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dimanche 5 juillet 2020

BONNES FEUILLES. INGÉNIEURS DE L’ÂME DE FRANK WESTERMAN.

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Vraiment. Un livre qui mérite, que dis-je ? qui devrait, être lu par tous ceux que préoccupe la relation entre pouvoir, volonté politique et réalité. L’auteur, hollandais, est ingénieur hydraulique et s’intéresse en particulier à la façon dont la littérature a répondu sous la pression du pouvoir soviétique à l’injonction d’accompagner la transformation radicale du système hydrographique de l'énorme territoire qu'il gouverne, moins pour améliorer les conditions de vie de tous que pour imposer aux yeux du monde l’idée de la supériorité d’un régime capable de dompter les forces les plus apparemment incontrôlables de la nature. C’est vivant. Précis. Concret. Désespérant aussi car on aurait bien tort d’imaginer que les délires autoritaires, l’arrogance technocratique, les prétentions théoriques à enfermer la réalité, la folie technologique et le gaspillage insensé des ressources matérielles et humaines qu’elle entraîne, sur fond de clandestine servilité et d’universelle courtisanerie, aient disparu de nos sociétés.

L’extrait que j’ai choisi met l’accent moins sur la dimension proprement littéraire de l’ouvrage que sur la question plus large encore de la contribution des pouvoirs et des puissances, scientifiques, technologiques et humaines qui lui sont inféodées, à la production en chaine de catastrophes écologiques et sociales. Tant la capacité d’illusion des hommes dans leur pouvoir et leur volonté de puissance sont grandes.

Ce passage peut aussi être lu comme une fable analogue à celle que nous raconte Fontenelle dans la Dent d’Or : le biologiste Aliyev qui raconte ici à l’auteur/narrateur l’histoire de la construction à travers le désert du Kourskistan du plus long canal du monde, me faisant penser à l’orfèvre mis en scène par le philosophe français.

De tels textes devraient être lus, connus des jeunes avant qu’ils ne soient lancés dans le monde dit actif du travail et des responsabilités. Pour qu’ils apprennent à se défier des représentations abstraites et simplistes dont le plus souvent l’école aura chargé leur esprit. Comme le dit le texte, l’eau est beaucoup plus que ce qu’en dit la chimie. Elle est la Vie. Une vie dont ils doivent apprendre à s’approcher dans toute sa complexité et sa fragilité. Sans l’excessive présomption des soi-disant sachants.

mardi 30 juin 2020

ÉLARGIR NOTRE MERVEILLEUSE CAPACITÉ DE PAROLE. DOSSIER FINAL D'EXTRAITS POUR LE PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21.

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Oui, comme nous l’écrivions l’an dernier, nous avons besoin de parole. C’est la vie. Et c’est le propre des poètes ou de façon plus générale de ceux qui entretiennent une relation dynamique au langage que de témoigner de cette nécessité profonde. Cela n’est-il pas merveilleux de réaliser que nous  sommes dans tout le vaste univers connu, la seule parmi ces millions et ces millions, ces milliards, peut-être, d’espèces vivantes, la seule à disposer de cette capacité de prolonger notre existence en paroles. Des paroles qui nous survivent. Et que pour les plus abouties d’entre elles et les plus nourrissantes, nous pouvons nous transmettre de générations en générations.

Mais cette capacité de paroles n’est en fait que l’une des manifestations de notre besoin plus large non seulement de nous représenter  les choses ou de nous exprimer mais par l’intermédiaire de nos facultés créatrices de libérer, augmenter, intensifier, exalter, comme l’écrit le philosophe Paul Audi, notre sentiment d’exister. Sur tous les plans où se joue en nous et dans le monde nos communes et singulières destinées.

C’est pourquoi on trouvera ici en lien toujours avec les extraits des ouvrages que nous avons sélectionnés toute une série d’oeuvres à découvrir et de questions à explorer. Rien n’est plus mortel pour l’intelligence que de s’enfermer dans des catégories. Ou des définitions. Catégories, définitions ne sont utiles que pour aider l’esprit à s’orienter. Une fois que l’on a regardé son plan, il importe de regarder la ville . Se perdre dans ses quartiers. S’imprégner de leurs différentes atmosphères. Ne jamais se contenter des visites guidées des principaux monuments.

On le voit. Le Prix des Découvreurs n’est pas un prix de poésie comme les autres. Son ambition est grande. Elle vise à aider ceux qui ne se contentent pas des formules toutes faites, à se construire et à inventer toutes sortes de parcours qui leur donneront non seulement de la poésie mais de l’art et de la culture une conception plus large, accueillante et vivante. Qui les amène à se constituer, dans l’écoute, l’échange, le partage des interrogations et des curiosités, en Sujet, non seulement rationnel mais aussi créatif et sensible, de leur propre parole, de leur propre existence.

Merci par conséquent à ceux qui rendent cette aventure possible : la Ville de Boulogne-sur-Mer qui nous soutient depuis toujours de diverses manières,  le Rectorat de Lille qui fait de notre action l’un des éléments de sa politique d’action culturelle et éducative, nos amis professeurs de lettres et documentalistes ainsi que les chefs d’établissement qui nous ouvrent leurs classes et bien entendu à nos amis poètes, écrivains, éditeurs et artistes qui s’impliquent avec générosité dans ce défi lancé à l’étroitesse présumée des temps.



mercredi 17 juin 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. SANDRA MOUSSEMPÈS.

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Le sixième des Cahiers d’accompagnement du Prix des découvreurs 2020-21 nous conduit dans ces espaces merveilleusement subtils qui s’animent aux frontières du son et de la voix.

Tout un travail autour de la voix, de ses vocabulaires, de ses principales dimensions, physiologique, organique, sociale, psychique, littéraire, mythologique, fantastique sans oublier la prise en compte des techniques visant à l’éduquer, la maîtriser, la conserver, peut être initié à partir de cette œuvre d’une grande richesse qu’est Cinéma de l’affect de Sandra Moussempès.

Comme pour les autres cahiers nous suggérons quelques pistes par tout un jeu de liens qui se révèleront actifs lors de la consultation sur l’écran du PDF ci-dessus ou du petit fascicule sous Calaméo. Découverte des plus prestigieuses salles d’opéra du monde, des histoires fantastiques générées à la fin du XIXème siècle par les inventions d’Edison, dialogue aussi avec l’œuvre d’une artiste contemporaine dont l’univers se rapproche étrangement par certains aspects de celui de notre auteur…

Mais bien entendu c’est au texte lui-même que nous demandons d’accorder la plus grande attention pour ce qu’il ouvre à la pensée par son approche inventive et sensible. En espérant que l’extrait que nous proposons éveillera en chacun le désir de découvrir l’ouvrage dans sa totalité.


mercredi 10 juin 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21.QUATUOR D'EMMANUEL MOSES.

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Pour ce cinquième des Cahiers d’accompagnement du Prix des Découvreurs 2020-21, consacré au Quatuor d’Emmanuel Moses nous avons choisi à travers l’extrait que nous en proposons de mettre l’accent sur le caractère « philosophique » de cette poésie qui interroge non seulement les sentiments, les sensations qu’éveillent en elle les vissicitudes, comme on dit, de la vie, mais aussi les idées, les pensées, qui tentent d’en rendre compte. Cela ne rend d’ailleurs pas le texte d’Emmanuel Moses, comme on le verra, plus abstrait. Loin de là. Comme pour les autres Cahiers nous avons multiplié les renvois à l’histoire de la peinture, incitant qui le voudra à se plonger dans la contemplation comme y invite le texte de l’auteur des extraordinaires portraits du Fayoum et dans l’art du memento mori. Tout en écoutant au passage un extrait d’un des plus déchirants morceaux de musique que je connaisse, le second mouvement du quatuor n° 14, en ré mineur, de Schubert, connu sous l’intitulé de La Jeune fille et la Mort.


jeudi 4 juin 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. NAGER VERS LA NORVÈGE DE JÉRÔME LEROY.

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Quatrième des Cahiers d’accompagnement du Prix des Découvreurs 2020-21, celui consacré au livre de Jérôme Leroy fait l’objet une fois encore de nouveaux prolongements. Le jeune lecteur y trouvera matière à réfléchir sur l’engagement et sur la nostalgie. Il découvrira peut-être cet univers particulier de la saudade, aura peut-être envie de suivre sur Google maps les itinéraires de l’auteur au cœur de la France profonde, réagira sans doute à la courte séquence d’un film de Jean Eustache que nous lui proposons de voir, regardera de façon peut-être plus attentive l’un des chefs-d’œuvre de l’impressionnisme de Monet, appréciera j’espère l’une des plus belles toiles – Les Amoureux - d’un peintre naturaliste toujours trop méconnu Emile Friant, fera un petit détour vers les poèmes d’automne de Guillaume Apollinaire, le roman d’Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes et aussi, pourquoi pas le Bonjour tristesse de Françoise Sagan. Le tout j’espère sans rien qui pèse ni qui pose, à l’image de cette poésie attachante, ouverte et intimiste signée Jérôme Leroy.  

samedi 30 mai 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. ALVÉOLES OUEST DE FLORENCE JOU.

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Véritable petit objet interactif* notre troisième Cahier d’accompagnement du Prix des Découvreurs 2020-21, consacré au livre de Florence Jou, entraînera certes ses lecteurs dans l’important travail de lien et de résidence qu’elle a accompli au Centre d’Art Contemporain, le Grand Café de Saint-Nazaire en proposant d’écouter soit l’intégrale de la performance qu’elle y a réalisée à partir de son texte, soit simplement le teaser, comme on dit, qu’en propose aussi Vimeo. Mais il ouvrira d’autres portes à la curiosité. Une œuvre se doit bien sûr toujours d’être intéressante en elle-même. Cela ne signifie jamais qu’elle doive se replier sur elle. Bien au contraire. L’œuvre est un nœud, un carrefour de sensibilité, de connaissance et de réflexion. Elle a pour source la vie, toute la vie et pour finalité toujours aussi la vie, mais la vie avivée, augmentée, fortifiée, redoublée… nourrie.

Ainsi le lecteur qui ouvrira notre cahier découvrira ce qu’est un Centre d’Art Contemporain, y verra le type d’œuvres qu’on y collectionne ou qu’on y expose et pourra s’interroger sur les différences qui fondent aujourd’hui les 3 paradigmes principaux de l’art que sont le classique, le moderne et le contemporain que trop souvent notre ignorance amène à opposer non pour les mieux comprendre mais pour se conforter dans ses malheureux préjugés.

La démarche de Florence Jou ayant une portée indiscutablement sociale et politique, et ne cachant en rien sa dimension d’engagement, nous avons aussi cru bon de renvoyer à l’esprit dit de Mai 68 à travers le rappel en illustration de certaines affiches mais surtout en proposant un lien vers un important travail sur l’esprit de révolution qu’on trouvera sur le site Gallica.

Et puis comme nous aimons les images élaborées par les artistes et la visite des musées auxquels nous consacrons finalement aussi bien du temps, nous avons attiré l’attention sur la grande figure, moderne, de Fernand Léger et le sympathique petit musée qui lui est consacré à Biot dans les Alpes maritimes, en proposant une découverte plus précise de son grand tableau intitulé Les Constructeurs. Pourquoi d’ailleurs ne pas profiter alors de l’occasion pour établir un parallèle avec les fresques réalisées aux usines Ford de Détroit, par le grand peintre mexicain Diego Rivera que nous avons évoqué dans notre cahier précédent consacré aux Autobiographies de la faim de Sylvie Durbec.

L’espace nous a manqué pour renvoyer au bien intéressant livre qu’Antoine Volodine a publié sous le patronyme de Maria Soudaïeva, Slogans, qu’on peut facilement utiliser pour motiver et orienter des ateliers d’écriture. Les curieux que nous n’aurons pas encore épuisés iront voir.

Note : dans ce Cahier, comme dans tous les autres, passer la souris sur le texte ou l'image pour voir apparaître les liens.

mercredi 27 mai 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. AUTOBIOGRAPHIES DE LA FAIM, SYLVIE DURBEC.


Second de nos Cahiers d’accompagnement pour le Prix des Découvreurs 2020-21, le document que nous mettons aujourd’hui en ligne est consacré aux Autobiographies de la faim de Sylvie Durbec. Beaucoup se demanderont comme ils le feront à propos de certains des autres ouvrages de notre sélection en quoi ce livre est bien un livre de poésie, étant essentiellement écrit dans une prose qui tient davantage du récit autobiographique, voire du journal intime que de ce qu’on attend généralement sous l’appellation de poésie. C’est que les frontières de genre sont aujourd’hui devenues bien floues et qu’il faut bien admettre que les artistes de la langue que sont en fait les poètes ont considérablement élargi le domaine formel dans lequel la poésie traditionnellement les enfermait. Il y a aujourd’hui poésie chaque fois qu’en réponse aux chocs émotionnels de la vie s’élabore dans un travail créateur de langue et de parole une réponse intelligente et sensible capable de résonner en profondeur chez des lecteurs que la sécheresse et l’ignorance des temps n’auront pas rendu incapable de curiosité et de partage. Certes, la liberté très grande que prennent souvent aujourd’hui les poètes vis-à-vis du langage ordinaire et de la langue communicationnelle, le caractère parfois déroutant de leurs associations et la part importante qu’ils laissent à l’implicite, exigent une forme d’attention dont on n’a pas toujours l’habitude. C’est au lecteur ainsi, le plus souvent de prolonger en partie l’œuvre dont il élabore en lui-même et pour lui-même le sens. Et c’est par là peut-être que la poésie largement nous humanise.

Dans ce cahier dont nous rappelons qu’il est aussi conçu pour permettre à ceux qui l’utilisent de prolonger leur découverte de l’œuvre par une découverte plus large de diverses questions d’art et de culture, nous avons choisi, de proposer une réflexion artistique sur notre rapport contemporain à la nourriture à partir d’une riche exposition que nous avons pu voir en 2014 au MuCEM de Marseille, ainsi qu’une réflexion sur la notion de frontière à partir d’une œuvre bien connue de l’artiste mexicaine Frida Kalho que nous avons découverte pour la première fois il y a bien, bien longtemps, lors d’un séjour à Détroit. Des liens internet permettent d’approfondir ces éléments. Dont nous espérons qu’ils seront largement utilisés pour ouvrir toujours davantage l’horizon des jeunes à qui nous nous adressons.

lundi 25 mai 2020

CAHIER D’EXTRAITS PRIX DES DÉCOUVREURS 2020-21. FAUT BIEN MANGER D’EMANUEL CAMPO.


Suite à la publication de notre sélection pour le Prix des Découvreurs 2021, nous avons aujourd’hui le plaisir de mettre en ligne le tout premier document d’accompagnement consacré au livre d’Emanuel Campo, Faut bien manger paru à La boucherie littéraire.

Ces documents doivent permettre de découvrir dans un premier temps l’ensemble des ouvrages sélectionnés à travers un choix attractif d’extraits. Les illustrations nombreuses qui les accompagnent ne sont pas destinées à faire joli mais à fournir outre des éléments supplémentaires de compréhension, quelques pistes pouvant donner lieu en classe à des parcours d’Education Culturelle et Artistique (les fameux EAC).

Le Prix des Découvreurs comme son nom l’indique a effectivement pour vocation de permettre à ceux qui y participent la plus large ouverture possible aux univers poétiques mais aussi artistiques contemporains. Ainsi le dossier de 6 pages que nous consacrons à Emanuel Campo propose une réflexion sur la figure de l’artiste contemporain et l’esprit d’autodérision dont il fait souvent preuve.

Enfin nous rappelons que notre association se propose de mettre en relation les élèves avec les auteurs qu’elle sélectionne. Ces derniers peuvent pour la plupart se rendre dans les classes, voire si cela n’est pas possible pour des raisons financières, échanger par les moyens virtuels que chacun a pu apprendre à apprivoiser au cours de ces derniers mois.

L’ensemble des dossiers devrait être disponible début juillet.

mercredi 20 mai 2020

METTRE EN PLACE DES PROJETS AUTOUR DU LIVRE, DE L’ECRITURE ET DE LA LECTURE DANS LE CADRE DE L’EAC.

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L'Agence régionale du Livre et de la Lecture Hauts-de-France vient de diffuser un important et très complet dossier qui devrait aider bien des professeurs de lettres et des professeurs documentalistes à monter à la rentrée prochaine dans leur établissement des projets autour du livre et de la lecture et pourquoi pas plus spécifiquement autour de la poésie.
Il n'est pas impossible que les circonstances sanitaires obligent les établissements à limiter leurs sorties culturelles et artistiques. Des actions autour du livre couplées avec des rencontres d'auteurs et d'artistes, dont certaines peuvent d'ailleurs s'effectuer à distance grâce à l'emploi de ces outils numériques que chacun a plus ou moins appris sous la pression des événements à apprivoiser, vont retrouver, je pense, une nouvelle attractivité.
Avec le Prix des Découvreurs à venir nous nous y préparons.

Points abordés 

EAC, place au livre !

+ Politiques publiques
+ Témoignages d’auteurs
+ Comment monter un projet ?
+ Des actions EAC en région

mardi 12 mai 2020

REMONTER AUX SOURCES DU VIVANT. SÉLECTION 2020 DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

Cela aurait pu être pour nous une très belle semaine. Avec d’abord aujourd’hui la remise officielle à Boulogne du Prix des Découvreurs 2020 et la découverte toujours très attendue des travaux effectués autour du Prix par diverses classes de collège et de lycée de la ville, en présence de nos amis de la Municipalité qui depuis près d’un quart de siècle s’est indéfectiblement tenue à nos côtés, des représentants du Rectorat de Lille qui lui aussi ne nous a jamais fait défaut et la présence exceptionnelle cette année de Philippe Le Guillou, Inspecteur Général de lettres mais aussi écrivain venu pour parler de la vie littéraire et du roman, car il n’y a pas bien sûr que la poésie, au monde. Puis nous nous serions rendus jeudi à Calais pour animer en collaboration cette fois avec nos amis du Marché de la Poésie de Paris, Yves Boudier et Vincent Gimeno, notre traditionnelle journée de découvertes où sur la Scène nationale du Channel, notre lauréat 2020 ainsi que la poète et traductrice Séverine Daucourt-Fridriksson, auraient mêlé leur voix experte à celles de dizaines et de dizaines de jeunes gens venus à côté de leurs professeurs, célébrer eux aussi leur intérêt voire leur amour, pour la poésie.

Comme on sait l’épidémie que nous traversons nous a obligés, non sans tristesse, à renoncer à ces moments privilégiés. Que nous espérons bien voir revenir bientôt. Comme nous le répétons sans relâche, la poésie n’est pas ce petit supplément d’âme ou cette joliesse d’expression qui vous décore à l’occasion un petit pan de l’existence. C’est une relation fondamentale, originelle, qui depuis toujours, noue et renoue la vie à la parole et la parole à la vie. C’est pourquoi nous pensons qu’en ces moments où la vie sous la pression des urgences qui ne sont pas que sanitaires mais écologiques, économiques, sociales, politiques, va devoir se réinventer il est plus que jamais important de remonter aux sources du vivant informant, instruisant, la parole dans ce qu’elle a de plus sensible et de plus rayonnant.

Dans notre nouvelle sélection nous avons donc tenté de rassembler des ouvrages dans lesquels ce lien profond entre la parole et la vie, la vie bien sûr sous ses diverses formes, dans ses divers niveaux d’appréhension, nous a paru évident. Tout en restant autant que possible accessibles à ces jeunes dont on sait bien qu’ils sont désormais, dans nos sociétés marchandisées à l’extrême, nourris, si l’on peut dire, d’attentes et de représentations, le plus souvent grossières. Des ouvrages que nous avons aimés et qui auraient aussi très bien pu figurer dans notre sélection n’ont pas été retenus et nous le regrettons. Mais chacun sait bien que l’exercice est difficile et comprendra qu’il était aussi nécessaire pour nous de proposer une certaine variété de formes, d’écritures, de thèmes, pour rendre aussi un peu compte de l’extrême ouverture du paysage poétique contemporain. D’autres critères sont intervenus comme la disponibilité des auteurs par rapport aux propositions d’interventions qui j’espère continueront de nous être faites. Trop d’auteurs cette année se sont dit indisponibles. Raison pour laquelle nous avons proposé à Jérôme Leroy de revenir dans la sélection et d’être ici le huitième homme. Nous avions avec lui un programme de rencontres auquel il s’est sans problème plié mais que le Covid a brutalement interrompu un vendredi de mars alors que nous étions du côté de la Villa Yourcenar. Il était aussi parmi les deux ou trois auteurs dont les élèves semblaient le plus apprécier l’œuvre. Redonner à son livre une nouvelle chance ne nous a pas paru injuste.

Le Prix des Découvreurs 2020-2021 est donc aujourd’hui lancé. Puisse-t-il contribuer comme il le voudrait tant à redonner à la poésie autre chose qu’un éclat de surface. Une image débarrassée de tout caractère passéiste, élitaire et bourgeois. Lui apporter, comme elle en a tant besoin, de jeunes et nouveaux lecteurs qu’elle accompagnera dans leur parole. Tout au long de leur temps.

Télécharger la sélection.

mardi 14 avril 2020

NOUVELLES DU PRIX DES DÉCOUVREURS.

Notre dernière sortie : avec les lycéens de Calais, découverte, rue Férou, à Paris, du Bateau ivre de Rimbaud.

Difficile, au moment où, du fait de la fermeture des établissements scolaires, nous voici contraints de renoncer à attribuer le Prix des Découvreurs 2020, de nous remettre à préparer l’édition à venir. Un quart de siècle déjà que nous nous sommes lancés, parmi les touts premiers, dans cette aventure de faire lire la poésie qui s’écrit de leur temps, aux jeunes des écoles, avec la perspective de leur faire découvrir la nécessité profonde, pour les humains que nous sommes, de relancer toujours, par toutes les ressources de notre savoir, de notre sensibilité et de notre imagination, la relation fondamentale que nous entretenons, par la parole, avec la vie.

La façon dont nous voyons aujourd’hui que notre action est un peu partout reprise nous inciterait presque à mettre désormais un terme à l'entreprise, n’était le désir de ne pas laisser ainsi le dernier mot aux puissances mortifères que nous avons toujours tenté, dans notre domaine propre, avec les moyens qui nous ont été donnés et les ressources personnelles que nous avons pu mobiliser, de repousser. Notre objectif, ne nous le cachons pas est profondément politique et non pas culturel. Ne visant à rien moins qu’à faire habiter le plus tôt et le plus largement possible, par chacun, notre maison commune de parole. Mais de parole vraie. Ouverte. Et si possible réflexive.

Nous donnons donc rendez-vous dans les semaines qui vont suivre à nos amis enseignants dont nous avons la certitude qu’ils auront, plus encore qu’hier, à s’interroger sur les contenus, le sens et les modalités de ce qu’il leur appartient de transmettre aux jeunes qu’ils ont pour mission de construire et d’éveiller. Il y aura de plus en plus pour eux à inventer. Á trouver. Dans de nombreux domaines, bien entendu. Mais surtout, croyons-nous, dans celui essentiel, de la parole. Dont nous savons à quel point elle oriente toujours l’action, bonne ou mauvaise, des hommes.

Nous espérons qu’ils trouveront alors, dans nos propositions comme dans la riche documentation que nous continuerons à leur fournir, dans notre blog, toujours plus de richesse et de bonne énergie à puiser.

mercredi 1 avril 2020

EMPÊCHER L'ESPRIT DE TOUJOURS PLUS S'INFIRMISER AVEC ARMAND LE POÊTE.


Ferons-nous grincer quelques dents en proposant aux élèves des collèges et des lycées d'entrer dans la poésie contemporaine à partir d'un ouvrage dont l'auteur annonce lui-même sur la page d'accueil de son site qu'il est dangereux pour les enfants et déconseillé par l'Education Nationale, a (sic) cause de l'orthographe ?
Composé de courts poèmes d'amour maladroitement calligraphiés, accompagnés de dessins tout aussi maladroits et naïfs, d'annotations désabusées, sans compter de nombreuses ratures, Amours toujours, le livre d'Armand Le Poête (avec un circonflexe) possède en apparence tout d'un brouillon de collégien loin d'être le premier de sa classe et risque de passer aux yeux de ceux qui se contenteront de le feuilleter, pour une provocation, une façon de tourner en ridicule les Poêtes eux-mêmes, du moins ceux qui en sont restés à ne voir dans la poésie que le moyen d'y exprimer les sentiments les plus convenus, voire un divertissement, une pochade un peu débile.
Il est de fait symptomatique que très peu de poètes qui publient régulièrement sur leurs confrères dans les revues de poésie qui leur sont pourtant assez généreusement ouvertes se sont attachés à rendre compte de façon un peu poussée des ouvrages d'Armand dont on dévoilera quand même pour ceux qui ne le connaissent pas qu'il est en fait la créature d'un autre poète très différent de lui et lui aussi sélectionné pour le Prix des Découvreurs 2015, le lyonnais Patrick Dubost.
Passionné de scène, amateur de performance, esprit remarquablement créatif, par ailleurs prof de math, Patrick Dubost est parfaitement à l'aise avec les techniques de communication et d'expression les plus actuelles. Il faut donc prendre les livres d'Armand qu'il publie avec constance depuis une vingtaine d'années avec, sinon tout le sérieux, du moins toute l'attention qu'ils méritent.
Il n'est pas nouveau que les poètes qui sont avant tout des artistes c'est-à-dire des inventeurs de formes, des expérimentateurs d'être, s'inventent des hétéronymes leur permettant, à travers la conception d'écritures et de dispositifs pour eux inédits, de donner corps à des aspirations différentes de leur personnalité. Tout le monde aujourd'hui reconnaît l'importance à côté du nom de Pessoa de ceux d'Alvaro de Campos, de Ricardo Reis ou d'Alberto Caiero pour ne citer que trois des quelques 70 hétéronymes jusqu'ici recensés du grand poète portugais. Sans passer par de tels pseudos - on dirait peut-être aujourd'hui avatars - il faut aussi bien admettre que l'éclatement puis la libération au cours du XX siècle de la figure et des potentialités de l'homme, préparés par la célèbre formule de Rimbaud: " Je est un autre", rendent de moins en moins acceptable pour un auteur conscient des multiples dispositions de son être et des non moins multiples propositions que lui adresse la vie, de s'enfermer dans un style. De se réduire comme disait Michaux parlant de son adolescence à sa boule hermétique et suffisanteMoi n’est jamais que provisoire. On n’est peut-être pas fait pour un seul moi. On a tort de s’y tenir. Préjugé de l’unité écrit ainsi l'auteur de Plume dans une postface de 1938. Avant de s'intimer, dans Poteaux d'angle, avec toute l'énergie dont il était capable et en réponse aux préceptes d'Epictète qui recommandait à l'homme qu'il se fixe une fois pour toute en société un style et un modèle, de tâcher au contraire de sortir de son style. Et d'aller suffisamment loin en lui pour que ce dernier ne puisse plus suivre.
Il faut donc bien admettre au cœur de l'inventive personnalité du très sérieux et très contemporain Patrick Dubost, le droit à l'existence d'un petit personnage né bien avant lui - ce serait en 1911 - qui, parce qu'il se livre follement, sans tabous, seulement soucieux du plaisir de dire et de la découverte, n'a pas tout perdu de son enfance, du temps où les bêtes allaient encore de compagnie avec les cœurs, où l'amour pouvait encore physiquement venir éclairer, transfigurer le monde, un monde à la rencontre duquel on ne craignait pas, calme orphelin d'aller, riche de ses seuls yeux tranquilles quitte à ce qu'il ne vous trouve pas malin.
Bien entendu Patrick Dubost n'a rien de l'absolue naïveté du Gaspard Hauser de Verlaine et dans le monde très intellectualisé de la poésie française actuelle, l'ingénuité retorse qu'il prête à l'œuvre d'Armand le Poête ne trompe et ne cherche à tromper personne. Jouant subtilement et plaisamment sur les attentes, les codes, il fait que la délicate et même parfois fraîche émotion dont ses livres sont assurément porteurs reste largement recouverte - il suffit d' entendre les réactions réjouies de son public - par une bonne couche d'humour drôle ou blagueur. Évacuant peut-être un peu vite la belle question de l'innocence et celles plus dures de l'absence, du ratage, de la fêlure et surtout de la mort. Formes par excellence du manque qui marquent en creux bien des propos de son personnage.
N'empêche, qu'en ces moments où l'on voudrait nous ramener à ces fondamentaux que sont, pour les disciplines littéraires, la maîtrise de la langue et de la pensée claire, et pour l'économie, pour ne parler que d'elle, la rigueur et la discipline, il est salubre de voir combien des poètes comme Patrick Dubost se rient de nos asséchantes gravités, nous démontrant comment, avec les moyens les plus simples mais aussi les plus fous, on peut par l'esprit d'invention, la manipulation décomplexée des mots, des images et des identités, interpeller les imaginaires qui leur sont reliés, pour empêcher l'esprit de toujours plus s'uniformiser, s'infirmiser. Jusqu'à manifester, au passage, ce que montrent bien ici les ratures, combien toute pensée d'abord bredouille, se cherche, s'élabore dans le manque et trouve, dans l'appel, l'ouverture, sa véritable respiration. Qui est par nature d'enfance.
Sans oublier de souligner que si la vie est une équation avec plein d'inconnues, il est bien normal de s'inventer plusieurs vies pour pouvoir les aimées toutes (sic). En toute liberté.


vendredi 21 février 2020

GUERRE AUX RESTAURATEURS ? UNE HALTE Á PIERREFONDS.

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Qu’est-ce qui peut bien constituer l’authenticité d’un monument ? Est-ce principalement comme semble le penser la majorité d’entre nous, la persistance dans le temps de ses matériaux d’origine. Auquel cas rien, nous venant des plus lointains passés, ne sera plus authentique bien entendu qu’une ruine. Ou, comme c’est par exemple le cas pour la tradition japonaise, la forme qui porte son esprit ou pour mieux dire le modèle immatériel qui aura pu dans le passé en susciter la construction et par la suite son usage.

Á ce moment de notre petite histoire nationale où nos responsables politiques auront à se prononcer sur les suites à donner à l’incendie de Notre-Dame-de-Paris, ces questions naturellement se posent. En des termes je veux bien le croire beaucoup plus complexes encore. C’est pourquoi je ne crois pas inutile de partager sur ce blog quelques réflexions qui me sont venues à la suite d’une visite du Château de Pierrefonds qu’on peut finalement considérer comme emblématique d’un type de restauration penchant plutôt du côté de la conception japonaise. Viollet-le-Duc n’a-t-il pas là, dans sa quête du monument perdu situé l’authenticité dans la reconstruction, à force de plongées dans le passé et d’un inlassable travail d’observation et de connaissance mais à partir aussi des matériaux et des techniques de son temps, d’un modèle idéal de gothique capable de parler à nouveau à l'esprit.

On trouvera dans ce dossier outre mes réflexions sur le site et quelques rapides recommandations pour le séjour, deux textes particulièrement intéressants que je donne dans leur intégralité, l’un d’Anatole France exprimant ses réactions à la découverte de Pierrefonds juste après sa restauration, l’autre de Victor Hugo, un  pamphlet magnifique et bizarrement très peu connu, que je recommande vraiment à tous pour sa verve inimitable et pour les multiples échos qu’il peut faire à notre sombre actualité.

mercredi 12 février 2020

NAGER VERS LA NORVÈGE HIER AU LYCÉE BRANLY DE BOULOGNE-SUR-MER.


Comme toujours grand plaisir d’avoir hier pu accompagner un nouvel auteur de la Sélection du Prix des Découvreurs au lycée Branly de Boulogne-sur-Mer. Et d’avoir ainsi pu découvrir moi-même la personnalité de Jérôme Leroy, un poète à la fois filial - par la reconnaissance qu’il voue à la riche tradition poétique qui l’a précédé - et singulier - par la façon qu’il a de savoir faire résonner à partir d’elle la relation intime et engagée qu’il entretient avec le monde contemporain.

Merci et bravo à l’importante équipe des professeurs de lettres et des professeurs documentalistes d’avoir pu maintenir en dépit des difficultés, la plus grande partie des 7 rencontres initialement prévues.


jeudi 30 janvier 2020

TÉLÉCHARGER LES PHOTOS DE NOTRE JOURNÉE AVEC DELACROIX, RIMBAUD ET LES TRÉSORS DU MUSÉE DE LA MINÉRALOGIE.


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TRAVAILLER POUR L’AVENIR. DE LA LUTTE DE JACOB AVEC L'ANGE AU MUSÉE DE LA MINÉRALOGIE DE PARIS !


Quel point commun entre La Lutte de Jacob avec l’Ange de Delacroix et ce minerai de couleur-brun-rouge appelé coltan, parfois encore tantalite, dont on nous dit que le sous-sol de la République démocratique du Congo contiendrait plus des trois-quarts des réserves mondiales ? 

Tout dans l’univers est lié. Nous n’avons que le choix des parcours. De ceux qui nous font avancer un peu plus dans la connaissance et la mesure de nos responsabilités. Ou à l’inverse de ceux qui feront de notre existence qu’elle n’aura servi à rien. Pire ! Qu’elle n’aura fait que contribuer à précipiter la perte de tout ce qui en nous, autour de nous, constitue la prodigieuse et fragile beauté de la Vie.

Les choses ne se passent pas trop bien, semble-t-il, ces derniers temps, dans les établissements scolaires. L’extrême concentration des esprits sur l’évaluation, le système des notations et le jeu permanent des contrôles, tendraient selon nos collègues à enfermer les apprentissages dans un temps administratif bien éloigné de ce qui féconde les curiosités, épanouit lentement la réflexion, intensifie pour finir la résonance des découvertes qui transforment.

Alors, un parcours comme celui que nous venons d’accompagner allant du dernier grand combat d’un des plus grands peintres du XIXème à la prise de conscience des guerres dissimulées aujourd’hui dans le monde pour la propriété des terres rares, un parcours qui fait traverser moins d’un kilomètre des rues parmi les plus richement historiques de Paris, du parvis de l’église Saint-Sulpice où se lisent encore des vestiges à moitié effacés de notre grande révolution jusqu’à cette partie préservée de l’Hôtel de Vendôme où se niche l’un des plus beaux musées de minéralogie du monde, un parcours allant de la petite histoire à la grande politique internationale en passant par la science des cristaux et l’art difficile de la fresque, de la petitesse de l’homme attaché à détruire les traces de ceux auxquels il est opposé à la grandeur des quelques-uns qui nous débordent par leur travail, leur créativité ou leur génie, oui, ce parcours pourra-t-il toujours s’effectuer avec les écoles ou ne restera-t-il que le souvenir d’un simple moment arraché à la triste routine d’une formation de plus en plus considérée autour de nous comme un dressage.

Travailler pour l’avenir ! tel est l’intitulé de la singulière journée que nous avons imaginée avec l’équipe rassemblée par le Proviseur du lycée Berthelot de Calais pour effectuer dans l’esprit du Laboratoire Novalis auquel j’ai l’honneur avec les Découvreurs d’appartenir, et dans le cadre d’un travail tournant autour de la publication par les éditions invenit du Système poétique des éléments, une véritable action éducative à vocation transdisciplinaire.

Tenons-nous en aux grandes lignes. Pour une bonne trentaine d’élèves de secondes qui pour la plupart débarquaient pour la première fois dans notre capitale, la découverte de la célèbre peinture de Delacroix La Lutte de Jacob avec l’Ange fut l’occasion de faire comprendre que toute œuvre est combat. Que la beauté, le génie ne sont pas donnés d’emblée. Qu’il existe toujours des difficultés à surmonter. Des matériaux à dompter. Que tout cela, bien sûr, réclame du temps. Parfois beaucoup de temps. Celui de la formation d’abord, puis celui nécessaire à la constitution d’une expérience. Et le temps pour finir de sa conception et de sa réalisation.

Le chemin qui mène de l’église Saint-Sulpice où s’admire (entre quantité d’autres choses) l’œuvre de Delacroix et le Musée de minéralogie (sis au 60 Boulevard Saint-Michel) passe très heureusement par une étroite et très courte rue, la rue Férou, qui fournit en raccourci l’occasion d’évoquer les mille et une richesses que la ville de Paris offre à la considération du promeneur curieux tout autant qu’averti. Sans négliger l’intérêt qu’il y a à se pencher quelques secondes sur le coût des offres immobilières exposées en vitrine de l’agence qui occupe le coin de la rue, et qui remarquons le au passage a pris la place d’une célèbre librairie, L’Âge d’homme !, on peut attirer ici l’attention sur le pouvoir d’attraction et de stimulation d’une capitale qui sur quelques mètres carrés d’habitation et à proximité du célèbre salon de Madame de la Fayette, accueillit tant d’illustres provinciaux tels Prévert, Chateaubriand, Renan, Taine, le peintre Fantin-Latour originaire du Dauphiné sans compter de grands américains comme Man Ray qui y avait un atelier, Hemingway qui dit-on y écrivit l’Adieu aux armes ou encore Scott Fitzgerald.

Bien sûr la rue Férou est aujourd’hui davantage célèbre par l’impressionnant poème mural de 300 m2 réalisé par le peintre calligraphe hollandais Jan Willem Bruins qui a reproduit sur le mur de l’Hôtel des impôts par quoi commence la rue, le célèbre poème de Rimbaud, ce fameux  Bateau ivre que le jeune Arthur aurait lu en 1871 dans un café aujourd’hui disparu, situé à quelques dizaines de mètres, sur la place. Utile nuance à nos propos concernant le vieux Delacroix : la valeur, comme le fait dire Corneille dans le Cid, n’attend donc pas toujours le nombre des années. Et c’est sa force aussi que de pouvoir se lancer, comme le fit Rimbaud et comme le montre son poème, dans l’inconnu et l’aventure déconcertante aussi des découvertes.

Traversant alors les beaux et classiques jardins du Luxembourg en profitant pourquoi pas de ses jolies toilettes gratuites (chose rare !) une photo s’impose avec en arrière plan le grand bassin et la majestueuse façade du Palais où depuis 1799 siège le Sénat de France. Sur quoi se fondent donc la grandeur et la magnificence d’un état ? Pas certain que les jeunes gens qui posent sur la photo se posent cette grave et difficile question. Une réponse leur sera toutefois en partie fournie au Musée de la minéralogie maintenant tout proche où les attend le conservateur Didier Nectoux qui, après leur avoir retracé un rapide historique du lieu,  expliqué les nécessités économiques, industrielles et par voie de conséquences politiques et pédagogiques auxquelles répond une école comme celle de l’École des mines dont le musée dépend, leur avoir magistralement fait comprendre pourquoi la cristallographie allait dès l’an prochain devenir une discipline obligatoire dans l’ensemble des programmes de première, les avoir aussi laissés s’extasier devant les merveilles de roches exposées dans ses innombrables vitrines, finit par leur parler de notre mystérieuse tantalite.

Non, la tantalite n’est pas que ce bloc relativement informe et pas trop séduisant de roche exposé dans la vitrine. C’est un morceau de matière dont l’appropriation est devenue aujourd’hui vitale pour les sociétés qui sont parvenues à rendre indispensables aux milliards d’êtres humains que nous sommes, ces portables par lesquels nous vivons désormais connectés. Les découvertes d’abord fondamentales des savants, la puissante créativité des ingénieurs et le savoir-faire des techniciens et des machines se sont rassemblés pour qu’autour d’une infime partie de la matière cachée dans cette roche, matière dotée de propriétés qu’elle est seule à posséder, puissent fonctionner ces appareils que nous utilisons sans jamais nous poser la question des ressources naturelles indispensables à leur création.

Le travail de connaissance des savants pour déterminer les propriétés singulières des éléments, ont conduit depuis l’avènement de l’ère industrielle, les autorités à s’intéresser sérieusement, méthodiquement, aux richesses innombrables des sous-sols comme à chercher par tous les moyens disponibles à se les approprier. Fut-ce par la guerre. Ou la colonisation. De la vient en partie la grandeur des états. Tous ces cailloux qu’on voit dans les différentes vitrines sont en fait des richesses dont la possession importe. Et conduit comme aujourd’hui par exemple au Congo à ces guerres qu’on dit tribales mais qui cachent en fait des intérêts économiques très puissants.

Demandant à son public de réfléchir un peu aux incidences des portables que chacun tient effectivement bien à la main, Didier Nectoux fait comprendre le lien avec le travail des enfants qui exploitent au Congo les mines de coltan. Lui demande jusqu’à quel point il se sent collectivement capable d’aller pour lutter contre de telles dérives. Avant d’insister sur le fait qu’il appartient à chacun de choisir son parcours. Car le monde a besoin de savants, de techniciens qui travaillent à la fabrication d’un monde plus responsable et proposent à tous des solutions viables. Mais aussi de politiques qui fédèrent les énergies en les organisant autour de lois justes et protectrices. De juristes qui pensent ces lois et les rédigent. De journalistes qui éclairent réellement l’opinion sur les véritables enjeux du monde dans lequel nous vivons. D’artistes qui nous illuminent et donnent un sens plus large à nos aspirations. De professeurs enfin qui sachent bien transmettre. Et qui d’abord éveillent.

Nous sommes passagers du temps. Sur une terre dont nous exploitons depuis toujours les richesses pour nous construire un environnement à la hauteur de nos besoins et de nos aspirations. Mais si ces dernières n’ont aucune limite, il n’en va pas de même des ressources naturelles dont nous disposons. Quel Ange viendra bientôt nous interdire comme dans cet autre tableau de Delacroix vu lui aussi à Saint-Sulpice, de pousser plus avant le pillage de ces biens pour en laisser leur juste part aux générations à venir.

On ne croyait voir là que des cailloux. De petits blocs de couleurs informes, au mieux quelques splendides cristaux arrachés quelque part aux entrailles comme on dit de la terre. On y a vu finalement notre histoire. Et les défis, formidables, qui nous attendent. Cela n’ira pas sans combat. Dans lequel il faudra que nos jeunes s’engagent. Chacun dans son domaine. Mais dans le souci commun de maintenant travailler, mieux que nous, à préserver l’avenir.

lundi 20 janvier 2020

PRATIQUER AUTREMENT LA LECTURE : POUR UN VAGABONGAGE

Vilhelm Hammershøi
Les espaces d’expression réellement libres et gratuits se rétrécissent de jour en jour. Ainsi vient de m’être annoncé la suppression dans les mois à venir de la plateforme qui jusqu’ici hébergeait mon tout premier blog. Qu’il m’est bien sûr proposé de faire migrer sur un site payant. Pour ne pas voir disparaître le fruit d’un travail qui me semble toujours utile j’entreprends donc avec ce long billet, en date du 7 novembre 2013, d’en reprendre régulièrement, ici, les principales publications. Qui ne me semblent pas avoir, avec le temps, perdu de leur pertinence. 


Il y a quelque chose du cheminement curieux, aventureux, profondément passionnel, mis en oeuvre par la découverte en voyage d'une ville étrangère, dans la lecture du texte littéraire. Principalement du texte poétique, cet espace signifiant, toujours un peu dépaysant qui constitue par rapport aux pratiques bien ancrées, situables, de la communication ordinaire, un ailleurs déroutant, remuant, de la langue.


La pédagogie des cartes, des grilles et des définitions procure aux esprits plats l'illusoire satisfaction de parcourir le monde, tout armés de la foi en l'existence d'un savoir objectivable qui dessinerait pour la masse indifférenciée de leurs utilisateurs des itinéraires obligés. Passant par toutes sortes de guides. En poésie, par les livres du maître. Le commentaire littéraire en trois parties. La reconnaissance des figures. Des écoles. Des monuments. Des mouvements...


Sans nier l'intérêt de la mise en valeur de repères communs, hors desquels bien entendu, il n'y aurait plus de communication efficace et réelle possible, il faut bien reconnaître que s'arrêter comme on le fait trop souvent à cette approche surplombante, désincarnée, du texte poétique ne peut donner qu'une image totalement réductrice de sa nature, de sa puissance latente de transformation, voire de sa nécessité propre.

L'espace vivant, dynamique, du texte n'est pas celui de sa représentation intellectuelle. Des chemins balisés. Des parcours ordonnés. De même qu'on ne commence à connaître une ville qu'en la parcourant physiquement, la découvrant par la marche, la vue, à coups d'égarements, de surprises, de tours et de retours qui ne vont pas sans fatigue et parfois sans déception, on n'entre dans un poème qu'à la condition de s'y engager vraiment. En traçant, crayonnant, gribouillant pourquoi pas, en tout cas, inventant son propre itinéraire. Dépendant des mouvements singuliers de sa conscience, de sa sensibilité. " En utilisant les énoncés toujours parcellaires du texte comme guides, certes, mais - comme l'écrit Yves Citton dans Gestes d'humanité - en les complétant pour en constituer une image plus vive grâce à l'apport d'informations fournies par des modèles cognitifs intériorisés, des mécanismes inférentiels, des expériences vécues et des connaissances culturelles, y compris tirées d'autres textes. "

Fernando Botero
Ce qui signifie qu'il n'y a pas de terme, de terminus à jamais arrêté de l'oeuvre. Ouverte de façon que chacun vienne y tracer son trajet propre, elle ne peut avoir, comme le monde lui-même, que des passagers temporaires, des lecteurs singuliers. Historiques. Auxquels l'école serait bien inspirée d'accorder un peu d'air. Laissant à chacun la possibilité de dérouler à l'occasion son propre fil d'Ariane, le suivre dans ses circonvolutions, ses allées, ses venues, au lieu, croyant bien faire, d'empêcher tout vagabondage en toujours s'efforçant d'acclimater notre inconnaissance grâce à des langages prétendument connus.

Car si les tableaux, les cartes ont certes leur mérite, pour ce qui est de pouvoir collectivement, socialement nous retrouver, nous situer, l'histoire, le récit des parcours, même erratiques, apparemment incongrus, que nous aurons effectués à l'intérieur de la matière buissonnante des espaces où nous avons pénétré, a beaucoup à nous apprendre sur nous, sur les réalités plus ou moins consistantes, résistantes en même temps fuyantes, des choses ( monde et esprit bien sûr) dont nous sommes continûment pétris .


Les notes qui suivent visent à compléter le billet précédent qui plaide pour une approche plus libre à l'école, de la lecture. Débarrassée des grilles artificielles d'analyse. Et de sa croyance, semble-t-il toujours trop prégnante, que le texte contient à l'intérieur de lui un sens, un sens objectif, comme définitif, qu'il s'agirait de commencer d'abord par découvrir et qui serait le même pour tous.


Petite citation éclairante pour commencer : nous l'empruntons à Joseph Conrad qui écrit à propos de Marlow, le jeune officier britannique narrateur d'Au coeur des ténèbres : " Les contes de marins sont d'une franche simplicité, tout le sens en tiendrait dans la coquille d'une noix ouverte. Mais Marlow n'était pas typique (sauf pour son penchant à filer des contes) ; et pour lui le sens d'un épisode ne se trouve pas à l'intérieur, comme d'une noix, mais à l'extérieur, et enveloppe le conte qui l'a suscité, comme une lumière suscite une vapeur, à la ressemblance d'un de ces halos embrumés que fait voir parfois l'illumination spectrale du clair de lune." P. 87 de l'édition G.F. traduction de J.J. Mayoux, 1989.

Claude Simon retiendra tout particulièrement ce propos en le plaçant en épigraphe de son tout dernier roman : Le Tramway, à côté d'une citation tirée du Côté de chez Swann de Marcel Proust.


N'entrer dans les livres, dans le poème en particulier, qu'à la condition de s'y engager vraiment. C'est la problématique même aussi du savoir géographique. Alors qu'on a longtemps enseigné la géographie à grands coups de nomenclatures, de cartes, de relations, de chiffres, de distance... imaginant pouvoir penser scientifiquement l'espace qui nous est donné à vivre hors du sujet vivant que nous constituons, toute la géographie actuelle se soucie de notre relation intime, particulière avec le monde qui nous entoure. Se développe au sein d'une véritable fréquentation de ce dernier. Allant jusqu'à concevoir l'espace non comme un ensemble extérieur donné, figé mais comme une pluralité possible de parcours différenciés. On lira dans l'ouvrage de Jean-Marc Besse, Le Goût du monde, principalement dans son dernier chapitre, Paysage, hodologie, psychogéographie, un bel exposé des diverses avancées réalisées dans ce domaine.

Le texte littéraire n'est en rien replié sur lui-même et la célèbre formule de Gertrude Stein, à savoir "a rose is a rose, is a rose..." sur laquelle s'est fondée une partie des avant-gardes brutales de la dernière partie du siècle passé fait totalement l'impasse sur les mécanismes effectifs de la lecture qui reposent sur des jeux complexes de connotations dans lesquels c'est l'ensemble de la conscience, intelligence et sensibilité liées, tout un monde de signes et de représentations plus ou moins agissants, singulièrement orientés par une existence personnelle, qui se trouve convoqué. "A rose" est toujours dans le moment de la lecture bien autre chose et beaucoup plus qu'une rose. Et jamais la même pour chacun. Et pour chacune des lectures que nous pourrons en faire.
La langue n'est pas un but en soi. Elle est une forme complexe et bien entendu essentielle de relation de notre être avec le monde. Mais c'est l'être ou la vie, le monde, qui sont aux deux bouts de la chaîne.

Espaces buissonnants de la lecture :
On rappellera ici les remarquables approches - qui devraient éclairer plus d'un pédagogue sur ses pratiques - de l'historien Michel de Certeau telles qu'il les formule dans l'Invention du quotidien (voir dans la collection Folio Essais, l'Introduction Générale, p. XLVIII et suiv.). Je pense à sa notion de "lecture braconnage" dont il faut bien admettre qu'elle ne saurait se substituer à des lectures de type savant, autorisé, mais dont il faut savoir qu'elle représente la forme la plus naturelle, plaisante, enrichissante, inventive aussi, vitale, de relation avec le texte. Sans du tout renier, j'insiste, l'importance des pratiques savantes, il serait bon qu'à l'école ces dernières ne prennent pas trop vite et trop largement le pas sur ces lectures d'appropriation, remuantes et un peu vagabondes que le fin pédagogue devrait encourager de manière à en approfondir et affiner les procédures.