Aujourd’hui – ça faisait trop longtemps – bon soleil, vent tombé, odeurs de terre, le parfum d’un lilas… C’est un matin de promenade. À divaguer avec le chien… Non. Je ne partage pas l’avis de ceux qui pensent que les espaces numériques librement ouverts à notre curiosité ne sont pas faits pour y partager des formes quelque peu exigeantes de poésie. Tout medium, on le sait, présente ses avantages qui se font toujours au détriment de quelque chose. Si l’avantage du numérique est son apparente gratuité, sa facilité et sa rapidité d’accès, sa capacité à affranchir les auteurs des conditions matérielles, économiques, commerciales et relationnelles auxquelles oblige l’édition traditionnelle[1], on ne doit pas sous-estimer que la démarche consistant à parcourir des yeux un texte proposé sur un fil d’actualité Facebook ne peut être la même que celle conduisant l’acheteur d’un livre à lire ce même texte l’esprit déjà bien disposé, chez lui, voire à la terrasse d’un café. Toutefois quand on sait combien peu nombreux sont ceux qui achètent vos livres, combien sont encore infiniment moins nombreux ceux qui vous font part de leur réaction, la tentation du numérique n’est pas sans séduction.
Chacun à notre place nous sommes les acteurs de la vie littéraire de notre époque. En faisant lire, découvrir, des œuvres ignorées des circuits médiatiques, ne représentant qu’une part ridicule des échanges économiques, nous manifestons notre volonté de ne pas nous voir dicter nos goûts, nos pensées, nos vies, par les puissances matérielles qui tendent à régir le plus grand nombre. Et nous contribuons à maintenir vivante une littérature qui autrement manquera à tous demain.
samedi 11 mai 2024
jeudi 9 mai 2024
AUTOUR D’ALPAREGHO / PAREIL À RIEN QUE RESSORTENT LES ÉDITIONS LURLURE. ÉCHANGE AVEC HÉLÈNE SANGUINETTI.
C’est le grand mérite, entre bien d’autres, des éditions lurlure que de ne pas hésiter à publier de nouveau des textes parus certes, il y a de nombreuses années mais rendus malheureusement inaccessibles, par le défaut de leur éditeur. On ne remerciera donc pas assez Emmanuel Caroux d’avoir récemment repris Et voici la chanson d’Hélène Sanguinetti et aujourd’hui encore l’extraordinaire Alparegho, Pareil-à-rien, de la même, pour les remettre à la disposition des véritables amateurs de poésie.
Je suis depuis très longtemps le travail d’Hélène Sanguinetti, depuis son tout premier ouvrage, paru chez Flammarion, De la main gauche exploratrice, paru en 1999. À la sortie d’Alparegho, je lui adressai une lettre pour la remercier de son envoi. Je crois intéressant, surtout après avoir publié hier sur ce même blog l’extrait d’une longue réflexion de Charles Asselineau sur les manques de la critique littéraire, de partager ici l’échange, datant de septembre 2005, dont cet envoi fut pour Hélène et moi l’occasion. Comme nous sommes loin de la superficialité des échanges suscités par l’impatiente bousculade des réseaux sociaux !
Chère Hélène,
Je viens de terminer Alparegho.Tellement insolite et audacieux. Il m'apparaît comme un oratorio, une cantate, plutôt, pas exactement faîte encore pour les temps présents mais pour ces temps à venir, dépossédés de nous, de notre histoire, temps alzeimhériens où ne subsisteront en l'homme, que bribes de ce qui l'aura, jusqu'ici, constitué, intelligence, perceptions, sentiment douloureux de l'altérité généreuse du monde…
mercredi 8 mai 2024
CE QUI MANQUE AUJOURD'HUI AUX HOMMES D'UN VRAI MÉRITE. CHARLES ASSELINEAU À PROPOS DE BAUDELAIRE.
Écrivain, intime de Baudelaire ainsi que son biographe, Charles Asselineau livre dans cet extrait de l’Appendice qu’il a rédigé pour l’édition des Fleurs du Mal chez Lévy en 1868, son sentiment sur la responsabilité de la critique littéraire à l’égard du public de son temps. On ne pourra qu’être frappé par la pertinence de ses observations que le dit progrès des temps, l’esprit systématique de gratulation induit par les réseaux sociaux, nous conduisant à douter de la sincérité de tout jugement, me semblent avoir rendu d’une encore plus évidente acuité.
Les poésies de Charles Baudelaire étaient depuis longtemps attendues du public, j’entends de ce public qui s’intéresse encore à l’art et pour qui c’est encore quelque chose que l’avènement d’un poëte.
Et, à ce sujet, ne calomnions pas trop la société actuelle. Il est difficile que quelque chose de beau ou de bon se produise sans que cette société, qu’on dit si matérielle et si endormie, n’en reçoive quelque agitation. Je vais plus loin. Je suis étonné de sa bonne volonté à faire des succès et à se laisser duper par le mot d’ordre de ceux qu’elle investit de la fonction de l’éclairer.
mardi 7 mai 2024
DE LA DIVERSITÉ COMME ON L’AIME : UNE SÉLECTION DES DERNIERS LIVRES REÇUS.
Sur le vif. Cette particulière excitation de rassembler dans une même première prise les traversées toujours plus ou moins intérieures en dépit de leur diversité géographique de Pascal Commère, les merveillants tissages et d’images et de mots auxquels nous aura habitué Guillaume Artous-Bouvet, ces blocs arrachés des montagnes, figures pour Maud Thiria de ces hommes et femmes que leur grand-âge aura emportés loin, dans des établissements spécialisés, et les propos, recueillis à la fin de sa vie, d’un Walt Whitman n’hésitant pas à déclarer que s’il avait écrit un volume entier de « Capitaine mon capitaine » il mériterait une bonne fessée « ce qui serait encore très généreux comme traitement, au vu du ratage que serait un tel livre ! » Ratage, il ne semble pas y avoir dans ces ouvrages que je m’apprête à lire. Qui ont chacun leur exigence. Et me semble-t-il leur nécessité. Comme j’espère pouvoir en rendre bientôt compte.
lundi 6 mai 2024
FRANÇOIS COUDRAY, PRIX DES DÉCOUVREURS 2024 POUR ÇA VEUT DIRE QUOI PARTIR AUX ÉDITIONS ALCYONE.
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C’est avec un peu de retard que nous avons aujourd’hui le plaisir d’annoncer officiellement que le 26ème Prix des Découvreurs a été attribué à François Coudray pour l’ouvrage intitulé Ça veut dire quoi partir publié aux éditions Alcyone. Ce prix doté comme on sait par la Ville de Boulogne-sur-Mer que nous ne saurons trop remercier pour son engagement et sa fidélité, lui sera remis le mardi 21 mai prochain au théâtre Monsigny à l’occasion d’une manifestation où nous aurons aussi le plaisir d’accueillir Laurence Vielle, elle-même Prix des Découvreurs en 2017, qui viendra accompagnée du musicien Vincent Granger pour une de ces performances dont ils ont le secret.
jeudi 18 avril 2024
À PROPOS DES COUVERTURES CONTEMPORAINES DE JOËL BASTARD CHEZ GALLIMARD.
J’hésitais ce matin entre parler d’un tableau d’Ingres dans lequel étrangement je crois voir figurer un Magritte[1] et me casser les dents sur le très énigmatique recueil de Joël Bastard, Les couvertures contemporaines qui viennent de sortir aux éditions Gallimard[2]. Et si je tentais d’en parler ensemble ? Après tout il s’agit moins dans ce blog surtout dans ces derniers temps de rendre compte OBJECTIVEMENT d’une œuvre que d’en noter en moi, les prolongements.
lundi 15 avril 2024
RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS POUR POÉSIES CRITIQUES DE J.P. CAZIER CHEZ LANSKINE.
Les textes réunis ici - partiellement réécrits - ont été publiés dans la presse, écrits en vue de cette publication. [...] La critique dans la presse n’est pas une critique dont la valeur serait moindre par opposition à une plus «haute», plus ample et savante, à savoir la critique universitaire. Qu’une part importante de ce qui s’écrit dans la presse sous l’appellation de «critique littéraire» ne ressemble à rien n’est pas une fatalité.
[...]
La critique n’est pas l’exercice d’un jugement ni une évaluation scolaire. Elle n’occupe pas une position de pouvoir. La critique est de la pensée, elle doit être de la pensée avec l’oeuvre, avec le livre.
[...]
L’idée de livre pourrait être suspecte. Pourquoi un livre possèderait-il une unité ? Pourquoi serait-il un et non pluriel, multiple, changeant en cours de route ? Je préfère demeurer au ras des textes, de tel texte, un peu comme une taupe, en suivant des lignes, des mouvements, des ritournelles, des signes nécessairement obscurs. Et le lecteur, la lectrice, devraient se faire taupes. Il ne s’agirait pas de parler «du livre» mais de certaines lignes que l’on peut suivre, de certains mouvements, de certaines relations plus ou moins claires, plus ou moins silencieuses.
Jean-Philippe Cazier, pages 5 à 8
OUI DE VRAIS CRITIQUES EXISTENT ! A PROPOS DU LIVRE DE J.P. CAZIER AUX ÉDITIONS LANSKINE.
Oui il existe bien dans la presse une critique digne de ce nom. Si dans le domaine particulier de la poésie, l’attention vraie est certes ce qui le plus cruellement manque, les noms que, de peur d’en oublier qui comptent, je ne citerai pas, me paraissent encore nombreux de ceux qui, éveillés lecteurs, savent dans un certain nombre de media parmi lesquels il ne faut surtout pas négliger les espaces numériques, parler des livres avec intelligence et sensibilité. Et hisser la critique au rang d’art. Jean-Philippe Cazier est de ceux qui justement la portent haut. Et l’ouvrage que publient aujourd’hui de lui les éditions LansKine est là pour le prouver. Regroupant, en s’efforçant par leur agencement, de leur donner une forme donc une portée nouvelles, des textes consacrés à trois auteurs contemporains se signalant par la liberté avec laquelle ils remettent en question les formules communes pour ouvrir des espaces nouveaux et stimulants aux pensées que nous nous faisons du monde, le livre de J.P. Cazier témoigne qu’en dépit de tout ce que nous pouvons voir de déprimant dans le bas-monde de l’information servile et courtisane, l’imbécillité au sens ancien du terme n’a pas encore totalement gagné la partie. Ce dont il faut se réjouir.
samedi 13 avril 2024
CETTE POÉSIE NARCISSIQUE QU’ON NE CESSE DE METTRE EN AVANT !
Fatigué de cette vague actuelle d’articles qui glosent à l’envie sur le renouveau poétique opéré en particulier sur les réseaux sociaux par de jeunes poètes décomplexés s’employant enfin à faire passer la barbante poésie de papa, celle aussi qu’entreprend de faire connaître l’école, pour un stérile ensemble de formes inabordables et dépassées. Pour cette presse obscurcie qui n’a d’autres libertés que de savoir s’affranchir aussi bien de la réflexion que de la connaissance l’adhésion d’un millier de likes issus de troupes analphabètes vaut largement l’œuvre critique entière aussi bien d’un Blanchot que d’un Starobinski. Rien de nouveau en somme sous le soleil. Paraître l’emportera toujours sur l’être. Les grossières généralités proférées avec aplomb sur la recherche hésitante et subtile. Pour certains vieux poètes dont je suis la poésie pourtant aura été et est encore un instrument singulier de connaissance. Une forme exploratoire qui délivrée du discours et de toute volonté d’adresser un message cherche à faire surgir l’inattendu d’un sens qui resterait à tous, pour chaque instant, ouvert. Depuis longtemps j’oppose cette façon que peut avoir la poésie d’affranchir l’esprit de la séduction des structures closes à cette autre façon de la pratiquer comme simple manière, jouant potentiellement de toutes les tonalités possibles, de tourner un propos, d’illustrer un sentiment. Le pire étant à mes yeux cette poésie que j’appelle de connivence qui cherche effectivement à séduire son public par tous les marqueurs idéologiques d’appartenance. Ou la même complaisance dans les rejets ou les exécrations. Par nature la poésie qui ne procède pas du discours[1] et refuse de s’y laisser réduire court le danger d’être plus ou moins difficilement lisible. L’autre naturellement ne l’est pas préoccupée qu’elle est avant tout de séduire mais ce qu’elle propose à lire nourrit-il ses lecteurs de la même manière ?