vendredi 2 avril 2021

VISAGE D'AGRIGENTE.


 

NOUS RELEVONS DE L'HISTOIRE HUMAINE. EAVAN BOLAND.

Great Famine Memorial Dublin

 Oui. Combien de fois, cherchant à découvrir un auteur, n'avons-nous pas regretté de n'avoir pas mis mieux à profit notre temps pour nous intéresser à toutes ces choses dont nous prenons conscience, page après page, que nous ne savons rien. Ainsi privés de la possibilité d'entrer dans les profondeurs de sens ouvertes par ces œuvres dont nous sentons bien que beaucoup nous échappe, ne nous reste qu'à nous débrouiller en recourant aux lieux communs de notre culture personnelle et à l'espèce particulière de sensibilité flâneuse que l'habitude de lire des textes qui nous débordent, a quand même fini par développer chez nous.

 

Ainsi, lisant l'anthologie de la poète irlandaise Eavan Boland, Une femme sans pays, ai-je bien regretté d'être si affreusement ignorant de l'histoire complexe de l'Irlande par laquelle l'auteur se montre de toute évidence marquée et de celle si riche apparemment de sa poésie face à laquelle elle tente tout aussi clairement d'exprimer sa propre singularité ! Heureusement la belle et très éclairante introduction de Martine De Clercq joue son rôle qui est - nous fournissant aussi quelques nécessaires repères - de nous aider à mieux accomplir la traversée de l'œuvre de cette poète qui, depuis près d'un demi-siècle confronte sa voix singulière aux représentations comme aux figures dont elle se sent encombrée.

 

RETOUR SUR. 3 POÈMES DE LA POÈTE IRLANDAISE EAVAN BOLAND AUTOUR DE LA GRANDE FAMINE.

 

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Pour faire suite à ma récente recension du livre de Florence Trocmé dans lequel reprenant un texte méconnu de Jules Verne elle évoque la terrible réalité de la Grande Famine qui meurtrit durablement l’Irlande au cours du XIXème siècle, je voudrais attirer une nouvelle fois l’attention sur le beau livre de la poète irlandaise Eavan Boland paru il y a quelques années au Castor Astral dans une excellente traduction de Martine De Clercq. Voici donc quelques poèmes d’Eavan Boland à propos de cette tragédie dont le poème Quarantaine l’un des trois poèmes préférés des irlandais.

Personnellement, j’apprécie cette façon qu’a Boland d’évoquer toutes les victimes « des toxines de l’histoire » sans se cacher à quel point l’art comme la littérature qui ne les utilisent que comme matériaux leur font aussi subir leur violence propre. 

Ceux que cette auteur intéresse pourront aussi se reporter à ma note de lecture republiée aujourd’hui sur ce blog.

jeudi 1 avril 2021

RETOUR SUR. JOUBARBE DE CAMILLE LOIVIER AUX ÉDITIONS POTENTILLE.

Il y a des bêtes vivantes et des animaux morts. Des perruches qui pourraient voler mais ne sortiront pas de leur cage. De l’ivoire qui n’est que du plastique jauni. Des choses lourdes aussi. Pas très belles. Encombrantes. Avec au milieu l’enfance. Qui ne finit jamais. Comme une petite cour. Un simple puits de lumière. Sur quoi s’ouvrent les fenêtres arrière de nos destinées humaines.

La conscience qui, dans le dernier livre de Camille Loivier, agite tout cela est celle d’une de ces modestes plantes interstitielles capable de lancer ses racines dans les anfractuosités d’un vieux mur, entre les tuiles un peu disjointes d’un toit, dans la moindre fissure d’un sol : la joubarbe ; l’une de ces plantes dites  par les botanistes succulentes, parce qu’elles sont capable de conserver longuement leur eau, leurs sucs, pour survivre dans des conditions difficiles.

On comprend le choix pour un poète tel que Camille Loivier de placer sa parole sous le signe de ce végétal. Pas de chant d’héliotrope chez elle. Aucune voix brandie qui se voudrait transperçante à la manière d’un glaïeul. La poésie de Camille Loivier – qui ne cherche pas à tout prix à fleurir - ne s’affirme pas glorieusement telle. Elle s’insinue plutôt à la frontière de la prose et du chant. Dans ce qu’on pourrait appeler leur retrait. Peut-être aussi leurs fissures. 

SUR CE DIFFICILE TERRAIN DE VIVRE. À PROPOS DU DERNIER LIVRE DE CAMILLE LOIVIER, CARDAMINE AUX ÉDITIONS TARABUSTE.


 C’est en recourant à nouveau à un beau nom de plante que Camille Loivier qui fait partie de ces poètes que j’ai plaisir à suivre, a choisi d’intituler son tout dernier ouvrage. « Cardamine » est un terme générique qui recouvre en fait près de 150 espèces dont certains de mes amis, sans en connaître toujours, je suppose, l’appellation scientifique, peuvent citer avec moi les plus répandues, cardamine hirsute, cardamine des près, cardamine amère… La cardamine des murailles pousse entre les pierres des murs de mon jardin. On dit qu’elle est comestible, goûteuse. Et j’avoue que j’ai plaisir à la voir recouvrir de ses fleurs minuscules ces espaces réputés ingrats.

 

mardi 30 mars 2021

MADELEINE BERNARD. ÊTRE SŒUR D’UN GRAND PEINTRE À L’ÉPOQUE DE VAN GOGH ET GAUGUIN. SUR UN OUVRAGE DE MARIE-HÉLÈNE PROUTEAU.

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Son frère n’a que 20 ans quand il la peint grandeur nature allongée sur l’herbe fleurie qui borde la rivière Aven coulant en arrière plan entre les arbres un peu grèles du petit Bois d’Amour. Madeleine, elle, a 17 ans. Et dans sa posture étudiée de gisante qui la fait un peu ressembler par la proximité de l’eau à la célèbre composition de John Everett Millais représentant la mort d’Ophélie, qu’on peut voir à la Tate Britain de Londres, elle aussi semble flotter sur la toile rêveuse, être comme aspirée, soulevée par quelque charme indéfinissable. Le charme ici peut-être d’un moment de bonheur ressenti, d’équilibre capté entre les âmes et les choses, qu’à jamais le tableau aura retenu pour nous, dans ses verts, ses bleus, ses roses, son ocre, les noirs aussi des troncs qui ne font plus barrière mais entrainent le regard vers les reflets dans l’eau, d’un ciel mouvant d’été.

 

L’histoire aura bien retenu que cette Madeleine peinte ici par Émile Bernard aura en cette année 1888 attiré dans le gros bourg de Pont-Aven où s’est depuis quelque temps établi une solide colonie de peintres, l’attention de Gauguin. Au point de se voir par lui attribuer, pour rire, un petit tableau connu sous le nom de Fête Gloanec, actuellement au Musée des Beaux Arts d’Orléans. Avant qu’au verso d’une œuvre intitulée La Rivière Blanche, il ne réalise d’elle un magnifique portrait que détient le musée de Grenoble. Mais l’histoire n’est guère prodigue sur le destin relativement exceptionnel de cette femme qui fut aussi un moment comme fiancée au peintre Charles Laval, artiste à mon sens injustement éclipsé par la notoriété de l’auteur du fameux Christ jaune, qui partagea avec lui un atelier à la Martinique et signa même de son nom des toiles qui lui sont aujourd’hui réattribuées.

jeudi 25 mars 2021

P’TIT BONHOMME DE CHEMIN, UN LIVRE DE FLORENCE TROCMÉ.

Chanter dans son arbre généalogique, cette recommandation de Cocteau dans son livre de 1922, Le Secret professionnel adressé aux étudiants des Belles-Lettres de Genève et de Lausanne en témoignage de reconnaissance[1], est une belle et bonne chose. Même si cet arbre comme tout arbre qui n’est pas l’arbre en pied qui occupe depuis toujours le fond de votre jardin, n’est pas toujours simple à se représenter. Fondatrice, animatrice d’une revue numérique puissante dont le travail d’analyse, de partage, comme de prospection et de légitimation de toute une partie de la création poétique contemporaine, assurément pas la plus mauvaise, est largement reconnu, Florence Trocmé est de ces personnes qui trouvent sens et dignité à accompagner avec intelligence et sensibilité l’œuvre des autres.  Et c’est forte encore de ces dispositions qu’elle fait paraître aujourd’hui ce P’tit Bonhomme de chemin, ouvrage au second degré sans doute, qui entreprend « de redonner vie [à un récit presque totalement oublié de Jules Verne évoquant le périple d’un orphelin d’Irlande] en en réécrivant l’histoire en vers justifiés et en croisant ce poème avec d’autres voix, l’une plus documentaire sur l’Irlande, la famine[2], une autre litanique avec les noms de lieux ou toutes les occurrences de certains mots clés » sans oublier la sienne propre.

 

mardi 23 mars 2021

CONTINUER. SUR LE DERNIER LIVRE DE STÉPHANE BOUQUET, LE FAIT DE VIVRE CHEZ CHAMP VALLON.

Il me semble avoir déjà beaucoup écrit sur les diverses publications de Stéphane Bouquet. Mais précisément, Stéphane Bouquet est de ces poètes qu’on ne se lasse pas de suivre. D’accompagner. D’avoir envie, même s’il est bien sûr loin d’être ignoré du petit milieu qui s’intéresse vraiment à la poésie, de faire toujours davantage connaître et apprécier.

Les titres de ses livres d’abord, d’Un monde existe (2002) à aujourd’hui, Le fait de vivre, en passant par Le Mot frère, Un peuple, Nos Amériques, Les Amours suivants, Les Oiseaux favorables, Vie commune, La Cité de paroles, témoignent assez bien déjà de l’ouverture de pensée de cette poésie qui, bien qu’étant fondamentalement lyrique, intime et pourquoi pas, disons-le sentimentale, n’est jamais repliée sur elle-même, jamais narcissique et ne perd jamais de vue cet horizon commun que sont pour nous la vie, le monde et les autres surtout, avec qui nous les partageons.

 

De la profonde tristesse d’une séparation à laquelle difficilement s’accoutumer jusqu’à l’image finale d’une vie conçue comme une escrime à engager « sereinement » sur le mode « parade/riposte », le dernier livre de Stéphane Bouquet poursuit l’intention de ses textes précédents qui est de dire toute notre vie, en tentant comme il peut de défaire  ses nœuds de solitude, d’atteindre ce « Dimanche de l’année », ce « dimanche suprême », idyllique, où la formule du bonheur partagé donnerait l’illusion d’avoir enfin été, sinon trouvée, du moins suffisamment approchée pour en éprouver, ne serait-ce qu’un moment, les bénéfiques effets.

samedi 20 mars 2021

DU DÉSIR VERS SA FIN !

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 Et puisqu’avec doublement le printemps, le vrai + celui des poètes, il est question de "désir", comment résister, si fourni d’âge pourtant que me voici, à ces invitations.

J’espère cependant que nul ne me fera reproche d’avoir dans ces trois courtes pages cédé à ce désir aussi de réveiller nos sommeillantes métriques afin qu’un peu au moins de la jeunesse du monde et de la mienne et par là de la poésie, un peu de cet éclair, oui, comme aurait dit Char, toujours par là, me dure.