jeudi 10 décembre 2015

DU TEMPS OÙ LA CLASSE OUVRIÈRE ÉTAIT DIGNE. DOCHERTY DE McILVANNEY

Le poète et romancier écossais, William McIlvanney, vient de mourir le 5 décembre dernier. Pour avoir, grâce à mon ami Freddy Michalski, son traducteur, eu la chance de découvrir son superbe roman Docherty qui raconte l’histoire d’une famille de mineurs écossais peu avant le surgissement de la première guerre mondiale, je voudrais rappeler ici que McIlvanney ne fut pas que cet auteur de romans policiers qu’on a pris l’habitude de voir en lui, même si ces romans qui influencèrent, dit-on son cadet Peter May, ne manquent pas d’intérêt.

Docherty est un roman magnifique, tout en sensibilité, qui témoigne de l’extraordinaire capacité de son auteur à comprendre et à manifester dans toute leur subtilité les liens qui, en dépit des malentendus de surface et surtout des difficultés à traduire sentiments et pensées dans les formes d’une parole claire, rassemblent les membres d’une famille ouvrière, dans un contexte social où la pauvreté pour ne pas dire une certaine misère n’a pas encore, loin de là, comme on le voit de nos jours, défait le souci de la dignité et le sens des solidarités humaines les plus profondes. 

Nos lecteurs trouveront dans l’extrait que nous publions ci-dessous un très beau passage où les qualités de l’auteur, j’espère, lui apparaîtront dans leur évidence. Dans cet extrait, un jeune fils de mineur doué pour les études mais qui méprise son instituteur, tente d’expliquer à son père, qui ne sait pas lire, pourquoi il ne veut plus prolonger ses études et désire, comme lui, descendre à son tour à la mine.  

mardi 8 décembre 2015

« TIRER L’ÊTRE VERS LE VOLUME ». CHRISTIANE VESCHAMBRE : QUELQUE CHOSE APPROCHE.


Elie Lascaux, La Maison de l'homme-plumes
 « Y-a-t-il un concept d’un pas qui vient dans la nuit, d’un cri, de l’éboulement d’une pierre dans les broussailles ? De l’impression que fait une maison vide ? ». Et si c’était justement de la capacité qu’elle possède, hors concept, comme le suggère Yves Bonnefoy dans les Tombeaux de Ravenne, de nous amener à sentir, éprouver, tout ce qui du fond, habité, de notre conscience, déborde notre pouvoir de « représentation », de « définition » du monde, que la poésie, une certaine poésie – d’ailleurs pas la plus répandue de nos jours – restait et restera toujours indispensable pour une partie d’entre nous.

Non. Il n’est pas vrai que la poésie soit faite pour nous permettre de nous exprimer.



mardi 1 décembre 2015

ODETTE PERDUE ET RETROUVÉE ! L’INTERLOCUTRICE DE GENEVIÈVE PEIGNÉ.

Qu’attend-on d’un écrivain sinon qu’il mette des mots sur des espaces de notre vie qui avant lui échappaient encore à la parole, ou qu’il éclaire à son tour d’un jour nouveau, d’une intensité plus puissante ou sous des angles singuliers, ce que les habitudes de langage, les conditionnements culturels ont fini par dérober à la conscience sensible. L’écrivain, de son côté fait quant à lui chaque jour l'expérience que, si la langue qu’il travaille peut être l’instrument d’une libération de sa parole,  elle peut aussi rester celui de son enfermement dans ce qu’Yves Bonnefoy appelait si bien « la séduction des structures closes ».
Le beau livre, et courageux, de Geneviève Peigné, l’Interlocutrice, me semble, à cet égard, particulièrement digne de retenir l’attention. De nombreux comptes rendus ont déjà été donnés de cet ouvrage, et qui lui rendent pour la plupart justice. Poignant, bouleversant d’humanité, délicat. Un émouvant mémorial consacré à une mère disparue victime de la maladie d’Alzheimer, une plongée dans la maladie et les affres du mal être, un essai tragique sur la vie et la lecture qui, comme l’écrit l’un des premiers Eric Chevillard dans le Monde des livres, avoisine à travers les paroles retracées de la mère, les effets produits par une certaine poésie contemporaine... tout a été dit, je pense, sur ce livre à nul autre pareil.

mercredi 25 novembre 2015

BANDE DE GAZA. SYLVIE NÈVE.

André ROBILLARD, LAM, Villeneuve d'Asq

L’Atelier de l’Agneau vient de publier Bande de Gaza, un intéressant texte de Sylvie Nève que certains peut-être se souviendront d’avoir entendu, il y a quelques années, sur les antennes de Radio-France sous la forme d’un oratorio mis en musique par le compositeur Éric Daubresse. Le livret de cet oratorio s’accompagne de textes plus récents dont l’un d’ailleurs réagit au propos d’un journaliste trouvant apparemment surprenant que l’auteure ait écrit, sans «y  avoir jamais mis les pieds », sur cette terre qu’elle a décidé, non de chanter, mais de prendre comme objet de pensée « pour y comprendre quelque chose ».

samedi 21 novembre 2015

GRAND STADE DE LUDOVIC JANVIER

Les récents événements auxquels nous pensons tous ont associé dans les esprits l’image d’un stade, celui du Stade de France, et celle d’une violence considérée parmi les plus extrêmes et les moins humainement défendables. Fidèle à cette philosophie qui tend moins à apporter des réponses toutes faites qu’à tenter d’élargir et d’approfondir la réflexion en se refusant autant que faire se peut aux simplifications parfois grossières des journaux, aux réflexes mentaux dont nous pourvoient les formes diverses de dressage auxquelles nous sommes plus ou moins soumis, j'ai éprouvé le désir de relire le texte magnifique du poète Ludovic Janvier, intitulé Grand Stade.
   

" à tout instant la planète est ce stade où c'est l'heure
pour nous cocus pour nous battus de s'amuser au match
l'heure où beaux gisants du voir venir on assiste tranquilles
à la ruée sur nous des morts plein cadre sans bouger
de nos gradins chacun chez soi où tout vient apparaître
crier puis disparaître entre stupeur et sommeil

soixante-sept morts à zéro l'autre jour un beau score "


mercredi 18 novembre 2015

CENDRARS. PATRICIO GUZMAN. FABIENNE RAPHOZ ... TIENS VOILA DU BOUDIN ! COMMENT SORTIR DU NOIR ?

C’est effectivement le travail des artistes. Des écrivains. Des penseurs. Et bien entendu des poètes. Il serait toutefois dangereux de minimiser les difficultés d’une telle entreprise. Tant la réalité, si tant est qu’on puisse comme ça la désigner singulière, sidère. Tend à celui qui voudrait la regarder en face –pas à partir de ses simples réflexes mentaux - son visage pétrifiant de Méduse.

«  Un profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient pas à trouver ses mots »


Le poète Blaise Cendrars a connu, lui qui s’est volontairement jeté au cœur de l’épouvantable réalité de la première guerre mondiale, ce profond bouleversement de l’intelligence qui fait qu’on ne parvient plus à trouver ses mots, ses mots de poète, qui pourraient donner sens et l’on sait que contrairement à d’autres, comme Apollinaire par exemple, il ne se sentit plus en mesure – à l’exception d’ailleurs très significative de La Guerre au Luxembourg – d’écrire le moindre vers. Et dut attendre la seconde guerre mondiale avant de pouvoir évoquer sa propre blessure et de le faire, en prose.
Revenant en 1949, dans le Lotissement du ciel, sur ces moments où, soldat, il guettait à son créneau la nuit couvrant le no man’s land, il affirme qu’il ne trouve pas de réponse autre au terrible spectacle de la condition humaine « jetée en holocauste sur l’autel féroce et vorace des patries » que le refrain de la Légion, ce refrain qui, écrit-il, « vous fait franchir les parapets de la raison ».

« La perpétuelle réinvention de l’horreur à laquelle les hommes se prêtent de si bon cœur, de façon si diverse et parfois bien dissimulée, sur l’ensemble de la terre »



lundi 16 novembre 2015

ÉMIR ABDELKADER. POUR QUI LE VEUT CORAN. POUR QUI LE VEUT GUINGUETTE !

Portrait d'Abd el-Kader par Jean-Baptiste-Ange Tissier, 1852, musée de Versailles.
Que peuvent les mots des poètes face aux kalachnikovs ? Je ne sais plus trop ce qu’écrivait Jean-Paul Sartre à propos de cette question abordée par lui dans Le Monde du 18 avril 1964. Et je suis bien certain que les plus beaux poèmes du monde n’ont pas vocation à servir de gilet pare-balles à ceux que la violence déchaînée des hommes a malheureusement placés dans son funeste viseur.
De là à en inférer l’inutilité de l’art ou son impuissance face à ces terribles « architectes de la sensibilité », comme les appelle Don De Lillo dans Mao 2 que sont ceux qui entendent, par la radicalité de leurs actes accomplir la parole de Dieu, venger leurs propres martyrs ou hâter la venue de tel ou tel régime qu’ils voudraient imposer à tous, le pas est large qu’il importe surtout de ne jamais franchir.

L’art, s’il n’est pas propagande, ce qui lui arrive parfois, est l’anti-barbarie par excellence


jeudi 12 novembre 2015

LASZLO NEMES, BORIS PAHOR ET LES AUTRES ... FIGURATION D'INFIGURABLE

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Le magazine des Idées de Télérama propose cette semaine un article bien intéressant à l’occasion de la sortie du film de László Nemes, Le Fils de Saul. Cet article revient en particulier sur le débat maintenant un peu ancien mais qui n’a rien perdu de sa nécessité entre le célèbre réalisateur de Shoah, Claude Lanzmann et l’important spécialiste de l’image qu’est Georges Didi-Huberman. On sait que ce débat naquit à l’occasion de l’exposition de 4 photographies prises, dans les conditions qu’on imagine, par des membres polonais d’un Sonderkommando qui voulaient, de cette manière, « archiver » pour l’Histoire les abominations dont ils étaient, pour reprendre le mot de Primo Levi, « les vrais témoins » en même temps que les involontaires et tragiques complices.

Je ne discuterai pas de la valeur du film de László Nemes dont je m’étonne quand même qu’il ait été si facilement adoubé par le bien sourcilleux Lanzmann. Je me propose simplement de prolonger la réflexion à travers quelques textes que la vision du film aura contribué à réveiller dans ma mémoire : celui du petit livre de Didi-Huberman, intitulé Ecorces, écrit à partir de sa visite du camp de Birkenau et des photos qu’il a prises lui-même des lieux où travaillaient les membres du Sonderkommando qu’on voit dans le film. Celui du roman de Vassili Grossman, Vie et Destin où il raconte pour la première fois, je pense, dans l’histoire de la littérature, la mort dans une chambre à gaz d’un de ses personnages et où, aussi, il met en scène un ancien comptable faisant le compte des « personnes » dont on lui impose de brûler les corps. À cela j’ajouterai deux courts extraits, eux-aussi bien intéressants du beau livre de Boris Pahor, Pélerin parmi les ombres, que j’ai découvert à l’occasion de la publication du petit livre que j’ai été amené à écrire à la suite de la visite que j'ai effectuée du camp d’extermination du Struthof. Il m’a également paru nécessaire de donner quelques extraits du livre paru en Poche sous le titre évocateur Des voix sous la cendre, où le lecteur trouvera le texte des Manuscrits retrouvés des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau.
Ecouter: l'émission de Caroline Broué Le débat sur la représentation de la Shoah est-il clos?

vendredi 6 novembre 2015

DE L’OCCUPATION DU CHAMP LITTÉRAIRE. L’EXEMPLE DE LA RELATION HUGO – SAINTE-BEUVE.


Il y a quelques années j’ai accepté à la demande de l’Association Ça-et-Là de tenir, dans le cadre de son Festival Sainte-Beuve (BSB), le rôle de Victor Hugo dans la reconstitution publique - qui devait être improvisée – d’une séance du Cénacle sensée se tenir entre lui, Victor Pavie et Sainte-Beuve à la fin des années 1820.
Cette manifestation se déroulant à Boulogne-sur-Mer, ville natale de Sainte-Beuve devait bien entendu servir les intérêts de notre grand critique national. Relisant dernièrement l’entretien que j’avais à l’époque rédigé pour les organisateurs en témoignage de cette manifestation, il m’a semblé qu’il pouvait toujours intéresser les lecteurs de ce blog par ce qu’il dit par exemple de l’engagement des poètes et de leur manière d’occuper le champ de la création.

BSB : Georges Guillain, vous avez tenu le rôle de Victor Hugo lors de la soirée inaugurale des Journées de la critique où  était évoquée l’atmosphère du fameux Cénacle qui réunissait chez Hugo les poètes romantiques de la fin des années 1820. Qu’avez-vous pensé de cette expérience ?

G.G. : Intéressante. Mais c’est trop dire que j’ai tenu ce rôle. En fait j’ai un peu l’impression d’être tombé dans un double traquenard. Comédien d’un soir, je devais improviser face à de véritables comédiens qui eux venaient lire leur texte. Non spécialiste de Hugo, je devais réagir comme si j’étais lui. Au début je me suis senti un peu mal en me demandant comment j’allais m’en sortir et effectivement j’ai commencé à parler à la troisième personne, un peu comme si je faisais cours. Mais j’ai écouté mes voix intérieures ( !) qui m’ont conseillé de me lâcher et alors j’ai vraiment commencé à m’amuser comme un fou car j’ai pris conscience aussi qu’en en en faisant parfois des tonnes je correspondais assez bien à l’image que la manifestation voulait donner de mon personnage : le méchant Hugo tout gonflé de lui-même et de son génie face à un Sainte-Beuve chlorotique certes mais infiniment lucide. La pauvre petite fleur des champs. Le garçon réfléchi et modeste.

BSB : C’est comme ça vous voyez ces deux auteurs ?

G.G. : Non.

BSB : Vous pouvez en dire plus ?

G.G. : Oui.

BSB : Mais encore.

mercredi 4 novembre 2015

MOI AUSSI D'ARIANE DREYFUS.

ARIANE DREYFUS
Ludovic Degroote vient de consacrer une belle note de lecture à l'ouvrage d'Ariane Dreyfus que nous avons très récemment publié à l'intention toute particulière - quoique non exclusive - du public scolaire.
On peut la consulter sur le site de Florence Trocmé, POEZIBAO.

Voici le début de cette note : 
Emprunté à un vers de Guillevic, le titre, Moi aussi, invite le lecteur à entrer dans ce livre à la couverture rouge vif, adjectifs et couleur qui siéent à l’auteur, parce qu’elle ne cesse de dire la vie, le corps, mais aussi parce que ce rouge est une couleur de conte, celle du Petit Chaperon Rouge évoqué en exergue, dont le personnage est rapproché du poète car " ce qu’il répond surgit du plus profond de nous". 


Signalons également la présentation attentive de cet ouvrage et de notre entreprise qu'a effectuée Claude Vercey dans son très actif magazine numérique.

lundi 2 novembre 2015

LA QUÊTE INFINIE DE L’AUTRE RIVE. SYLVIE KANDE.

Cliquer pour ouvrir ou télécharger le Dossier
Dans le prolongement de nos réflexions sur la poésie de circonstances, il nous parait intéressant de revenir aujourd'hui sur un ouvrage que nous avons en son temps défendu,  La Quête infinie de l'autre rive de notre amie Sylvie Kandé, qui a le mérite de situer de façon infiniment plus large ce drame qui n'a fait ces derniers temps que s'amplifier : celui des migrants originaires d'Afrique.

L'idée de revenir sur ce livre paru en mars 2011 dans la collection Continents noirs de Gallimard nous a été donnée par la lecture de l'intéressant ouvrage de Jean-Paul Mari, Les Bateaux ivres que viennent de sortir les éditions Jean-Claude Lattès.

Paysans qui sur le tard s'étaient faits marins / Ils rament désormais sans chanson ni ahan 
  

A ceux que la question intéresse, nous proposons de télécharger notre dossier dans lequel ils trouveront quelques extraits du livre de S. Kandé, ainsi que la note de lecture que nous lui avons en son temps consacrée, le tout accompagné d'un aperçu de l'ouvrage de Jean-Paul Mari. 



dimanche 1 novembre 2015

PROPOSITIONS DE RENTREE


Prenant la suite du 

LES DÉCOUVREURS 2  

continuent d’accompagner les enseignants dans leur recherche d’actions originales, créatrices à la fois de sens et de valeurs, autour de la littérature vivante.




Prix des Découvreurs 2015-2016


Il s’ouvre largement à l’international avec les ouvrages, en édition bilingue, d’un poète chinois et d’une poète irlandaise. Signalons aussi celui d’une poète syrienne, Fadwa Souleimane qui réfugiée en France tente de mettre des mots sur l'expérience profonde qu'elle a du conflit qui ensanglante son pays depuis de nombreuses années.
Le Dossier comprenant d'importants extraits et de nombreuses illustrations peut être téléchargé directement en quelques minutes
Ils offrent de nombreuses possibilités d’exploitation dans les classes même pour celles qui ne participeraient pas à l’ensemble de l’opération.

Découvrir un poète contemporain :