Les
ouvrages nous permettant de nous faire une idée de la façon dont, au jour le
jour, je veux dire dans sa réalité triviale et quotidienne, est vécu le métier de poète, sont à mon avis trop
rares pour ne pas devoir être signalés. Entre idéalisation romantique et caricature
pseudo-naturaliste, il n’est pas toujours facile de se représenter l’existence
par exemple d’un jeune homme d’aujourd’hui entré dans les arts, comme aurait
dit Murger « sans autre moyen
d’existence que l’art lui-même » et « sans autre fortune […] que le courage qui est la vertu des jeunes, et
que l’espérance qui est le million des pauvres ».
C’est
pourquoi le petit livre d’Emanuel Campo, Faut
bien manger, publié l’an dernier par La Boucherie littéraire, ne doit pas
être négligé. Certes, on ne saurait affirmer sans se montrer un brin complaisant,
qu’au strict plan littéraire, l’ouvrage apporte quoi que ce soit à l’histoire
de la poésie. Écrit avec une certaine désinvolture, recourant à bien des facilités
du moment, peu ambitieux donc sur la forme, le travail d’Emmanuel Campo
intéresse par autre chose. Une sorte de sincérité ou d’honnêteté retorses par
lesquelles il parvient, nous dévoilant l’envers du décor, à faire de ses
propres faiblesses, une force et à nous sensibiliser de cette manière aux
principales contradictions que la condition d’artiste qui est la sienne, oblige
à affronter.