Les récriminations incessantes des ratés m'excèdent. Parmi elles il en est que
je supporte moins encore :
celles de ces poètes qui n'ayant rien à dire, rien à nous faire éprouver qu'une
profonde commisération pour leur piètre maîtrise, s'offusquent de l'absence
d'écho que suscite dans les media leurs œuvres ridicules. Je ne sais qui est ce
T. Deslogis dont j'ai découvert il y a quelque temps qu'il nourrissait
l'ambition de sauver l'humanité humaine (sic) en publiant chaque
jour un poème de sa composition dans un quotidien qui aurait l'intelligence de
lui ouvrir enfin ses colonnes ! Mais en matière de dénonciation quant au
scandale qu'il y a à frustrer le bon Peuple de sa voix immortelle, ce monsieur
ne fait pas dans la dentelle et il semble que son obstination tout comme
l'aveuglement de certains de ceux à qui il s'adresse, paient: chacun peut
désormais régulièrement se délecter sur le site d'une revue dédiée à la
culture (!!!), d'un poème de M. Deslogis traitant d'une actualité aussi capitale que
le fut, par exemple, naguère, la sortie de l’ouvrage signé par Dame
Trierweiler !
Voici les toutes premières strophes du fabuleux poème, justement intitulé Ecartèlement, que M. Deslogis consacre à cet évènement. Nous y verrons comment, pour reprendre ses mots, notre Archiloque "polit la graine de la pensée et nourrit la part la plus profondément humaine du citoyen":
"Du dénudé nappé d'art, tant la star brille,/ Au contre-vent qui mis à
nu tous nous les brise -/Écart...
J'ai vu la
rue a vu l'aveugle aussi par mime / A vu la nue qui prudemment titille /À la
normale à peine. Alors, là, fallait-il/ Aliéner l'humanique esthétisme ?/ En
s'écartant.
Et cependant
si les seins ne sont qu'aux filles/ L'émasculé, lui, est Président Où est la
crise ? / En Syriak islamisque au commandant Poutine ?/ Ou en
Chomdu ? Et non ! En #gateàpine ! / Écart..."
(sic, sic et resic!!!)
Écart! Oui, écart! Il y a loin
souvent entre les envolées programmatiques de ceux qui attribuent à la poésie
la merveilleuse capacité de transformer le monde, les rodomontades de certains
qui prétendent par la puissance de leur verbe nous dessiller les yeux sur les
horreurs ou les médiocrités de notre condition, et les bornes étroites entre
lesquelles leur pensée ou leur langue se meuvent.
De tous temps, sauf quelques
grandes exceptions, la parole des poètes s'est montrée inférieure à leurs
attentes. C'est qu'entre la conception et la création, entre l'émotion et la
réponse comme disait TS Eliot ( The Hollow Men, Les Hommes creux )
tombe l'ombre. Et qu'il est plus facile de se vouloir l'interprète des dieux,
l'instituteur des peuples ou de rêver comme Rimbaud, d'une langue qui soit de
l'âme pour l'âme que de se hisser par ses œuvres à la hauteur de ces ambitions.
Et peut-être que la poésie dont la nécessité n'est pour moi pas en cause
souffre, comme la politique d'ailleurs, des forfanteries de ces caboches
pleines de vent qui périodiquement la discréditent et ne peuvent qu'occulter le
fait que dans toute son actuelle diversité elle constitue, comme art, un mode
complexe, personnel, singulier et par suite irremplaçable, de penser le monde
dans sa relation avec la langue et inversement, et de se penser soi-même au
cœur de cette relation. Ce qui devrait impliquer pour chacun un minimum
d'exigence. D'interrogation. Et de conscience de ses propres limites.
Un retour sur le passé est
toujours éclairant. C'est pourquoi nous donnons ci-dessous un petit dossier
reproduisant des extraits d'un ouvrage de vers publié en 1835 par un duo
d'obscurs poètes qui ambitionnaient eux aussi de révolutionner le monde. Cet
ouvrage intitulé justement En Avant pourrait en faire
réfléchir plus d'un sur la vanité de leur "engagement" et de leur positionnement poétiques. Le lecteur
attentif y verra de manière éclatante à quel point nos jeunes poètes romantiques
se berçaient d'illusion. Guidés qu'ils étaient en fait par de grossières mais
inconscientes motivations narcissiques. Un désir au bout de paraître et de
séduire.
Le lecteur curieux qui ouvrira ce
dossier sera sûrement aussi très intéressé de voir comment l'un de ces deux
jeunes poètes ratés devenu journaliste se mettra - sous pseudonyme - à
éreinter, de manière d'ailleurs assez drôle et même parfois pertinente, les
gloires qu'il avait célébrées quelques années plus tôt: Victor Hugo, Lamartine.
Et les poètes en général !!!
Écart!
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