Moment de lecture animé par Justine Francioli au Lycée Wallon de Valenciennes. Photos de Maxime Delporte. |
« Il y a poème seulement si une forme de vie transforme une forme de
langage et si réciproquement une forme de langage transforme une forme de vie. »
C’est dans cette perspective dont j’emprunte ici la formulation au Manifeste de mon ancien professeur Henri
Meschonnic, que les Découvreurs conçoivent l’essentiel de leurs interventions.
Tant nous pensons que les jeunes ont besoin de parole. Non d’une parole qui
impose, subjugue mais d’une parole qui relie. Nourrisse et émancipe.
Accablé de messages, subliminaux
et autres, notre esprit n’a pas besoin qu’on cherche à l’embrigader davantage.
Il a besoin d’oxygène et d’échange. Et qu’on lui montre de quoi il est, sans
toujours le savoir, capable. Il lui faut pour cela l’impulsion qui l’amène à prendre
conscience et plus encore à s’émerveiller de ce pouvoir que nous avons, non
simplement de sentir, de nommer ou de décrire le monde mais de lui donner sens,
de le constituer en représentation, de lui donner poétiquement figure, pour
nous le rendre quand même un peu plus habitable.
Grâce aux libérateurs que sont,
pour l’esprit et la sensibilité, devenus aujourd’hui les poètes, multiples sont
les voies qui s’ouvrent à chacun pour inventer
sa parole, opération qui comme le rappelle bien l’étymologie suppose qu’elle puise
aussi bien en soi que hors de soi, dans le monde mais dans la
langue aussi, les éléments qui lui sont nécessaires.
Mais essentiel est d’abord le
désir capable d’entraîner à ne pas simplement reproduire. Pour dire à
l’unisson. Avec la voix toujours un peu étouffante des autres. Et c’est ce
désir avant tout d’une parole qui se cherche et doit apprendre à se trouver que
les rencontres que nous proposons tentent de susciter.
Travaux d'élèves autour des Découvreurs au CDI de Bruay la Buissière avec Delphine Cuvellier |
Nous ne cherchons pas justement dans
les classes à repérer ces futurs Andromède de sous-préfecture dont se moquait à juste titre le peu sympathique
Claudel. En encourageant ce dévoiement sentimental qui fait les fausses lyriques, ces emportements indignés, ces compassions comme ces célébrations affectées
qui passent encore trop souvent pour le propre de la sensibilité poétique, certains
trahissent leur mission qui n’est pas de favoriser les comportements de
connivence, les soumissions hypocrites à des valeurs de façade, mais
d’apprendre à chacun à s’envisager dans sa propre distance. Il y a une morale
de l’écriture. Qui est de soucieux nouages. Entre les mots et les choses. Entre
les autres et nous-mêmes. Entre l’expérience directement vécue et celle qui ne
passe que par l’imaginaire. Entre ce que je voudrais dire et ce que je suis
capable de dire. Entre ce que je croyais dire et ce que je dis vraiment. Entre
mensonge et sincérité, honnêteté et imposture, c’est à dire entre tous les
degrés de l’adhésion ou de la complicité à soi-même dont nous sommes capables
...
Un groupe d'élèves de Jean-Bart Dunkerque avec Eric Davenne |
Allez ! La tête encore toute
prise des belles réalisations des uns et de la chaleureuse et audacieuse
participation des autres, j’avais entrepris ce billet pour témoigner de ma
reconnaissance envers l’accueil que m’auront accordé les élèves et leurs
professeurs des lycées Wallon de Valenciennes, Carnot de Bruay la Buissière et
Jean-Bart de Dunkerque où je viens de me rendre ces jours derniers en compagnie
pour le premier nommé de Geneviève Peigné. Et voilà ce que fait finalement la
parole. Elle entraîne. Détourne. S’échappe. Heureusement aussi elle revient. Alors
oui revenons ! Que je puisse redire à quel point j’ai été heureux de partager
avec tous ces jeunes et je le dis encore avec leurs bien valeureux professeurs,
cette expérience de rencontres dont j’ai le bon espoir qu’elles soient
parvenues à nous faire oublier l’accessoire et l’anecdotique pour nous
maintenir bien au-dessus de toutes nos prétendues certitudes au niveau des plus
vivifiantes et joyeuses curiosités.
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