Suite à ma récente recension de son livre qui m’a fait découvrir la belle personnalité et la mal heureuse
vie de Madeleine Bernard, la sœur du peintre Émile Bernard, Marie-Hélène Prouteau
me propose cet article sur un tout récent recueil du poète Pierre Tanguy. Moi
qui, de toute mon enfance, ne passa pas une seule fin d’été sans me griffer
mains et bras aux ronces de mes campagnes, sans tacher indélébilement short et
chemise pour ramener à la maison, joues, lèvres et dents, rougis, noircis, des
seaux de ces petites drupes sauvageonnes qu’après cuisson j’aiderai ma
mère à presser dans de gros torchons, je ne pouvais que me réjouir de cette occasion
de me remémorer ces moments. Devenus pour moi comme la belle marchandise envolée
d’un bonheur.
La Cueillette des mûres, Pierre
Tanguy, La Part commune, 2021, 85 pages, 13 euros, par Marie-Hélène Prouteau.
Comme à l’accoutumée chez Pierre
Tanguy, ce recueil parle de choses simples de l’enfance. La cueillette des
mûres en Bretagne. Mais, comme souvent chez lui, ce petit fruit tout simple,
ces gestes simples disent autre chose qu’eux-mêmes. Voici la fin de l’été,
bientôt la rentrée des classes : c’est à ces signes que se repère l’enfant
qu’il fut, le Pierre Tanguy petit garçon « aux chaussettes de laine
montant jusqu’aux genoux ». Enchanté par les ronciers couverts de
fruits, refaisant aujourd’hui ces gestes d’hier, il retrouve sa mère qu’il
accompagnait chaque fin d’été à cette occasion. Comme s’il mettait ses pas dans
ceux de celle qui est à présent disparue. Plus même, il retrouve la terre-mère.
Sous la plume du poète, hier et aujourd’hui se mêlent, au détour de ces petites
proses et de ces haïkus, répartis en cinq séquences. D’où cette révélation : « Ma
mère m’a initié aux mûres ». Ce livre lève ainsi une mémoire lointaine
au contact multiple des plantes et des bêtes qui se nichent en ces lieux. Une mémoire
à la saveur très douce, inséparable de la tendresse.