jeudi 12 septembre 2024

ANTHOLOGIE DÉCOUVREURS. EMMANUEL MOSES. UN ENTERREMENT.

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J’ai suffisamment fait état sur ce blog de la sympathie et de la considération que j’éprouve envers la poésie d’Emmanuel Moses pour me sentir obligé aujourd’hui d’y revenir. Emmanuel Moses est de ces poètes féconds et reconnus qui bénéficiant du privilège de pouvoir à volonté publier ses ouvrages dans les maisons les plus diverses, possède malgré cela le don, la grâce, de ne jamais lasser. Sans doute parce qu’il est véritablement poète c’est-à-dire pense réellement avec le cœur, un cœur nourri en profondeur d’une riche, profonde et lointaine expérience du monde et de la vie. Qu’une maîtrise parfaite de la langue, un sens subtil des tonalités, une perception non moins fine du rythme capable de s’affranchir, sans heurter, des métriques conventionnelles, lui permettent de figurer sans avoir besoin de recourir aux pénibles acrobaties, aux confus hermétismes, auxquels s’abandonnent certains.

vendredi 6 septembre 2024

BOUQUET FINAL ? SUR JEUX D’OISEAUX DANS UN CIEL VIDE de FABIENNE RAPHOZ CHEZ HÉROS-LIMITE.

Entendez-vous dans les mots         

                                                          se déplacer (changer de sens)

                                                          les leçons semblables aux oiseaux

                                                          de ce discours embrumé?

[…]

 

                                                            Jeux d'oiseaux dans un ciel vide

 

Robert Duncan, The Opening of the Field, New York: Grove Press, 1960 ;  traduit par Yves Di Manno

 



Rendant rapidement compte hier du dernier ouvrage de Fabienne Raphoz, Infini présent, je me suis rendu compte que le long article de présentation que j’avais consacré à la sortie de ses Jeux d’oiseaux dans un ciel vide, n’était pas disponible sur ce blog. Cet article éclairant la démarche particulière de cette auteure que j’estime importante, je crois utile de le republier aujourd’hui.

jeudi 5 septembre 2024

POÉSIE ENCORE. VIVE TOUS LES OISEAUX !

J’ai de la sympathie pour ceux qui regardent les choses, qui regardent le monde, avant de regarder les mots. Surtout avant de se regarder eux-mêmes. Non que les mots ne comptent pas. Non plus que je ne sache que les choses pour nous ne prennent corps qu’à travers les représentations que nous nous en faisons, mais j’aime que mon attention soit portée vers ce qui en dehors de moi existe, élargit, amplifie, ouvre mon paysage. L’ouvrage que Raymond Farina,  jusqu’à présent inconnu de moi, m’a fait parvenir de Dinard où il se trouve apparemment en convalescence, est largement consacré aux oiseaux qu’il observe depuis l’enfance. Certes on n’y trouve pas cette grande liberté, ni ces audaces, que manifeste l’écriture par exemple de cette autre grande passionnée des oiseaux qu’est Fabienne Raphoz, toute nourrie de cette poésie américaine qui aura largement contribué, parfois d’ailleurs pour le pire, à décorseter une bonne part notre poésie.  Mais le confiant et paisible conformisme ici de la forme laisse au lecteur davantage d’espace pour se pencher avec l’auteur sur le vivant sujet qu’il traite. Ainsi de ce bruant zizi qu’il me fait découvrir page 17 de son recueil. Dont je m’efforcerai désormais de reconnaître, à travers les haies qu’il m’arrivera de longer, la trille expéditive et un brin métallique qui lui a donné son nom.

LE BRUANT ZIZI

mercredi 4 septembre 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : INFINI PRÉSENT DE FABIENNE RAPHOZ CHEZ HÉROS-LIMITE.

 

Après le monde des oiseaux c’est sur celui des insectes que le dernier livre de Fabienne Raphoz se penche. À sa façon à la fois érudite et joueuse mais toujours pleine d’attentions. Cela donne un ouvrage des plus singuliers dans lequel chaque poème trouve plastiquement et intellectuellement sa forme en fonction de son sujet, le mot sujet étant ici à prendre au sens autant biologique que linguistique du terme, l’insecte particulier ou l’espèce qu’évoque chacun des 73 poèmes de l’ensemble n’y apparaissant pas comme objet d’étude mais comme le partenaire d’une espèce de danse ludique rendant grâce à l’infinie diversité du vivant et à notre capacité poétique à en accueillir, en recueillir, la précieuse et de plus en plus fragile substance.

 

RENTRÉE 2024-25 : QUELQUES POÈMES AVEC DES ARBRES.


 

Il se publie des livres comme s’il en pleuvait. J’entendais récemment sur je ne sais plus quelle station nationale un critique affirmer que le roman dont il rendait compte était le meilleur des 437, je crois, romans dits de la rentrée ! Diable les aurait-il tous lus ? Pour ma part, j’aurai surtout consacré mon été à m’occuper de ce vaste terrain tout planté d’oliviers où depuis quelques saisons nous venons ranimer nos articulations quelque peu mises à mal par les humidités et la fraîcheur du nord. Dans la chaleur de la journée, les belles terrasses que nous avons sur la côte ligure s’offrant dans l’éventail large ouvert des versants qui sous nos pieds se succèdent sont plus propices à la contemplation voire à la simple jouissance de l’être là autour par exemple d’une bouteille bien fraiche des vins légers et pétillants de la région, qu’aux occupations littéraires auxquelles je m’adonne le reste de l’année. Je ne dois sûrement pas être poète au sens rilkéen du terme.

mardi 27 août 2024

RENTRÉE 2024-25 AVEC RAFALES DE BÉATRICE MACHET ET NOS NOUVEAUX PARTAGES.


Terme mis en juin dernier à notre longue et belle aventure du Prix des Découvreurs, nous sommes aujourd’hui heureux de proposer à la découverte ces Rafales que la poète et traductrice Béatrice Machet a récemment publiées aux éditions LansKine.

lundi 8 juillet 2024

PAUL LES OISEAUX (PORTRAIT) D'ERWANN ROUGÉ AUX EDITIONS ISABELLE SAUVAGE.


 EXTRAIT 

Il se tient là pieds nus

un fil de bave sur la joue

 

Regarde    avec le vertige

le glissement des vagues

la respiration des herbes sur la dune

jeudi 4 juillet 2024

RECOMMANDATION DECOUVREURS. AUSSI BAS QUE LES FLEURS DE DENISE LE DANTEC CHEZ UNICITE.


 

Depuis que je l’ai découverte, il y a maintenant plusieurs années, je suis et demeure un inconditionnel de la poésie de Denise Le Dantec. Son tout dernier livre ne fait que me conforter dans l’idée que nous avons bien avec elle, comme je l’écrivais dans la note de lecture que j’ai consacrée à La Poésie est sur la table, paru l’an passé aux mêmes éditions Unicité, une de nos voix poétiques les plus intéressantes et les plus humainement stimulantes du temps : « une poésie qui n’a que faire des simplismes, des intellectualismes, des formalismes, des platitudes, des renoncements ou des vulgarités contemporaines, mais qui, parfaitement au fait de tous les questionnements et de toutes les libertés qui auront marqué l’histoire poétique des cent dernières années, continue de porter au plus haut un désir de parole totalement ouvert sur le monde dans toute sa beauté comme dans sa non moins fondamentale monstruosité. »

jeudi 27 juin 2024

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. SIGNES DES TEMPS DE CHRISTOPHE MANON CHEZ HÉROS-LIMITE.

"Comme la lumière comme souvent le soir comme elle décline et s’estompe puis vient la nuit, c’est tout comme. Ou comme s’il y avait eux, il y avait toi, il y avait nous, il y avait lui et elle, et nous étions tous si tangibles, comme vêtus de rêve et changeant sans cesse de forme, et comme opulents, comme manifestes, tournant à une vitesse vertigineuse sous un vieux ciel de rouille, et tout cela était d’une douceur infinie. Comme des corps vaincus, comme des corps triomphants, comme étendus ensemble et semblables sur le sable, heureux peut- être à regarder la mer. Et le ressac des vagues. Ou bien était-ce du désir. Ou le vaste espace qui soudain s’ouvrait puis se refermait. Comme si cela pouvait avoir de l’importance. C’est bien cela, oui, c’est cela qui nous fut demandé. « Ici plus qu’ailleurs, l’homme peut contempler avec effroi l’abîme de misère où l’esprit de violence et la primauté de la force l’ont précipité. » Mais pitié, dit-elle, pitié. Pitié, pour la perte des roses. Un deux trois et quatre et encore un c’est toujours assez, c’est assez mais trop vite. Mais ce n’est pas un lieu, ou si peu. À se serrer les uns contre les autres. À jouer à cache-cache. À rire aux éclats et hurler et chanter et se déhancher et se divertir et tout cela pourquoi ? Pourquoi ? Oh pourquoi ? Et comment faire face ? Comment de tout cela faire signe ? Marchant vers de nouveaux soleils, toujours plus grands, plus grands encore, et ce n’est pas fini. Car jamais, non jamais nous ne sommes las. Tes lèvres sur ma peau. Qu’est-ce sinon danse de particules ? Une présence qui n’est peut-être pas une illusion. Ni songe ni vapeur. Où nichent précisément les morts en leur juste savoir. Un avion. Un chien. Un baiser. Un tracteur. De vieilles carcasses rouillées au bout des rangs de vigne. Un baiser. Un kilo de patates. Un dimanche. Un trèfle à quatre feuilles. Un lapin doux assez pour apaiser la peur. Et usines et machines et moteurs et solides c’est penser aussi. Et de faire les foins, de récolter les moissons, et ce n’est rien, sois sage, sois sage s’il te plaît. À sécher les larmes. Et quoi d’autre ? C’est le son de ta voix qui m’émeut. Sous toutes les coutures. La rage. La rage est le luxe authentique d’une splendeur infiniment ruinée mais qui sait le prix d’une émotion partagée et rien d’autre, rien d’autre et davantage. À se pendre à ton cou. Voici si longtemps que j’existe, je ne peux rien oublier. Si tu n’as pas la tête à ça. Rouge. Rouge et noir, la bannière des possibles. Que loué soit l’instant où d’un élan soudain tu me pris par la main. C’est bien là la bonne mesure. Maman, c’est toi, c’est bien toi, maman, c’est toi ? Qu’à présent nous avons soif. Qu’ils se nourrissent d’insectes et de limaces. Qu’elles n’ont pas froid aux yeux. Qu’assurément cela te plaît si maintenant je jouis. Ici pas plus qu’ailleurs. Prédateurs et proies. Leur mince espoir de ne pas disparaître. Leur immense espoir de ne pas disparaître. Maintenant qui n’est pas maintenant maintenant. On parvient à se retrouver dans une grande confusion. Si le temps le permet. Un crapaud, un oiseau petit, très petit ou seulement petit. Et merci, merci pour les voici. Que sont-ils devenus ? Est-ce que je sais ? À quel âge ? Où cela nous mènera-t-il ? À quoi ça rime ? Qu’en dis-tu ? Nous sommes en septembre, nous sommes en octobre, en novembre, en décembre, en janvier, nous sommes en février. Des morts, tant de morts, ensevelis sans funérailles. À perdre la face. Le monde ancien toujours refait surface."

 

« Voici si longtemps que j’existe, je ne peux rien oublier », confie dans son dernier ouvrage  Christophe Manon qui réalise par ailleurs que « toute chose, toute chose en cache une autre. Toute chose en cache une autre. » De là sans doute cette façon pour lui de se souvenir[1], de faire signes des temps, sans chercher à en effacer la confusion, dans une succession de proses qui tiennent de la danse des particules[2] ou du vol en apparence erratique des oiseaux[3].