par nos soins de diverses références à la peinture de l’époque ainsi que d’images provenant de diverses publications qui permettront aussi de réfléchir sur la guerre russo-japonaise qui tient une place si importante dans la thématique complexe de ce poème initiatique.


mercredi 9 mars 2016

UNE SIMPLE JOURNÉE À PASSER SAINE ET SAUVE ! DOINA IOANID.


Doina Ionaid
Dorothea Tanning Birthday










Mais nous autres, jamais nous n'avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s'ouvrent
à l'infini. Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l'on respire,
que l'on sait infinie et jamais ne désire.

RILKE
Huitième Elégie de Duino, 1922


« Que veulent-elles de moi, toutes ces femmes avec leur ventre de kangourou à peine dissimulé par des tabliers fleuris, leurs cheveux imprégnés d’odeurs moites, pourquoi m’invitent-elles à venir à leur côté, m’attirant avec leurs vies mutilées et pourquoi leurs histoires collent-elles à moi comme de l’huile brûlante, alors que je veux seulement qu’elles me fichent la paix et me laissent aller mon chemin ? »  Dans l’univers bien particulier de la poète roumaine Doina Ioanid, la relation qu’entretient l’être avec le monde est toujours captivante. Je veux dire un peu possessive. Et les frontières que dessinent les identités tout comme les moments successifs du temps se montrent la plupart du temps dangereusement poreuses.

Un mouvement qui n’est pas sans rappeler celui de la ruade du cheval entravé qui regimbe.


jeudi 3 mars 2016

MULTIPLIER LES RENCONTRES. UNE NÉCESSITÉ !

Oui. Je crois de plus en plus à l’importance des rencontres. Notamment en milieu scolaire où il me semble nécessaire de faire comprendre que l’engagement dans l’écriture – principalement poétique - n’a rien d’un jeu factice ou intellectuel mais se trouve indissociablement lié à une affirmation vitale, un besoin aussi de comprendre et de saisir le monde. D’élargir ses horizons. De repousser les limites des représentations qui enferment. Et de trouver la bonne distance par rapport au langage, instrument d’être et de pensée.
Plutôt que de rendre compte de façon factuelle des nombreuses interventions que je viens d’effectuer ou d’accompagner dans divers établissements il m’a paru opportun de redonner ici le texte d’un long entretien que m’a proposé il y a quelques temps Florence Trocmé pour POEZIBAO. Car il importe de fournir à tous ceux qui comme nous s’y impliquent réellement, des fondements réflexifs qui légitiment de plus en plus ces pratiques que certains voudraient continuer à réduire à l’anecdotique, à enfermer dans de simples séances d’animation ne nécessitant aucun investissement réel. Aucune préparation.

Florence Trocmé : Georges Guillain, vous êtes à l’origine d’un prix centré sur la poésie qui a cette particularité d’être décerné par un jury de lycéens. Pouvez-vous nous parler de ce Prix des Découvreurs, nous en redire la genèse, l’idée qui a présidé à sa conception.

Georges Guillain :
Chère Florence, oui. Le Prix des Découvreurs aura bientôt 20 ans. Et touche désormais chaque année quelques milliers de lycéens mais aussi de collégiens de troisième, de Dunkerque à Yaoundé ! Plutôt d'ailleurs que d'idée, je préfère parler de sentiment. Tant au départ, ce qui m'aura guidé et dont je n'ai maintenant qu'un souvenir assez vague, devait sûrement être assez différent des raisons qui aujourd'hui m'encouragent à désirer toujours prolonger et surtout élargir de plus en plus l'aventure. Le Prix des Découvreurs a commencé, en 1996, par un courrier que m'aura adressé l'adjoint à la Culture de la Ville de Boulogne-sur-Mer qui me sachant poète me demandait de réfléchir avec lui à la façon de relancer un Prix de Poésie jadis décerné par la ville et tombé, à juste titre, en désuétude.

"La littérature ne peut plus être considérée que comme objet de culture, renvoyant nécessairement à des vocabulaires datés. Des formes un peu figées. Coupées des ressources nouvelles d'époque. "

samedi 27 février 2016

POUR UNE POÉSIE RÉELLEMENT ENGAGÉE ! CLIMATS DE LAURENT GRISEL.

Non la Terre ne fut pas toujours bleue. Ni toujours habitable. Vieille de plus de 4,5 milliards d’années, notre planète perdue dans l’immensité proprement sidérante de l’univers visible, change constamment de visage, souffle le chaud et le froid, fut orangée comme Titan, blanche comme Encelade. Dépendant de facteurs essentiels tels l’augmentation de la luminosité du Soleil, la tectonique des plaques, les modifications orbitales, son climat possède une histoire complexe et la vie qu’il a rendue pour nous possible résulte d’équilibres chimiques précaires que notre espèce, par son nombre d’abord, par ses choix particuliers de développement ensuite, est en train de menacer.

C’est à la demande de la MEL et de sa Présidente, la romancière Cécile Wajsbrot, que Laurent Grisel a entrepris de se saisir de la question climatique pour alerter à sa manière le public sur les risques que notre insensibilité aux perturbations que nous infligeons à la nature fait courir à l’ensemble de l’humanité. Et c’est la force actuelle de notre poésie que de lui permettre de prendre aujourd’hui la parole pour produire un texte singulier, engagé, surprenant, dont la précision de la documentation, l’ouverture informée au réel ou plutôt à ses multiples composantes, n’altèrent pas l’impact. Ni le retentissement.

Loin du sentimentalisme vaporeux et de l’hermétisme savant



dimanche 21 février 2016

DEUX POÈTES TAÏWANAIS POUR DIRE AUSSI NOTRE HISTOIRE !

GRAVURE DE NELIDA MEDINA
Sans doute qu’il y a quelques années, j’aurais accordé aux deux ouvrages que vient de m’envoyer Neige d’août, une attention moins grande. Moins accompagnatrice. C’est que les poèmes de ces deux auteurs taïwanais que Camille Loivier, l’une des chevilles ouvrières de ces publications, a tenu à me faire découvrir, ne relèvent pas de ces écritures savantes, retournées, interrogeant inlassablement leur relation sensible et longue à la parole, déconstruisant, reconstruisant dans une recherche sans fin de leur identité, une langue dont on sait pourtant depuis bien longtemps qu’elle ne nous appartient pas en propre. Je n’ai évidemment rien contre ces voix intérieures qu’il est dans la nature même de la poésie de pouvoir faire entendre mais à l’heure où l’univers dans lequel nous vivons vient si largement à nous et avec lui son lot de négations sanglantes de la plupart des valeurs sur lesquelles s’est bâti notre hypothétique humanité, j’attends désormais que la voix du poète prenne davantage en charge l’Histoire, ses désastres, ses drames, bref, l’infinité des situations le plus souvent peu enviables que le monde tel qu’il est impose à ses populations.

samedi 13 février 2016

EXPLORATION DE LA VISIBILITÉ


Tête de Telamon, Agrigente
Les éditions Flammarion viennent de sortir le dernier ouvrage consacré par le poète Nicolas Pesquès à  La Face Nord de Juliau à laquelle il semble avoir maintenant consacré la quasi totalité de sa vie littéraire.
Je ne pense pas totalement inutile de redonner dans ce blog l’article que j’ai consacré il y a quelques années dans la Quinzaine Littéraire aux volumes 5 et 6 de cette singulière et magnifique entreprise.


Vigoureusement calé sur sa colline ardéchoise, le travail de Nicolas Pesquès qui fait paraître chez André Dimanche les volumes 5 et 6 de la Face nord de Juliau, se présente comme le récit particulier d’une exploration entamée depuis plus de 20 ans, non de la chose vue, voire d’un paysage fuyant en constante métamorphose mais de ce qu’appelait si bien Maurice Merleau-Ponty dans son dernier grand ouvrage l’Oeil et l’Esprit, un circuit : le circuit ouvert du corps voyant au corps visible.

A l’origine, peut-être, comme la tentative d’épuisement d’un lieu particulier : une modeste colline rêche, râpeuse, couverte de buis, de genêts, de genévriers, à laquelle le regard se trouve quotidiennement confronté. Une colline où sur l’autre face, au sud, aura vécu et écrit en son temps le poète Jacques Dupin auquel Nicolas Pesquès a d’ailleurs consacré en 1994, chez Fourbis, un bel ouvrage écrit dans l’amitié de la voix.