Fortement ancrées dans ce pays qu’on
nomme aujourd’hui avec un peu d’inexactitude tant historique que géographique, la
Drôme provençale, et plus précisément entre Nyons et Rémuzat pour ce qui est de
la ligne est/ouest et de Rosans à Buis les Baronnies pour la ligne nord/sud,
les histoires d’Alain Nouvel sont des histoires de lieux et de maisons, de
paysages et d’habitations, d’ouvertures et de passages. Mais toutes pénétrées d’attentes et
d’interrogations, de présences et de dissolutions en nous, du monde, elles
plongent au plus profond de nos inextricables et pourtant nécessaires opacités.
Et je plains ceux qui n’y verraient que pages joliment ou pittoresquement
enfermées dans le cadre étroit d’une littérature régionaliste.
« Dans un paysage, l’unité des parties, leur forme, vaut moins que leur
débordement ; il n’y a pas de contours francs, chaque surface tremble et
s’organise de telle manière qu’elle ouvre essentiellement sur le dehors »
écrivait dans l’un de ses touts derniers livres le regretté Michel Corajoud. Et
c’est ce débordement des surfaces qui me semble prévaloir dans ce groupe de
sept nouvelles plus merveilleuses que fantastiques qu’on pourrait tout aussi
bien appeler poèmes en prose que le lecteur découvrira dans ce beau petit livre
que les toutes jeunes et talentueuses éditions des Lisières nous proposent.
Ce n’est pas seulement que les
personnages ou les lieux ne restent pas enfermés, chacun dans leur histoire
mais voisinent et aussi se retrouvent dans l’histoire des autres. C’est qu’il
s’y agit bien plutôt d’une même conscience épandue, dispersée, et puis osons
le mot, d’une âme, que sa plasticité, sa vibrante sensibilité fait diversement
s’orienter – comme l’indique le titre - attentive qu’elle est aux
sollicitations multiples et premières du vivant.
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Inspiré sans nul doute par le
Giono des Vraies richesses, pour nous
contenter d’un titre particulièrement explicite, l’ouvrage d’Alain Nouvel, nous
ramène constamment à l’essentiel. Qui est le sens et le rythme que nous voulons
donner à nos vies à travers le choix que nous faisons de notre relation au
temps, aux choses, aux êtres, aux forces simples et naturelles de la vie. Cela
commence par la recherche d’une autre forme de silence capable de nous délivrer
de ces bruits de fond que la société actuelle amplifie de manière à provoquer
partout l’hystérie, l’agitation, nécessaires au maintien de systèmes
économiques basés sur le surtravail et la surconsommation. Cela se termine par
l’apologie d’une forme buissonnante et buissonnière de la lecture, puis par l’évocation
exaltée du sentiment de chaleur et de liberté que donne par la musique et le
chant, un trio de sirènes faisant entendre au narrateur « qu’il y a de la joie à vivre, à créer sans
jamais se conformer, sans se laisser enfermer, à ne pas rester passif mais à
danser, danser, danser avec son corps vivant jusqu’à plus d’heure, à plus soif,
à plus de souffle ».
Alors, je ne sais si Alain Nouvel
est musicien ou philosophe. Ou les deux à la fois. J’ignore malheureusement tout
de lui. Jusqu'à son âge. Que j’imagine cependant proche du mien. Ne serait-ce
que, me semble-t-il, il faut avoir quand même un peu vécu et faire l’expérience
en soi de bien des choses pour devenir capable de préférer à la pure, solide et
solaire définition de chaque chose qu’il semble avoir aussi cherché, sa
vaporeuse et tourbillonnante aura. Et de parvenir comme il fait à travers la
danse du langage à nous en faire éprouver la présence, impalpable et sans mots.
Voir sur Terres de femmes, une pénétrante lecture d'Angèle Paoli.
Voir sur Terres de femmes, une pénétrante lecture d'Angèle Paoli.
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