samedi 1 novembre 2025

RÉCÉPISSÉ DÉCOUVREURS : ROSA DE DENISE LE DANTEC AUX PRESSES DU RÉEL.


Rares semblent devenues les figures de lutte porteuses d’idéal. Animées d’un sens profond de la beauté et de la richesse possibles et partageables de la vie.

C’est pourquoi j’ai plaisir aujourd’hui à découvrir dans ma boite à lettres, ce petit livre de Denise le Dantec consacré à Rosa Luxemburg.  

L’ouvrage de Denise le Dantec tient à première vue de la partition. Fait se rejoindre à la sienne la voix de cette belle militante de l'Internationale ouvrière, engagée et pacifiste, fondatrice au cours de la première guerre mondiale de la Ligue spartakiste, celle de ses compagnons de lutte comme Karl Liebnecht. Se termine par un poème de Bertold Brecht adressé en 1943 à ceux qui viendront après. Pour les prier de penser avec indulgence à ceux qui ont sombré.  Se seront insuffisamment révoltés peut-être.

Denise le Dantec dont on connaît, j’espère, l’extraordinaire maîtrise des mots comme des images et qui est aussi peintre, donne ici un court mais fort poème à voir, comme bien sûr aussi à lire, en faisant typographiquement éclater sur la page aussi bien ce profond désir de liberté que cette fondamentale aspiration à la vie, la vie vivante et rassemblante qui anima, jusqu’à ce qu’un obscur militaire l’exécute d’une balle dans la tête avant de jeter son cadavre dans les eaux froides du Landwehrkanal, celle qui ne cessa de proclamer son amour de toutes les créatures, «en dépit de l’humanité».

 

vendredi 24 octobre 2025

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS : FILLES BLEUES DE IVAR CH’VAVAR CHEZ LURLURE !


 

Il me faudra revenir sur ces Filles bleues au bord de la mer qui pour moi empruntent moins au Proust des Jeunes Filles en fleurs ou aux Filles du feu de Nerval qu’à certaines pages du Sanglot de la terre et des Complaintes d’un Laforgue qui serait passé par le surréalisme, certaines images de Munch aussi voire d’Oscar Kokoschka. C’est cru. Savant et barbare à la fois. Solidement ancré dans le paysage particulier d’une vie – Berck, « pour moi le nombril de la planète » - tout en restant terriblement ouvert à l’universel d’une condition envisagée sous l’angle double de l’éternité cosmique et de notre caducité d’êtres marchant vers la mort. Il ne faut pas hésiter à plonger dans un tel livre. Ça fouette. Emporte. Et vivifie !

mardi 21 octobre 2025

SUR L’ANGLE MORT DE CORINNE DUPUY PARU DANS LA COLLECTION PEREC 53 DE L’ŒIL ÉBLOUI.

LES PREMIERS TITRES PARUS DE LA COLLECTION PEREC 53

 

Créée en 2013, l’œilébloui, petite maison d’édition nantaise publie des ouvrages qui ambitionnent de nous faire partager les coups de cœur, comme on dit, de son fondateur, Thierry Bodin-Hullin. Nés de l’amitié, animés d’un véritable esprit de partage, les livres de cette maison présentent ce petit je ne sais quoi de singulier qui fait qu’on les remarque et les trouve attachants.

Grâce à une collecte internet rapidement financée à plus de 130%, l’œilébloui a récemment lancé, une inventive collection, Perec 53[1], qui en référence au titre du dernier roman inachevé de Georges Perec, 53 jours, se propose de publier sur l’espace de quelques années, 53 livres de chacun 53 pages, imaginés par 53 artistes et écrivains, éclairant de leur regard l’œuvre aussi bien que la vie, de l’auteur de La Disparition et de La Vie mode d’emploi.

Viennent de me parvenir les trois derniers ouvrages de cette collection.

C’est un souvenir très personnel qui m’a retenu à la lecture du beau livre triste de Corinne Dupuy, L’angle mort, où cette dernière tente de comprendre ce qui aura pu relier la vie de son ancien compagnon, Bernard Magné, professeur agrégé de Lettres classiques et celle de Georges Perec dont il est devenu au fil des ans l’un des principaux spécialistes.  

jeudi 16 octobre 2025

MARCHER DANS LA VILLE COMME À L’INTÉRIEUR DE SON SIÈCLE. SUR LE DERNIER LIVRE DE MILÈNE TOURNIER CHEZ LURLURE.

 

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Durant toute une année, d’un 31 mai à l’autre, jour après jour, Milène Tournier s’est astreinte à rendre compte, parfois d’une simple ligne, parfois au moyen d’un texte plus long, des marches qu’elle a improvisées à travers l’espace sans cesse renouvelé et ouvert de la rue. Nous entraînant avec elle dans divers quartiers de Paris ainsi que de sa banlieue. Poussant parfois des pointes jusqu’à des localités plus lointaines.

La forme d’une ville, comme nous l’aura dit Baudelaire puis rappelé le regretté Jacques Roubaud[1], change plus vite hélas que le cœur des humains. Quand j’avais l’âge, un peu moins peut-être même, de Milène, je me promenais volontiers avec dans la poche le Piéton de Paris de ce Léon-Paul Fargue aujourd’hui quasiment oublié mais auquel à l’époque je vouais une sorte de culte pour la façon dont il ouvrait sa solitude à la « somme  brasseuse  et  polymorphe »[2] du monde dont, y marchant lui aussi, infatigablement, il traversait l’assidu fourmillement.

Allant à leur tour à la rencontre de ce foisonnement, les textes de Milène Tournier se montrent toutefois bien différents de ceux du Piéton de Paris ou de Haute Solitude, cet autre maître livre du vieux poète parisien. Ce n’est pas seulement que le monde volontiers pittoresque de la première moitié du siècle dernier a presque aujourd’hui disparu. C’est aussi que si parfois, dans 31 kilomètres aujourd’hui, se retrouve la même capacité à retenir le réel à travers un système d’analogies étranges et fulgurantes, comme à travers cette évocation au Musée militaire d’un tank présentant un faux air de grand piano à queue, le regard que porte Milène Tournier sur la ville se montre beaucoup plus direct, présent, empli de l’immédiate fragilité de son objet, du tremblé de ses lignes que celui de son aîné qui vise surtout à la généralité nostalgique d’un tableau définitivement assuré dans son architecture, ses couleurs et ses traits.

dimanche 12 octobre 2025

CHANTER POUR LES SOURDS. LA POESIE PRISE ENTRE L'OFFRE ET LA DEMANDE.

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« Chanter pour les sourds » disait Théophile Gautier « est une occupation mélancolique ».

 Je ne compte plus en effet le nombre de poètes, parfois très estimables, qui sur les réseaux sociaux, se plaignent du peu de cas que la société à laquelle ils s’adressent, fait de leur production. On peut comprendre la frustration, le découragement, la tristesse et jusqu’au désespoir qui finissent par envahir le cœur de certains qui ne faisant l’objet que d’une très relative et médiocre attention voient la scène poétique concentrer ses feux sur quelques personnalités dont le principal mérite, à leurs yeux, ne relèverait que de la double habileté relationnelle et communicationnelle.

mardi 7 octobre 2025

FASSIN, GELLÉ, MOULIN, DUBOST : LES NOUVEAUTÉS D’OCTOBRE DANS LA COLLECTION LITTÉRATURES DE L’ATELIER CONTEMPORAIN.

 


 

Des nouveautés en nombre ce mois-ci dans la Collection Littératures de l’Atelier Contemporain.

La première, La douceur rouge des étoiles, signée de Laurent Fassin qui s’y voit accompagné de peintures de Benoît de Roux, a pour ambition de rapprocher la poésie de la musique en substituant notamment à ce qu’on a coutume d’appeler ses blancs, terme pictural, ce que l’auteur, lui, veut appeler silence. Le poème s’entend alors comme partition susceptible « sans renoncer à l’horizontalité qui préside à son essor, reconduite de ligne en ligne et vers après vers », de se donner un caractère, à sa façon, polyphonique. Deviendrait ainsi possible « une lecture à double entrée, horizontale et à la fois verticale, reconnaissant au poème une étonnante capacité à se métamorphoser sans cesse ». Cela bien sûr n’est pas absolument nouveau mais convient plutôt bien à ces évocations en partie fugitives des multiples absences, rougeoyantes solitudes et fragiles éclaircies qui composent avec insistance, le monde en profondeur ouvert, en constant mouvement et tension qui fait ici entendre ses voix.

vendredi 3 octobre 2025

RECOMMANDATION DÉCOUVREURS. LE NU DANS LA TAILLE, UN RÉCIT POÉTIQUE DE YANNICK KUJAWA, CHEZ EDERN EDITIONS.

Boulonnais depuis toujours, j’ignorais tout de l’existence, depuis le XVIIème siècle, dans la bocagère région d’Hardinghen, de ces « champs souterrains grands comme des océans » que mon ami Yannick Kujawa aura entrepris d’évoquer à travers la pathétique histoire d’une fille « toute blanche dans un noir d’encre ». J’aurai donc si longtemps parcouru, à pied, à vélo, en voiture, ce territoire, sans jamais soupçonner qu’il y eut là des mines de charbon, les premières apparemment à avoir été dans le Nord exploitées, exploitées en l’occurrence étant le mot juste, puisqu’y descendaient pour quelques malheureux sous des enfants des deux sexes qui n’y faisaient pas long feu.

Comme je l’écrivais il y a une bonne dizaine d’années à propos d’un poème de l’irlandaise Eawan Boland, évoquant une gravure[1] illustrant toute l’horreur de la Grande Famine du milieu du XIXème siècle qui réduisit de plus d’un quart la population irlandaise en l’espace de quelques années, le grand art, même s'il dénonce avec le plus de force, la misère infligée aux femmes, s'apparente souvent quand même, par la brutalité de sa technique à un rapt, un viol, arrachant à jamais le corps représenté, à son air natal, pour l'emprisonner dans sa page. Du coup  devenue cage. Rien de tel dans l’ouvrage de Yannick Kujawa qui, dans une grande simplicité de trait, une disposition d’esprit profondément empathique à l’égard des humbles, réinstalle poétiquement son personnage de Blanche au cœur de cette beauté cosmique qui continue pour elle, dans ses immenses dimensions et d’espace et de temps, de faire paysage à ses plus profondes détresses. Par quoi c’est tout son être qui s’en trouve exhaussé. Alors certes, on dira que cette histoire faite pour nous serrer la gorge cherche quand même par là à nous rendre comme l’écrivait Paul Celan, le chagrin habitable. Mais n’est-ce pas aussi parfois, dans ces temps d’assez grande sécheresse, ce dont nos cœurs ont besoin. Comme des belles figures de martyrs et de saints de Fra Angelico.

J’y reviendrai.

EXTRAITS 

mardi 30 septembre 2025

SORTIE DE MATIÈRE DE DOMINIQUE QUÉLEN CHEZ FLAMMARION. SINGULIER FAÇONNAGE.

 

À paraître ce mercredi chez Flammarion : MATIÈRE de Dominique Quélen. Dans l’immédiat, disons qu’on y retrouvera, bien ou mal entendu, du Quélen et du Quélen pur jus. S’astreignant ironiquement aux choses difficiles comme peler la surface de l’eau. Plonger tête première pour s’enfoncer sous la terre. Se confronter à l’absence. Celle dans la vie, par exemple, du frère. Celle dans les mots, de ce réel, bancalement, qui fuit. Travaillant, non à combler, mais  façonner ces manques – dans matière il y a métier – par l’assemblage, en quelque deux cents petits tombeaux déguisés de prose, d’un objet, d’une machine qui pourrait n’avoir d’autre sens que d’avoir été à sa façon mont(r)ée, n’était que dans sa forme, ses substances, cela quand même, de l’intérieur, bizarrement, vit.