Il y a un problème avec le mot poésie : c’est
qu’appliqué à quantité de choses qui n’en sont pas, ce terme leur confère d’ordinaire une forte
valeur ajoutée alors que la chose ou les choses, restons vague, que ce terme en
principe désigne, souffrent publiquement d’une cruelle désaffection. Bref, la
poésie, il semble qu’on en ait d’autant plus plein la bouche qu’on n’en lit
dans le fond jamais.
De cet amer constat, le livre de Marc Guimo que
vient, à sa manière un peu provocatrice, de sortir pour le Marché de la poésie
qui s’achève, la Boucherie littéraire,
tire une suite de variations qu’on pourrait presque dire désopilantes, si l’on était certain que le lecteur pouvait se
rappeler l’origine médicale de ce mot. Car c’est vrai qu’avec cette espèce de
liberté relâchée de ton et de langage, cette prise plus directe sur la
trivialité de nos existences quotidiennes, par laquelle un certain nombre de
jeunes auteurs entendent se démarquer du style un peu guindé, gourmet, un brin
Guermantes et constipé qu’ils prêtent sans trop les connaître à leurs aînés, l’ouvrage
de Guimo fait du bien et désobstrue un peu les rates, même si pour finir on
peut sans doute lui préférer les réflexions et les confidences autrement plus
élaborées et nourrissantes qu’on trouve par exemple dans l’Écrire et surtout le Basse langue de Christiane Veschambre, parues ces derniers temps, chez Isabelle
Sauvage.