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Musée des Beaux-arts de Tours et son cèdre du Liban |
Billet paru
à l’origine dans POEZIBAO et dont le caractère d’actualité, je pense, n’échappera
à personne.
Forêts de combat ! (Kampfwälder). Combien de fois ne
s’est-on pas heurté, jusqu’au cœur des situations les plus douces, les plus
apparemment bienveillantes à cette «dureté
imprévue» qu’évoque dans Paysages
urbains, Walter Benjamin comprenant au spectacle de fleurs «serrées en pots contre les vitres des
maisons», de certaine petite ville du nord – pensées, résédas – qu’elles
représentaient moins « un salut de la nature », «qu’un mur contre l’extérieur».
Politique, idéologie, la vieille
fantasmatique de la défiance et des exaltations imbéciles du moi et de
l’identité ravage toujours l’ensemble de notre pitoyable et souvent effrayante
économie humaine. Sait-on suffisamment par exemple que les gros concepts de
supériorité de la race aryenne et de purification ethnique exposés dans Mein Kampf furent, à l’époque nazie,
appliqués rigoureusement aussi au paysage. Destruction des espèces dîtes
dégénérées, malades. Proscription des variétés insolites. Des feuillages
bigarrés. De toute la gamme des grimpantes, des pendantes, des spiralées !
Bordures composées uniquement d’espèces indigènes droites capables de faire
obstacle au virus étranger tout en procurant au peuple le milieu nécessaire à
son bien-être physique et spirituel. Autour de 1939, le conflit qui embrase
l’Europe n’épargne pas les plantes ! Un groupe d’illustres botanistes soutenu
par les plus hautes autorités réclamera «une
guerre d’extermination» (Ausrottungskrieg)
contre… la balsamine à petites fleurs, cette intruse mongole, venue menacer « la pureté du paysage allemand» !