Portrait d'Abd el-Kader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, 1852, musée de Versailles. |
De
là à en inférer l’inutilité de l’art ou son impuissance face à ces terribles « architectes
de la sensibilité », comme les appelle Don De Lillo dans Mao 2 que sont ceux qui entendent, par la
radicalité de leurs actes accomplir la parole de Dieu, venger leurs propres
martyrs ou hâter la venue de tel ou tel régime qu’ils voudraient imposer à
tous, le pas est large qu’il importe surtout de ne jamais franchir.
L’art, s’il n’est pas propagande, ce qui lui arrive parfois, est l’anti-barbarie par excellence
Car
il est bien évident que l’art, s’il n’est pas propagande, ce qui lui arrive
parfois, est l’anti-barbarie par excellence. Lui qui, en principe, échappe à
toute certitude. Ne vit que de la remise en question des dogmes. Est
exploration d’inconnu, élargissement continu des possibles et ne vit que de
liberté. Tout cela est connu. Et c’est bien pourquoi si l’art et la pensée
ouverte de façon générale, ne peuvent directement rien face à la violence,
c’est en eux, dans le renforcement, le développement partout de leur puissance
civilisatrice, qu’on trouvera le moyen
le plus sûr et surtout le plus durable et le moins risqué, de résister aux
menaces que nous voyons émerger dans notre société. Car rien ne serait plus
nocif que de répondre à la violence des uns par une contre violence tout aussi
aveugle qui viserait globalement tous ceux en qui nous ne nous reconnaîtrions
pas. Ceux avec qui nous serions incapables de faire société dans l’affirmation
consentie de notre commune humanité faite à la fois de ressemblances fondamentales
et de différences partagées.
Peut-être qu’aujourd’hui dans les écoles, il serait bon, que l’enseignement de l’idée de tolérance puisse ne pas seulement renvoyer à nos grands philosophes français du XVIII, dont nous avons tout lieu d’être fiers, mais puisse aussi être mis en relation avec de grandes figures d’origine arabe
C’est
pourquoi pensant aujourd’hui, aussi, à tous ceux qui, arabes, musulmans paient
depuis beaucoup plus longtemps que nous et bien cher, le prix de la violence
fanatique d’origine politique plus que religieuse qu’on désigne sous le nom
d’islamisme radical, je voudrais offrir à la réflexion le texte d’une grande
figure de la résistance algérienne à la colonisation, homme d’un grand courage
et d’une autorité morale incontestable qui le firent admirer jusque par ses
propres ennemis qui se conduisirent avec lui d’ailleurs d’une façon autrement
moins noble.
Cet
homme, l’Émir Abdelkader à qui je dois à mon ami Abdelkader Djémaï qui lui
consacra un beau livre, de l’avoir découvert au-delà des images d’Épinal
que m’en donnèrent mes anciens livres d’histoire, fut un être humain
remarquable, un homme de culture qui loin de craindre l’étranger voire de
souhaiter son élimination, encourageait comme l’écrit A. Djémaï, « la
traduction des oeuvres du patrimoine universel et l’apprentissage des langues
étrangères ». C’est fort sans doute de cette humanité donnée par la culture
qu’en juillet de l’année 1860, ainsi que le rapporte toujours A. Djémaï, qu’« à
Damas, où vivait une importante communauté algérienne, il se rendit, durant les
massacres, qui eurent lieu aussi au Liban, de chrétiens maronites par les
druzes, au couvent des Lazaristes pour sauver les membres du clergé et les
enfants qui y étaient scolarisés. Des consuls, dont celui de France, et de
nombreux chrétiens trouvèrent refuge dans sa maison. Avec ses fils et ses
compagnons, il parcourait les rues de la ville pour porter secours et
protection aux victimes de ce pogrom qui fit plusieurs milliers de morts. »
Cet
homme que la France avait pourtant assez ignominieusement trompé lors de sa
reddition en décembre 1847, fut aussi un profond théologien en même temps qu’un
authentique poète. Et le texte qu’on trouvera ci-dessous, tiré des Poèmes métaphysiques composés pour
introduire son grand Livre des Haltes,
montrera bien j’espère, qu’il peut exister ou qu’il a bien existé un Islam
tolérant compatible avec nos propres valeurs. Et peut-être qu’aujourd’hui dans
les écoles, il serait bon, que l’enseignement de l’idée de tolérance puisse ne
pas seulement renvoyer à nos grands philosophes français du XVIII, dont nous
avons tout lieu d’être fiers mais puisse aussi être mis en relation avec de
grandes figures d’origine arabe dont certains de nos jeunes ont peut-être
besoin, également, de connaître l’existence, pour construire durablement un monde
qui, sans rien abandonner de la diversité de ses couleurs, serait plus
largement ouvert et pacifié.
Pour qui le veut Coran
Pour qui le veut Livre Discriminateur
Pour qui le veut Torah
Pour tel autre Évangile
Pour qui le veut mosquée
où prier son Seigneur
Pour qui le veut synagogue
Pour qui le veut cloche et
crucifix
Pour qui le veut la Kaaba
dont on baise pieusement la Pierre
Pour qui le veut images
Pour qui le veut idoles
Pour qui le veut retraite
où vivre solitaire
Pour qui le veut
guinguette où lutiner les biches...
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